[Critique] Maigret : Un policier à l’ancienne

Caractéristiques

  • Titre : Maigret
  • Réalisateur(s) : Patrice Leconte
  • Scénariste(s) : Patrice Leconte et Jérôme Tonnerre d'après le roman de Georges Simenon
  • Avec : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Hervé Pierre, Elizabeth Bourgine...
  • Distributeur : SND
  • Genre : Policier
  • Pays : France
  • Durée : 1h28
  • Date de sortie : 23 février 2022
  • Note du critique : 7/10

Une légende française

Jules Maigret, le célèbre commissaire français, protagoniste de près de 60 romans et nouvelles, est une nouvelle fois adapté à l’écran, cette fois-ci par Patrice Leconte. Il s’agit de l’adaptation du roman Maigret et la jeune morte de Georges Simenon, publié en 1954 et déjà adapté à la télévision par le réalisateur Claude Boissol en 1973, avec à l’époque Jean Richard dans le rôle de Maigret. L’enquête prend place également dans les années 50 et fait suite à un appel anonyme annonçant que le corps d’une jeune femme a été retrouvé place Vintimille dans le 9e arrondissement. Le commissaire Maigret et ses hommes du 36 quai des Orfèvres sont sur l’affaire…

Ayant connu plusieurs fois les honneurs du grand comme du petit écran avec, entre autres, Bruno Cremer, qui en fut jusqu’à récemment le dernier interprète, Maigret revient après de nombreuses années d’absence et il faut dire que c’est pour notre plus grand plaisir. Car si l’adaptation de Patrice Leconte n’est pas la meilleure qui soit, elle possède pour atouts les images d’un Vieux Paris aussi étrange que fascinant, et surtout la présence d’un Gérard Depardieu plus impérial que jamais.

gérard depardieu dans le rôle de maigret dans le film de patrice leconte

Depardieu est Maigret

Comme nous l’avons déjà dit, le commissaire Maigret a connu bon nombre d’adaptations, mais l’évolution de la société, des mœurs et des techniques d’enquête l’avaient depuis de nombreuses années relégué au placard. Cette mise à pied injuste fait fi de la qualité des enquêtes écrites par Georges Simenon qui, quelle que soit l’époque, apportent leur lot de subtilités et de suspense. Néanmoins, ce n’est finalement pas l’enquête en elle-même qui est importante dans cette nouvelle adaptation de Maigret, mais bien la composition tout en silence et en nuances de Gérard Depardieu, qui trouve là certainement l’un de ses meilleurs rôles depuis longtemps.

Alors certes, cette incarnation change beaucoup de celle de Bruno Cremer ou de ses autres interprètes car le Maigret de Depardieu est un homme plus affaibli, dont la première apparition coïncide avec une séance chez son médecin, qui lui conseille d’arrêter le tabac et donc de ne plus fumer sa célèbre pipe. En outre, c’est un personnage dont tous les petits plaisirs, y compris sa célèbre blanquette de veau, lui semblent de moins en moins savoureux. Mais il n’est pas au bout du rouleau pour autant : il est seulement décrit comme traversant une mauvaise passe car harcelé plus que jamais par les fantômes de ses enquêtes avec lesquels il avance constamment. Le meurtre de la jeune fille qui lance l’histoire va à la fois l’enfoncer encore plus dans les méandres de ses pensées, tout en lui donnant l’occasion de revenir un peu dans le monde des vivants.

Curieusement, le parallèle qui nous vient en tête sur le Maigret de Patrice Leconte, c’est de penser à James Bond et plus particulièrement à celui incarné par Georges Lazenby dans Au Service Secret de sa Majesté. Bien que les deux univers ne semblent pas avoir beaucoup de points communs, les deux films sont similaires sur leur personnage ou plutôt sur l’atypisme du traitement qui leur est réservé, car tous les deux sont des exemplaires uniques et partagent cette émotion mêlée de mélancolie et de noirceur qui en font des one-shots indépendants de leur propre mythologie. Incarnant à la fois son personnage tout en s’émancipant de ses habitudes, Depardieu (comme Lazenby en son temps) nous livre une pépite d’autant plus précieuse qu’elle sera certainement unique.

andré wilms et gérard depardieu dans maigret de patrice leconte

Un film consensuel, mais habité

Bénéficiant d’une belle reconstitution du Paris des années 50 et d’interprétations crédibles, même si vampirisées pour la plupart par Depardieu, à l’exception de la jeune Jade Labeste plutôt touchante, le métrage de Patrice Leconte ne parvient cependant pas à se transcender complètement en raison d’une intrigue policière trop anecdotique et d’une conclusion trop évidente. Il demeurera malgré tout au cinéma l’adaptation la plus intime du personnage, ce qui lui octroiera certainement par manque d’action et une réalisation trop académique, une aura ennuyeuse, voire sentant la naphtaline pour la jeune génération, qui aurait cependant tort de la reléguer trop vite au placard.

Pour ceux qui accepteront d’aller au bout de la proposition de Patrice Leconte, la figure imposante de Maigret qui vogue dans des ruelles grisâtres en marchant au côté de ses fantômes marquera durablement leur esprit en fin de séance.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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