Caractéristiques
- Titre : Le Livre des Solutions
- Réalisateur(s) : Michel Gondry
- Scénariste(s) : Michel Gondry
- Avec : Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun, Vincent Elbaz, Frankie Wallach, Camille Rutherford et Mourad Boudaoud.
- Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
- Genre : Comédie dramatique, Drame, Comédie
- Pays : France
- Durée : 102 minutes
- Date de sortie : 13 septembre 2023
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Un film réjouissant au casting investi
Huit ans après son précédent film, Microbe et Gasoil, Michel Gondry fait enfin son grand retour au cinéma avec Le Livre des Solutions, fiction autobiographique portée par un casting quatre étoiles. Dans ce douzième long-métrage, un réalisateur incompris, Marc, s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir le montage de son film et échapper aux injonctions de sa production. Une fois sur place, Marc fuit ses responsabilités vis-à-vis du film et laisse libre-court à sa créativité bouillonnante en écrivant un guide de conseils pratiques, le Livre des solutions, censé résoudre tous les tracas du quotidien.
Une chose saute immédiatement aux yeux avec cette nouvelle création de Michel Gondry : il s’agit d’un film extrêmement drôle. Le tempo comique des dialogues est excellent, les situations sont toutes plus rocambolesques les unes que les autres, et les interactions entre les personnages sont pleines de fraîcheur et de dynamisme. Le personnage de Marc, au centre de tous les regards, a une manière de penser qui diffère de la norme et part du principe que tout ce qu’il fait est révolutionnaire. Sa façon de recevoir chaque nouvelle idée – même la plus incongrue – comme une épiphanie est un ressort comique très efficace. Quant à son caractère mégalomaniaque mais sincère, il se révèle tout aussi cocasse que touchant.
La caméra accompagne les personnages au plus près, à commencer par Pierre Niney (Goliath), décidément très à l’aise dans le registre comique et présent dans quasiment tous les plans, incarnant ce personnage aussi attachant que détestable. Sa monteuse, interprétée par une Blanche Gardin (Fumer fait Tousser, Tout le Monde Aime Jeanne) très naturelle, est tantôt émerveillée tantôt agacée par les lubies constantes mais changeantes de son réalisateur favori, qu’elle materne pourtant avec douceur. Quant à Denise, inspirée par la véritable tante Suzette de Michel Gondry, décédée peu de temps auparavant, et qu’il avait filmée dans L’Epine dans le cœur, elle est campée avec chaleur et fermeté par Françoise Lebrun. Tous ces personnages ont une alchimie très touchante à l’écran, presque familiale, et l’apparition fortuite d’un chanteur international de renom ne fait que renforcer un casting déjà très convaincant.
Une réalisation sobre et réussie
Dès les premières minutes du film, le spectateur reconnait la patte de Michel Gondry : écriture enfantine du générique, machines et fils en arrière-fond, nombreux gros plans sur les objets, tout est là pour rappeler son goût pour le bricolage, qui s’incarne parfaitement dans la création de Marc, le Camiontage. Ce véhicule trafiqué pour devenir un véritable lieu de création cinématographique n’est pas sans rappeler la voiture cabane de Microbe et Gasoil. On retrouve également quelques séquences de stop motion, sa propension à créer à partir d’effets pratiques amusants, ou encore le motif de la mise en abyme du cinéma.
Pourtant, ce long-métrage a sans doute l’une des mises en scène les plus sobres de la carrière du cinéaste. Très réussie mais plus classique qu’à l’accoutumée, elle ne laisse s’exprimer la fantaisie de Gondry qu’à quelques moments savamment choisis. Le travail du chef-opérateur Laurent Brunet pour mettre en valeur les beaux paysages des Cévennes est très convaincant, tout comme le montage très efficace d’Elise Fiévet. La musique occupe également une place de choix dans le film, notamment lorsque Michel Gondry met en scène une séquence de direction d’orchestre et d’improvisation musicale particulièrement réjouissante.
Bien évidemment, la personnalité fantasque du réalisateur se ressent à travers bon nombre de trouvailles originales et farfelues : un bref dessin animé inséré dans le film qu’il présente comme un entracte pour les spectateurs, une brutale accélération de l’image, des tentatives de construction de film en palindrome, ou encore une scène de recette qui filme Denise en qualité caméscope… Tout est là pour rappeler que ce qui fascine le réalisateur, c’est l’acte de création en lui-même, et le cinéma avant tout.
Une fiction autobiographique touchante
Comme le confirme Michel Gondry en interview, Le Livre des solutions est un film très personnel, à la limite de l’autobiographie, même s’il le traite par le biais de la comédie. Le film a réellement été tourné dans la maison de sa tante où il a passé de nombreux étés, enfant, et le réalisateur s’y met à nu de manière très touchante. Son double fantasmé, incarné avec beaucoup de nuances par Pierre Niney, est neuro-atypique, nerveux et obsessionnel, et le long-métrage le suit au gré de ses impulsions, de ses idées, mais aussi de ses colères qui impactent fortement son travail et sa vie sociale.
Tout au long du film, la voix off de Marc accompagne le récit et le commente avec une distance semi-ironique. Sa fantaisie, mais aussi sa manière de perdre le fil et de passer sans cesse du coq à l’âne se ressent de manière encore plus tangible par ce biais, et permet une introspection émouvante, même si elle n’est pas exempte d’une bonne dose d’auto-dérision. On peut d’ailleurs s’amuser de quelques moments de fausse modestie de la part du cinéaste, lorsqu’il met par exemple en scène Marc sur le tapis rouge, lors de la présentation de son film.
Michel Gondry semble utiliser son œuvre pour parler de ses troubles et s’excuser du mal qu’il peut parfois faire à ses proches. Le tout demeure risible, mais c’est un rire souvent grinçant, car on sent que le personnage de Marc peut se laisser dépasser par ses propres démons. Il se montre parfois tyrannique et se laisse souvent gagner par la paranoïa, au point de se couper totalement des autres. Ces derniers, bien que faisant preuve de beaucoup de patience, ne parviennent pas toujours à l’aider. Le film prend donc la forme d’une quête de rédemption, qui finit par s’incarner dans un arc romantique légèrement moins convaincant que le reste, mais qui demeure malgré tout tendre et sensible, comme Michel Gondry sait si bien le faire.
Le Livre des solutions est donc une comédie très drôle et remarquablement interprétée, pour laquelle Michel Gondry se met à nu dans une introspection touchante et pleine d’auto-dérision. Si la mise en scène semble un peu plus sobre qu’à l’accoutumée, on y retrouve bien sûr ce qui fait la patte du réalisateur : un goût pour le bricolage, de la fantaisie et des personnages très attachants, mais aussi et surtout cette folle et exubérante envie de créer.
Cependant, la réalisation, trop terre à terre, n’est pas la plus inspirée que nous ait offert le réalisateur, même si l’on comprend sa volonté manifeste de réalisme, voire d’éviter d’avoir recours à son style distinctif, maintes fois copié, sauf à la portion congrue. Le cauchemar de Marc suite à la disparition d’un collaborateur est l’une des exceptions, ce qui lui donne de la force et fait sens narrativement parlant à ce moment-là. Il est cependant dommage que, visuellement, peu d’images nous restent en tête, à l’inverse par exemple de La science des rêves, dont le héros incarné par Gael Garcia Bernal ressemblait également quelque peu au cinéaste par ses angoisses. Reste un film simple et sincère, à la fois lettre d’excuses et manifeste d’un artiste jusqu’au-boutiste et passionné.