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[Patrimoine] Saint-Clair au Lavandou : une destination touristique et artistique au charme intact

la pointe du layet à saint-clair le lavandou sur le chemin des peintres
La pojnte du Layet à Saint-Clair, sur le Chemin des peintres. Les lieux inspirèrent notamment Henri-Edmond Cross pour son tableau Le Cap Layet (1904) et Théo Van Rysselberghe pour La pointe du Rossignol (1905). © Culturellement Vôtre

Début juillet, Culturellement Vôtre s’est rendu au Lavandou dans le Var afin de découvrir l’exposition consacrée au peintre fauve Henri Manguin à la Villa Théo, au cœur du quartier Saint-Clair. L’occasion de nous pencher sur ce lieu exceptionnel aux paysages d’une beauté à couper le souffle, dont l’histoire est intimement liée à l’art et à la culture.

Le Lavandou et les peintres néo-impressionnistes

Située à mi-chemin entre Toulon, Hyères et Saint-Tropez sur le littoral méditerranéen, la commune Le Lavandou est née en 1913 de la scission d’avec Bormes-les-Mimosas, dont elle constituait auparavant un quartier bâti autour de son petit port de pêche. La commune a connu son essor à la toute fin du XIXème siècle lorsque le banquier Hippolyte Adam, également amateur d’art et mécène, participe au financement des chemins de fer et à la construction d’une ligne reliant Toulon à Saint-Raphaël. Ainsi désenclavé, Le Lavandou devient alors une station balnéaire de la côte varoise, d’autant plus prisée par les touristes, les citadins et les artistes que la vie y est alors abordable. Pour cette raison, c’est l’un des lieux où l’on observe en premier le phénomène de la résidence de bord de mer.

cimetière le lavandou
Le cimetière communal au Lavandou où reposent les peintres Henri-Edmond Cross et Théo Van Rysselberghe. © Culturellement Vôtre

Pour les peintres, l’attrait est réel : non seulement la lumière et les paysages du Midi constituent une source d’inspiration idéale pour leurs œuvres, mais ils peuvent dorénavant prendre le train et s’arrêter là où ils jugent que les paysages ont le plus d’intérêt pour eux. Les néo-impressionnistes Paul Signac et Théo Van Rysselberghe, qui avaient découvert le Midi pour la première fois en 1891 à la mort de Georges Seurat (Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande Jatte, 1886), commencent à se rendre à Saint-Clair, quartier situé à 1,5km du centre-ville, en 1893 lorsque Henri-Edmond Cross s’y installe. Ils le rejoindront en villégiature 3 ans plus tard. Van Rysselberghe s’y installera définitivement à partir de 1909. Il accueillera régulièrement ses amis peintres venus de la ville dans sa maison-atelier construite par son frère Octave, architecte renommé à qui l’on doit plusieurs résidences sur la côte. Les peintres du mouvement y resteront jusqu’en 1926, année de la mort de Théo Van Rysselberghe qui, comme son ami Cross, est enterré dans le cimetière communal au Lavandou. On peut encore aujourd’hui se recueillir sur la tombe des deux artistes.

tombe du peintre néo-impressionniste henri-edmond cross au cimetière communal le lavandou dans le var
Le bas-relief de la tombe d’Henri-Edmond Cross, réalisé par son ami Théo Van Rysselberghe, enterré à quelques mètres de lui. © Culturellement Vôtre

C’est en hommage à leur présence et aux œuvres qu’ils réalisèrent sur place que la commune a conçu Le Chemin des Peintres, un parcours de 2,5km qui sillonne Saint-Clair et permet de marcher dans leurs pas, à la découverte des paysages (plage, pinède, Cap Bénat, île de Port-Cros…) qui ont inspiré leurs œuvres (Les anthémis en fleurs, Les amandiers en fleurs, Les eucalyptus, Les îles d’or, Rivage et île du Levant…), dont des reproductions sont présentées sur des pupitres à chaque étape. sur un parcours de 2,5km sillonnant Saint-Clair. Il faut compter entre 1h et 1h30 de marche à pied pour réaliser la totalité du parcours.

