Lorsque l’on parle de piraterie, on imagine immédiatement un corsaire à la jambe de bois, un perroquet sur l’épaule et des attaques sanguinaires. Pourtant, le terme de pirate rapporte à un univers bien plus complexe que les représentations du Capitaine Crochet ou de Jack Sparrow. C’est ce que l’on peut découvrir dans Diego el Mulato : le plus célèbre pirate juif des Caraïbes paru aux éditions Auteurs du Monde.
Des destins croisés
Martin s’installe dans sa nouvelle demeure, une fermette restaurée du Sud-Ouest de la France. Alors qu’il prépare la maison pour y recevoir ses amis, son valet, Lucas, fait la découverte d’un très vieux manuscrit dans lequel Diego el Mulato de Los Reyes y assure raconter l’histoire de sa vie, accompagné d’une carte. Né au XVIIème siècle à La Havane, enfant d’une afro-antillaise et d’un converso (terme qui définit les juifs obligés de se convertir pour pouvoir vivre en territoire espagnol), le jeune Diego voit toute l’horreur de l’Inquisition lorsque sa mère est vendue comme esclave et son père torturé puis assassiné par un représentant espagnol. Craignant pour sa vie, il part à la recherche d’un bateau sur lequel embarquer et quitter cette ville pleine de la haine des inquisiteurs. Un capitaine accepte de le prendre sur son navire pour effectuer des menus travaux et de là naquit la passion de Diego pour la mer. Courageux, il devient vite un homme loyal qui a à cœur de sauver le plus de personnes possible des Espagnols ; peu à peu son destin le rattrape et il s’allie à différents pays (Pays-Bas, France, Angleterre) afin de repousser les Espagnols et les forcer à quitter les territoires d’Amérique. En plein divorce, passionné d’Histoire, Martin décide de se lancer à la recherche des traces de Diego, persuadé que la carte le mènera jusqu’à un trésor. Commence alors un long voyage en Jamaïque où Martin y trouvera bien plus que ce qu’il pensait…
Une écriture à quatre mains
Si l’on ne sait pas comment les rôles se répartissent entre les deux auteurs, on retrouve clairement un peu de Yves-Victor Kamami dans le personnage de Martin. Leurs métiers diffèrent mais leur passion est identique : l’Histoire. Déjà auteur d’un roman sur les Templiers (et de nombreux autres ouvrages médicaux), Kamami livre ici un récit très détaillé de l’histoire de ce pirate, que ce soit par la restitution des faits (rappelons que Diego el Mulato a réellement existé et qu’il a eu une forte influence dans la région) ou bien par des explications annexes ou descriptives. Ainsi lorsque Martin arrive à La Havane, le récit nous permet de nous imaginer à sa place tant les moindres détails sont indiqués. Si cela est souvent plaisant, il peut arriver que cela soit également pesant pour la lecture, il faut parfois s’accrocher pour ne pas décrocher du récit. De même, si l’on peut tout à fait comprendre le parti pris d’un récit en deux temps, deux époques, on se perd parfois dans la vie de Martin et de son entourage, certains personnages étant longuement présentés pour au final n’avoir qu’un rôle mineur dans l’histoire. On retrouve d’ailleurs ces caractéristiques du côté du récit de Diego, plein de personnages (eux aussi réels pour la plupart), parfois trop ; ce qui embrouille l’esprit. Attention donc à ne pas baisser les bras !
Une découverte surprenante
Si le livre se base sur l’histoire du pirate, un autre sujet se dégage très rapidement : l’Inquisition Espagnole et la mise en place d’une résistance. Sujet peu étudié (surtout en France), cette répression incroyablement violente a duré officiellement du XVème au XIXème siècle. Elle fut particulièrement active dans les colonies espagnoles après l’arrivée des conquistadores, et aussi contre les Juifs. Accusés d’être des traîtres, ils étaient obligés de se convertir ou de partir, et même convertis ils étaient encore source de suspicion et donc première cible des inquisiteurs. Ainsi il semble logique que peu à peu les minorités juives s’allient d’abord entre eux puis avec des ennemis de la couronne espagnole afin de faire cesser, ou tout du moins diminuer, la répression. On découvre en filigrane de ce roman toute l’histoire de ces quêtes et alliances, les guerres pour le pouvoir dans les Caraïbes au long du XVIIème siècle.
Diego el Mulato est un livre intéressant, plus par l’aspect historique abordé derrière un personnage que par la mise en parallèle de deux époques. On ne peut que regretter que certaines longueurs soient présentes, car le sujet principal, lui, est utile.
Diego el Mulato : le plus célèbre des pirates juif des Caraïbes, écrit par Yves-Victor Kamami et Sylvia Cornet D’Alwalhad. Aux éditions Auteurs Du Monde, 280 pages, 17 euros. Sortie le 31 octobre 2015.