Des récits d’aventures mythiques
Après un précédent volume sorti peu avant Halloween, voici venu le temps de chroniquer le tome 22 de La dynastie Donald Duck paru aux éditions Glénat en février dernier, ce qui nous rapproche un peu plus de la fin de la publication de cette intégrale monumentale réunissant l’ensemble des aventures dessinées de notre canard préféré par Carl Barks, figure de la BD américaine devenue une référence incontournable en la matière au fil des décennies.
Avant un avant-dernier volume à paraître fin mai, nous retrouvons ici 25 bandes-dessinées d’une longueur comprise entre 1 et 32 pages et parues dans différentes publications hebdomadaires ou mensuelles américaines entre 1947 et 1948. Comme pour les précédents volumes, la plupart des histoires présentées ici font 8 ou 10 pages, avec quelques BD très courtes ne faisant qu’une ou deux pages, et 4 histoires longues de 25 ou 32 pages. On aura le plaisir de retrouver parmi elles des bandes-dessinées d’aventure assez mythiques de Carl Barks, ayant marqué les esprits, au point d’inspirer certains auteurs de bandes dessinées : tout d’abord « Noël sur le Mont Ours », qui marque la première apparition de l’Oncle Picsou, créé spécialement par le dessinateur américain pour ce conte de Noël, mais aussi « Le shérif du Val Mitraille », où Donald se croit littéralement dans un western de série B, « Le fantôme de la grotte » et son intrigant mystère qui n’est pas sans rappeler certaines des énigmes faussement surnaturelles de Scooby-Doo et enfin, dans une veine similaire, « Le mystère du vieux château », où l’ombre d’un squelette voleur de trésor terrorise Donald et Picsou, mais pas les incorrigibles Riri, Fifi et Loulou, bien décidés à percer à jour le véritable coupable.
Apparition de Picsou : un personnage très dickensien
On remarquera par ailleurs que les articles focus proposés dans ce tome 22 sont presque tous liés de près aux histoires contenues dans ce volume, ce qui n’était pas forcément le cas de tous les précédents titres de la collection. Ainsi, l’auteur de BD italien Tito Faraci consacre un article conséquent à l’apparition de Picsou dans « Noël sur le Mont Ours ». Carl Barks s’était inspiré du personnage du vieil avare Ebenezer Scrooge du roman Un conte de Noël de Charles Dickens pour imaginer le richissime oncle de Donald, à tel point que son nom dans la version originale, Scrooge McDuck, est un clin d’oeil explicite à ce dernier.
Si Picsou ne devait à priori apparaître que dans cette histoire de Noël, la mise en valeur de son personnage au sein de la bande-dessinée — il apparaît seul au sein de la dernière case — laisse penser que le dessinateur avait sans doute dans l’idée de le réutiliser par la suite, comme le suggère également Tito Faraci, qui rendit quant à lui hommage à cette histoire originale au sein d’une bande-dessinée publiée en 2007 au sein du magazine Topolino (l’équivalent italien du Journal de Mickey), « Retour sur le Mont Ours ». L’auteur analyse avec pertinence que l’histoire de Barks mettait en avant le lien fort unissant Donald et son oncle Picsou malgré le caractère peu amène de ce dernier, ce qu’il a également fait ressortir au sein de sa propre bande-dessinée, qui proposait une réactualisation de l’histoire originale en la revisitant.
Des dossiers thématiques toujours aussi fouillés
Les autres articles thématiques s’intéressent à Donald comme personnage de western et amateur du genre (« Donald dans l’Ouest de Long Fusil » et « Carl Barks avant Quentin Tarantino », « Héros et sales types de l’Ouest »), ce qui fait écho au « Shérif du Val Mitraille », ou encore à la manière dont la bande-dessinée « Le fantôme de la grotte » a inspiré 2 auteurs de bandes dessinées italiens, mais aussi Hugo Pratt, le papa de Corto Maltese, qui y fait référence au sein du récit d’une des aventures de son héros, « … et nous reparlerons des gentilhommes de fortune », parue pour la première fois en 1970 dans Pif Gadget. Un autre dossier fouillé revient sur la seule histoire réalisée par Carl Barks pour un fascicule Cheerios gratuit, « La bombe atomique », dont les planches originales furent temporairement perdues, ce qui obligea les éditeurs à faire appel à un autre dessinateur pour redessiner la bande-dessinée case par case d’après des photocopies agrandies de la version de Barks, en la modifiant un peu, lors des rééditions ultérieures. Des planches ayant finalement refait surface au sein des archives de la maison d’édition Western Printing and Lithographing Co., un mélange de cases actualisées et originales fut finalement proposée aux États-Unis dans les années 2000 et c’est donc cette version qui est proposée au sein de ce tome 22. Une version plus récente, parue en 2008, est également inclue en portfolio.
On trouvera également des dessins originaux extraits du storyboard du court-métrage Donald capitaine des pompiers (1955), ainsi que des exemples de représentations de vaches dans l’oeuvre de Barks. Les fiches personnages sont cette fois-ci consacrées à la vache Clarabelle et à l’ancêtre de Picsou, Sir Quackly McDuck. Encore une fois, on ne peut que louer le sérieux éditorial de Glénat, qui propose aux lecteurs une riche documentation mettant en valeur l’histoire des bandes dessinées Disney et l’héritage de Carl Barks.
Petites et grandes (més)aventures de Donald Duck
D’un point de vue thématique, les histoires de Donald présentées ici se divisent en gros en deux catégories : les récits d’aventures (dans l’Ouest, en Australie, dans l’espace, dans un château, en mer), pastichant parfois les films d’espionnage (« Donald Duck garde-côte »), les westerns ou films fantastiques d’une part ; et les histoires mettant en scène les nombreuses mésaventures de Donald et impliquant souvent ses neveux Riri, Fifi et Loulou. Dans cette seconde catégorie, certaines histoires se penchent sur l’esprit de famille et la manière dont Donald éduque les trois petits canards, tandis que d’autres se concentrent sur les difficultés du héros malchanceux à apprendre un nouveau métier (pompier, veilleur de nuit, shérif adjoint, télégraphiste…) ou à impressionner l’exigeante Daisy, lorsque son esprit de compétition et sa vantardise ne le poussent pas à se mettre dans des situations délicates. Ses mésaventures avec les animaux et les machines sont également toujours présentes, quoi que de manière un peu plus secondaire. Riri, Fifi et Loulou, quant à eux, apparaissent encore comme de sales garnements dans plusieurs histoires, mais font aussi preuve d’un esprit de déduction hors pair qui fait d’eux de véritables détectives à plusieurs reprises.
Il y a donc dans La dynastie Donald Duck, tome 22 une vraie variété, mais aussi une belle richesse thématique et narrative, qui en fait l’un des ensembles d’histoires les plus aboutis de Carl Barks pour la période des années 40, alliant efficacité des ressorts humoristiques et complexité des récits les plus développés, dont les intrigues sont particulièrement marquantes. Les lecteurs souhaitant acquérir les meilleurs volumes de cette intégrale ne voudront donc pas passer à côté de ce très bel ouvrage, dont la qualité éditoriale et d’impression est toujours aussi irréprochable, avec une restauration des planches respectueuse du travail de Barks et cohérente. Les nombreux articles thématiques, particulièrement intéressants, sont également l’occasion d’affirmer encore une fois l’héritage du dessinateur et des bandes dessinées Disney et de remettre en contexte certaines des aventures du célèbre canard. Incontournable.
La dynastie Donald Duck, tome 22 : 1947-1948 de Carl Barks, Glénat, sortie le 15 février 2017, 384 pages. 29,90€