En ce qui nous concerne, lors de notre visite, c’est Raphaël Dupouy, l’attaché culturel du Lavandou, pas avare le moins du monde en anecdotes, qui nous fait office de guide. Si, faute de temps, nous n’avons pas pu réaliser le parcours à pied, nous faisons quelques escales en voiture pour admirer certains points clés (notamment la Pointe du Layet) avant de visiter le cimetière et les tombes de Théo Van Rysselberghe et Henri-Edmond Cross. Le médaillon en bas-relief sur la sépulture de ce dernier (disparu en 1910), fut réalisé par Van Rysselberghe lui-même, qui rejoindra son ami 16 ans plus tard.

la plage de saint clair le lavandou dans le var
© Culturellement Vôtre

Station balnéaire et refuge d’auteurs et artistes

Au-delà des peintres néo-impressionnistes et fauves (Manguin, Matisse et Marquet étaient également des habitués des lieux), Le Lavandou se développa plus particulièrement d’un point de vue touristique au début des années 1920, attirant touristes, auteurs et artistes. L’Hôtel des Voyageurs ouvre à ce moment-là face à la gare, ce qui en fait un lieu de passage stratégique. A tel point que les peintres venus travailler se plaignaient parfois de la présence de boulistes lyonnais ! Radiguet y termine son roman Le diable au corps en 1922 avant de mourir.
Joseph Kessel (Le lion) séjourna également régulièrement dans la région, même si l’absence d’archives sur cette période de sa vie ne permet malheureusement pas de véritablement la documenter ou de savoir quelle influence elle eut réellement sur son œuvre. Tout juste certains historiens suspectent-ils que certains passages de ses romans ont pu y être écrits, sans documents précis pour confirmer ces intuitions. Il séjournait à l’hôtel Moriaz et alternait entre écriture de romans, nouvelles et articles de presse.

L’éditeur de Mallarmé en Suisse résidait également ici, de même que plusieurs auteurs juifs, qui émigrèrent ensuite aux États-Unis lors de la montée du fascisme, mais aussi des auteurs anglo-saxons. Parmi les habitués célèbres, on peut également mentionner André Gide. Le Prix Nobel de Littérature 1942, qui épousa Elizabeth, la fille de Théo Van Rysselberghe, aimait y retrouver ses amis de la NRF (La Nouvelle Revue Française).

Au début du XXe siècle, Saint-Clair vivait beaucoup de la culture de primeurs, d’arbres fruitiers et de fleurs, qui étaient ensuite acheminés vers Toulon, Marseille et Paris. La présence de murets en pierres sèches témoigne encore aujourd’hui de cette activité qui permit à la commune de se développer économiquement.

Le nom du quartier vient quant à lui de l’ancienne chapelle qui s’y trouvait, et qui fut nommée ainsi en l’honneur du patron des couturières qui avait, selon la légende, le pouvoir de rendre la vue aux aveugles. Une procession annuelle, la Fête du Romérage, a encore lieu en septembre afin de le célébrer.

Autre fait notable, qui fait l’objet de commémorations régulières : Le Lavandou fut libéré le 18 août 1944 par le groupe des Commandos d’Afrique. Quelques jours plus tôt, dans la nuit du 14 au 15 août, ils furent les premiers à débarquer en Provence. Arrivés près du Cap Nègre, ils escaladèrent les falaises pour détruire les canons ennemis avant de bloquer le route côtière pour s’emparer des hauteurs du Mont Biscarre.

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La plage de Saint-Clair à l’ombre de ses tamaris, à quelques pas du restaurant Chez Raymond. © Culturellement Vôtre

Une plage à l’eau cristalline et des paysages à couper le souffle

Si, aujourd’hui, le Lavandou est une destination touristique plus confidentielle que Saint-Tropez, la commune, paisible, n’en est que plus agréable. Le jour de notre visite, un soleil resplendissant brille au-dessus de la plage de Saint-Clair et à l’heure du déjeuner, les baigneurs se pressent déjà dans une eau d’un bleu cristallin assez époustouflant. De nombreuses activités sont possibles dans les environs : plongée, sortie en catamaran, balade en kayak ou en paddle…

On peut apercevoir de là la pointe du Cap Nègre et ses sublimes falaises. L’ancienne batterie militaire érigée sous Louis Philippe, avec son canon, s’y trouve encore – le site a été transformé en centre océanographique. Aujourd’hui, les lieux sont également connus, au-delà de la beauté de leurs paysages, pour abriter un domaine privé peuplé de villas cossues, dont certaines appartiennent à des personnalités célèbres, comme la famille Bruni-Tedeschi.

