Le « Mercyverse » à l’honneur
Parmi les phénomènes littéraires récents, la « bit-lit » (terme inventé par Bragelonne, soit rappelé en passant histoire de rappeler l’importance de cet éditeur) est clairement le plus prolifique. Tout le monde connaît le porte-drapeau de ce courant, la licence Twilight qui a vendu des millions d’exemplaires et de tickets de cinéma, mais beaucoup d’autres séries tirent leur épingle du jeu. Parmi les plus appréciées par une fanbase très pointue (discuter avec une fan de « bit-lit » est une expérience impressionnante), l’héroïne Mercy Thompson est sans doute celle qui a su construire un des meilleurs background, du genre bien fourni. Preuve en est cet Ombres Mouvantes, un recueil de nouvelles se déroulant dans l’univers de la « changeuse ».
Ombres mouvantes est, donc, un recueil d’histoires qui ont comme fil rouge l’univers de la licence Mercy Thompson : le « Mercyverse ». Avec neuf nouvelles, cet ouvrage propose une matière généreuse, qui va sans aucun doute plaire aux fans de cette série, tant ces écrits permettent d’approfondir notamment les personnages, qu’ils soient importants dans les romans ou moins en vue. Cœur d’argent, Bénédictions de fae, Gray, Loup d’aveugle, L’étoile de David, Des roses en hiver, Du sang sur les perles, Rédemption et Le Creux, voilà le programme bien tassé en plus duquel sont proposés deux passages coupés de deux aventures de Mercy : La Faille de la Nuit (le tome 8) et Le Grimoire d’Argent (le cinquième opus).
L’auteure des Mercy Thompson, Patricia Briggs, explique en introduction qu’Ombres Mouvantes lui a permis d’explorer sa création par le biais de nouvelles perspectives, et de prendre le temps de développer des intrigues qu’elle ne pouvait pas aborder avec les problématiques posées par le personnage de Mercy. On sent qu’elle avait besoin de s’accorder une respiration. Un concept qu’elle respecte plutôt bien, avec une seule nouvelle véritablement basée sur la « changeuse » (le Creux), le reste prend effectivement le soin de creuser certains personnages de cette licence-fleuve (déjà huit tomes, tout de même). Les fans de cette saga auront droit à des récits courts mais plutôt bien menés, toujours dans ce style très aisé typique de l’auteure. Ce n’est pas de la grande littérature, mais ça ne tombe pas des mains, et l’on n’a pas non plus l’impression de lire au rabais.
Une bonne friandise entre deux tomes de la saga
Pour ce qui est de l’intérêt des nouvelles en elles-mêmes, qui composent Ombres Mouvantes, cela va du très intéressant, comme la rencontre entre Samuel et Ariana dans Cœur d’Argent, le portrait fait de Warren dans Du Sang sur les Perles, et surtout le destin de la petite Kara dans Des Roses en Hiver, gros morceau de ce recueil qui nous donne enfin des réponse sur le devenir de cet enfant tristement « changée ». Mais cela va aussi dans le pas très important, comme Bénédictions de Fae, qui n’apporte pas vraiment de plus-value à la licence. Mais, dans l’ensemble, ces histoires courtes se lisent à grande vitesse pour peu que vous accrochiez à Mercy Thompson, à son environnement et au genre du « bit-lit ».
Alors certes, les lecteurs peu amateurs de l’exercice de la nouvelle pourront peut-être regretter, en lisant Ombres Mouvantes, que les intrigues ne soient pas assez fournies. L’intention Patricia Briggs est pourtant clair, il s’agit de friandises à destination des fans de la licence Mercy Thompson. Comme pour mieux vous aider à en retirer l’emballage pour une bonne dégustation, l’auteure accompagne chacun de ses textes par une introduction qui replace le contexte de l’histoire, mais aussi celui dans lequel elle a été imaginé par Briggs. Ombres Mouvantes ne se savoure qu’avec une connaissance de la saga qu’il vient compléter, il n’est pas de grand intérêt sans connaissance de l’univers.
Au final, Ombres Mouvantes peut aussi bien être vu comme un recueil de nouvelles que comme la preuve par trois du succès (artistique et populaire) de la saga Mercy Thompson qui se voit, avec cet ouvrage, être la cible d’un approfondissement certes parfois peu justifié, mais très bien pensé sur certains cas. On conseillera aux lectrices (lecteurs ?) qui voudraient découvrir la série de commencer par le début : les premiers tomes. Cet Ombre Mouvants fera un bon traitement pour qui est tombé accroc au « Mercyverse », lors d’une posologie en période d’attente d’un prochain tome.
Ombres Mouvantes, écrit par Patricia Briggs. Aux éditions Milady, 570 pages, 7.10 euros. Sortie le 20 mai 2016.