Jax Miller est une romancière qui, pour son premier livre, a décidé de se lancer dans le roman noir. Loin d’être un style évident, il faut éviter de tomber dans les clichés et réussir à tenir en haleine les lecteurs. Le pari est-il réussi pour Les Infâmes ?
De l’Amérique profonde
Freedom Oliver vit dans une petite ville de l’Oregon dont les principales activités tournent autour du Whammy bar, repère de motards barbus de la côte Ouest. Alcoolique et suicidaire, un passé tourmenté se cache derrière ce nom de cartoon : dans une autre vie, Freedom était Nessa, jeune mère d’un petit garçon, épouse d’un ancien voyou devenu policier corrompu. Nessa aurait pu être heureuse avec son fils mais son mari et sa famille désiraient autre chose ; lorsque celui-ci est tué par balle à leur domicile, c’est Nessa qui est envoyée en prison. Au bout de deux ans de patience et de luttes, elle est innocentée et son beau-frère prend sa place. Mais la contrepartie de sa liberté retrouvée est qu’elle doit entrer dans un programme de protection des témoins du FBI et, surtout, elle doit abandonner la charge de ses enfants (une petite fille est née pendant son incarcération) de peur qu’ils ne soient confiés à son horrible belle-famille. Freedom prend alors forme, survivant au quotidien, les idées sombres et les yeux sur ces enfants adoptés par un pasteur du Kentucky. Alors qu’elle se laisse porter par la vie en attendant sa mort, Freedom va apprendre que sa fille s’est faite enlevée au moment où son beau-frère sort de prison. Nessa va alors devoir reprendre le dessus pour partir à la recherche de sa fille qu’elle a connu quelques minutes à peine.
Road-trip à travers les clichés
Les Infâmes est le premier livre de Jax Miller, et construire une histoire aussi sombre n’est pas chose aisée. La première chose que l’on ressent, et qui reste au cours de cette lecture, est la multiplication des personnages clichés, à commencer par Freedom. Décrite jeune fille modèle, tombée enceinte puis mariée au bad boy du quartier, elle est maltraitée par toute sa belle-famille à l’exception d’un beau-frère qui la soutient moralement, son handicap physique ne lui permettant pas de la protéger autrement. Après sa période en prison et l’abandon de ses enfants, elle se transforme en épave, cherchant l’adrénaline dans la violence et l’oubli dans l’alcool. Elle devient enfin lionne pour partir à la recherche de ses enfants. On retrouve donc ici le parcours « classique » de la gentille jeune fille qui essaye de se détruire mais retrouve sa force par sa progéniture. Les agents du FBI sont des incompétents lourdauds (exception faite du jeune beau divorcé), les motards sont des barbus imbibés de bière qui cherchent la bagarre et les indiens sont quasi mutiques sauf pour raconter des légendes et soigner des plaies de façon improbable. Même la virée en moto à travers les plaines désertiques du Midwest américain n’apporte qu’une impression de déjà-vu.
Et pourtant…
Ça fonctionne. Malgré l’accumulation des clichés, Les Infâmes se lit et surtout s’apprécie très bien. Le point fort de Jax Miller est d’avoir parfaitement réussi la maitrise des différentes histoires, les parcours de chacun des personnages et les flashbacks. Pas (ou peu) de temps morts dans cette aventure trépidante avec plusieurs twists bien placés, la multiplication des thèmes apportent aussi une forme de renouveau qui facilite la lecture de ce roman. Enfin si certains personnages peuvent être attachants, les méchants sont à la fois terrifiants et risibles, le genre que l’on adore détester ! Lecture à conseiller aux amateurs de thriller, à éviter en cas de moral bas, Les Infâmes est un essai transformé de Jax Miller.
Les Infâmes, un roman écrit par Jax Miller. Aux éditions J’Ai Lu, 442 pages, 8 euros. Sortie le 5 octobre 2016