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© Culturellement Vôtre

Le restaurant Les Tamaris (Chez Raymond) : une institution à découvrir

En sortant de la Villa Théo, centre d’arts installé dans l’ancienne maison-atelier du peintre Théo Van Rysselberghe et proposant régulièrement expositions temporaires, concerts et ateliers de peinture, nous en profitons pour aller déguster beignets de courgettes, petite friture et une belle assiette de pagre grillé et petits légumes à la terrasse du restaurant Les Tamaris (Chez Raymond), situé en bord de plage à quelques minutes à pied et nommé ainsi en référence aux arbres qui apportent un peu d’ombre à cette zone ensoleillée. Pour ceux qui ont encore en tête la chanson « Mon Raymond » de Carla Bruni dédiée à Nicolas Sarkozy, sachez que les deux n’ont rien à voir… même si on peut se demander, compte tenu des séjours réguliers du couple au Cap Nègre dans la demeure familiale de la chanteuse, si celle-ci n’y a pas trouvé là une certaine source d’inspiration au moment de choisir un surnom bien franchouillard « à l’ancienne » à son mari.

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© Culturellement Vôtre

Véritable institution depuis 1963, fréquentée aussi bien par les touristes que les résidents, célèbres ou inconnus, des environs, le restaurant est dirigé par Raymond Viale, véritable figure locale qui, à plus de 83 ans, est toujours présent, veillant au grain et passant chaleureusement de table en table pour vérifier que tout va bien. Si certains prix affichés au menu peuvent, au-delà des entrées à partager, monter assez haut (voir la carte ici), la cuisine des lieux est simple, authentique, conviviale et sans chichis. On peut y déguster fruits de mer et poissons issus de la pêche du jour – sans compter la célèbre bouillabaisse au feu de bois de l’établissement, à partager à partir de 2 personnes, servie à table sur la traditionnelle conque. Un plat qui fait la fierté de Raymond et au sujet duquel il est intarissable. Les poissons sont issus exclusivement de la pêche locale et tout est extra-frais.

La famille Viale est originaire de Saint-Clair. Agriculteurs modestes avant que Le Lavandou ne se développe touristiquement, ils étaient propriétaires de terrains en bord de mer, ce qui leur permit de prospérer lorsque les environs se développèrent après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les frères Régis et Raymond (ce dernier n’avait que 23 ans à l’époque) ouvrirent ainsi chacun leur restaurant, et leur autre frère ouvrit quant à lui un hôtel situé à quelques pas de là.

La peintre chinoise Lalan : une autre figure locale avant-gardiste

peintre chinoise lalan 1921-1995S’il est généreux en informations et anecdotes sur l’histoire de Saint-Clair et du Lavandou, Raphaël Dupouy est également passionné dès lors qu’il parle d’une autre artiste qui a marqué les lieux : la peintre chinoise Lalan (1921-1995), dont il défend avec passion l’œuvre et la mémoire depuis près de 30 ans. Il dirige en effet depuis 1995, à la demande de son mari Marcel van Thienen, l’association Réseau Lalan, dédiée à la vie culturelle locale et qui réalise de nombreuses actions à Bormes-les-Mimosas et au Lavandou.

Figure avant-gardiste en son temps, qui quitta son riche mari, lui-même peintre (Zao Wu Ki), pour le sculpteur et musicien belge Marcel van Thienen, qu’elle épousa à la fin des années 50, Lalan (Xie Jung-Lan de son nom chinois) fut danseuse, chorégraphe, poétesse et peintre, même si son œuvre est quelque peu restée dans l’ombre à cause de l’étiquette d’ex « femme de » qu’on lui collait. Voisine de Giacometti à Montparnasse, Lalan commence à peindre uniquement après son divorce, à l’âge de 37 ans. Auparavant, c’est elle qui poussa Zao Wu Ki à réintégrer les idéogrammes chinois dans sa peinture. Même si son œuvre, qui reste confidentielle par rapport à d’autres de ses contemporains, est aujourd’hui réévaluée, elle fut plus connue comme danseuse de son vivant, et notamment pour le concept de « spectacle total » qu’elle créa, et qui mêlait différentes formes d’expression artistique, ce qui était très novateur pour l’époque en Occident. Elle emménagea avec son mari à Bormes-les-Mimosas à la fin des années 80 et fit office de mentor pour plusieurs jeunes artistes originaires de Bormes et Le Lavandou – d’où l’initiative de donner son nom à ce réseau culturel particulièrement dynamique.

Si vous vous trouvez à proximité de Toulon, Hyères ou Saint Tropez cet été et avez envie de faire de jolies découvertes culturelles entre deux balades, baignades ou activités nautiques, nous ne pouvons donc que vous conseiller de faire un crochet par Saint-Clair et Le Lavandou, où détente et art de vivre font bon ménage, pour une parenthèse tranquille, loin de l’agitation des lieux plus fréquentés.

Plus d’informations sur le site de l’Office du Tourisme Le Lavandou.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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