A mi-chemin entre fantastique, fantasy et bit-lit, Les Els de H. Roy, paru en grand format aux Éditions J’ai Lu (Endgame…) en début d’année, est un roman young adult qui a tout pour plaire aux adolescentes de 13 ans et plus et aux jeunes femmes adeptes de romances dans des univers crédibles, mais aux accents merveilleux.
Une nouvelle saga young adult aux accents merveilleux
Si le quart de couverture et les remerciements nous apprendront peu de choses au sujet de sa mystérieuse auteure, dont on suppose qu’elle se cache derrière un pseudo, on sait en revanche qu’il s’agit là de son premier roman, celui-ci n’étant en réalité que le premier tome d’une saga plus vaste. La jeune femme, qui a probablement grandi dans les années 90 puisqu’elle aurait un jour envisagé d’écrire la suite de Scream, a puisé de manière évidente dans de nombreuses sources d’inspiration (certaines clairement reconnaissables) pour concevoir l’univers hybride des Els.
Hybride. Un terme qui définit également la nature de son héroïne, Connor, adolescente américaine ordinaire jusqu’à ce que sa famille lui fasse une révélation stupéfiante le jour de ses 17 ans : elle n’est pas humaine, mais appartient en réalité à la race des Els, des êtres supérieurs possédant une force et des pouvoirs hors du commun qui ne se révèlent qu’à l’approche de leur Lune d’Ascension, moment à partir duquel ils sont mis dans le secret et apprennent à développer leurs pouvoirs. Connor, elle, se voit assigner du jour au lendemain un Guide, la mystérieuse Juliette, et un Gardien, le non moins mystérieux et ténébreux Evann, qui l’énerve au plus haut point avec toutes ses restrictions et ses mesures de prudence. Car, même au sein des Els, Connor n’est pas une Els comme les autres : elle est une Hybride, mélange d’Els et de Prédateur, cette seconde race surnaturelle étant l’ennemi naturel des premiers. Traqués sans relâche par les Prédateurs, les Els doivent donc apprendre à se défendre, mais, en tant qu’Hybride dont la mère a été assassinée par la Horde, la milice des Prédateurs, Connor doit bénéficier d’une sécurité rapprochée puisque ces vilaines créatures à l’apparence humaine chercheront par tous les moyens à mettre la main sur elle pour s’emparer de ses pouvoirs…
Inspiration vampirique
Comme on le voit, Les Els à des allures de récit initiatique classique, où la nature véritable (et forcément exceptionnelle) de l’héroïne lui est révélée à ce moment particulier de l’adolescence où nous découvrons généralement notre corps et la sexualité. Certaines se découvrent sorcière ou Tueuse de vampires, pour Connor, ce sera Els, un statut surnaturel qui lui confère des pouvoirs tels que la télékynésie ou une rapidité hors pair pour courir, parmi d’autres choses qu’elle sera amenée à développer tout au long de ce premier volume. Le fait qu’on lui assigne un Guide et un Gardien pourra évoquer Buffy contre les vampires, où l’héroïne s’entraîne et perfectionne ses pouvoirs aux côtés d’un Observateur, tandis que la suite de l’intrigue nous révélera qu’Angel est son ange gardien. Certains développements de l’histoire, tout en étant très différents par le ton, lorgnent un peu du côté de la série de Joss Whedon.
Ce parallèle avec une série tournant en partie autour des vampires n’est pas innocent puisque les Prédateurs ressemblent étrangement à ces derniers : ils sont immortels, leur coeur ne bat pas et si on les tue, ils se transforment en un tas de cendre. De plus, ils sont parfois transformés d’Els à Prédateurs lorsqu’ils sont à l’article de la mort (afin de les sauver) et ils partagent avec la personne qui les transforme un lien indéfectible. Sans compter leur appétance pour le sang ! Cette ressemblance, peut paraître un brin trop poussée de prime abord, comme si l’auteure avait manqué d’imagination pour inventer une espèce surnaturelle véritablement à part. Cependant, certaines allusions peuvent suggérer que H. Roy établira par la suite un lien direct avec le vampire classique, puisque, si l’on sait qu’un Els buvant le sang d’un Prédateur devient lui-même Prédateur, on ignore ce qui se passe si un Prédateur transforme un humain lambda.
Une romance à la Twilight… en plus palpitant !
Mais Les Els, c’est aussi un roman young adult avec ses tranches de vie adolescentes et ses romances fleur bleue, où l’auteure puise beaucoup du côté de Twilight et autres sagas du genre. Si le lecteur est justement en recherche de ce type d’univers, il sera servi et devrait apprécier, mais les personnes davantage férues de dark fantasy, à l’univers plus sombre et mature, y compris dans ses romances et passages érotiques, pourront être un brin déçues. Il faut donc avoir conscience dès le départ que Les Els est une saga adolescente plutôt mainstream, à la noirceur maîtrisée et accessible à partir de 13-14 ans. Comme dans Twilight, le coeur de Connor balance entre deux hommes, et les ficelles de sa vie amoureuse sont assez grosses : on devine très vite ce qu’il va se passer lors de l’introduction d’un personnage en particulier, par exemple.
On pourra également reprocher à H. Roy quelques défauts qui sont en partie ceux d’un premier roman, et qu’on pourra donc excuser pour peu qu’on accroche à l’univers développé, comme le fait que les deux personnages par lesquels Connor est attirée s’expriment par moments d’une manière qui semble à l’opposé de leur personnalité dès lors qu’ils cèdent à leurs sentiments, ou encore ces mentions systématiques et assez redondantes de la tenue de pied en cape de l’héroïne et ses amies, qui ne sont pas toujours essentielles au récit ou auraient mérité d’être abrégées. Si le côté vestimentaire parlera aux adolescentes et a parfois un intérêt au sein de l’intrigue, ces descriptions manquent parfois un peu de relief, sans que cela soit trop handicapant non plus.
Car, malgré ces quelques réserves, Les Els se révèle, au final, un roman plus palpitant que le très mièvre Twilight, tout en s’adressant globalement à la même cible : H. Roy sait sans conteste où elle va et la conclusion de ce premier tome, débarrassée de tout superflu, écrite avec une tension palpable, se révèle assez diabolique et maintiendra les lecteurs en haleine, impatients de découvrir la suite.
Les Els : « Rien qu’on puisse regretter » de H. Roy, J’ai Lu, sortie le 11 janvier 2017, 448 pages. 13€