Après avoir été traducteur d’auteurs tels que William Blake, e.e. cummings ou Herman Melville, Jean-Yves Lacroix se lance dans l’écriture avec son premier roman, Haute Epoque, en 2013. Remarqué par les critiques et les libraires, il sort cette année son deuxième roman, Pechblende, aux éditions Albin Michel, roman qui arrive à mêler Histoire, Sciences et Littérature autour de l’amour.
Un contexte difficile
L’histoire se déroule en 1938. Lucien, 16 ans, a été élevé dans le communisme depuis sa plus tendre enfance. Il apprend le métier de libraire aux « Corps Intermédiaires », librairie spécialisée tenue par l’énigmatique Edouard Mesens. Passionné par la littérature et son travail, Lucien fait un jour la rencontre de Laura, une jeune Italienne venue en France étudier au Collège de France et qui exerce le rôle d’aide-laborantine auprès des Curie. Une histoire d’amour qui aurait pu être banale mais dans ce contexte pré-Seconde Guerre Mondiale chaque pensée, chaque acte peut avoir un impact que l’on ne soupçonne en aucun cas. En effet, Laura travaille sur un matériau bien particulier, le pechblende, à l’origine de la scission nucléaire et donc de ce qui sera la bombe atomique…
Un tout formé de deux
Lucien et Laura sont les personnages principaux que le lecteur suit durant ce que l’on peut considérer comme un double apprentissage : Lucien apprend toutes les ficelles du métier de libraire et même bien plus sur l’univers des livres, Laura travaille à ses recherches mais ils évoluent aussi au niveau sentimental, au point de faire leur éducation amoureuse ensemble. Il est très intéressant de voir que Jean-Yves Lacroix ait choisi deux univers aussi éloignés (Littérature et Physique) pour finalement les relier à travers ses protagonistes : cela montre bien que deux éléments opposés peuvent se rejoindre autour d’un point commun. Dès le départ, on voit que ces deux personnes ne seront pas épargnées par l’arrivée de la Seconde Guerre Mondiale : un communiste, une chercheuse en physique, deux profils qui ont tout pour attirer l’attention des Nazis. Et pourtant, Pechblende ne se focalise pas que sur eux pour évoquer la période de l’Occupation : par leur intermédiaire, c’est la vie de tous les civils qui ont connu cette époque qui est évoquée.
Une vie qui a été non seulement bouleversée par l’Occupation en elle-même (rationnement, couvre-feu, interdictions diverses et variées…) mais également par les choix moraux que chacun devait faire. Le pays tout entier a dû se trouver une place, un rôle nouveau qui ne correspondait pas forcément aux idées ou idéaux que chacun pouvait se faire. Ainsi, à travers les questionnements et les choix de ses personnages, l’auteur présente sans concession leurs dilemmes et les différentes réactions qu’ils ont provoquées. Cela est suffisamment rare pour le souligner tant nombre d’œuvres se déroulant sous la difficile période de l’Occupation montrent les victimes et les bourreaux, mais très peu les personnes lambda qui se sont retrouvées tout d’un coup pied au mur, tout en sachant que chaque acte a une conséquence particulièrement importante.
Dans ce livre à l’écriture ciselée, tout est réuni pour composer un roman susceptible de plaire au plus grand nombre : Histoire, romance, aventure… Encore faut-il, dans ce genre de situation, que l’auteur sache mélanger les ingrédients et faire monter la sauce pour que tout le monde s’y retrouve : c’est le cas pour Pechblende. On soulignera que Jean-Yves Lacroix s’est visiblement très bien documenté, apportant un vrai plus à cet ouvrage qui aborde pourtant un contexte maintes fois abordé.
Pechblende de Jean-Yves Lacroix, éditions Albin Michel, sortie le 17 août 2016, 310 pages. 19,50€