Caractéristiques
- Auteur : Noël Simsolo (scénario), Isa Python (dessin) & Scarlett (couleur)
- Editeur : Glénat
- Date de sortie en librairies : 24 mai 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 128
- Prix : 19,50€
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- Note : 7/10 par 1 critique
Premier de deux volumes consacrés au destin tragique de celle que la cour surnommait avec mépris l’Autrichienne, Mémoires de Marie-Antoinette, tome 1 nous présente la jeune princesse alors qu’elle quitte Vienne et le palais de sa mère, Marie-Thérèse d’Autriche, pour rejoindre Versailles, où l’attend le dauphin de France, auquel elle est promise, dans une volonté de réconciliation entre les deux pays.
Une BD historique pertinente et pleine de vie
Scénarisé par Noël Simsolo, spécialiste du cinéma auteur de nombreux ouvrages, dont Le Film Noir : Vrais et faux cauchemars ou Conversations avec Sergio Leone, cette BD historique reprend ainsi les nombreux événements ayant émaillé le règne de Marie-Antoinette, sans pour autant tomber dans la dimension didactique de l’exercice. Si l’on croisera au fil de ces 128 pages toute la galerie des grandes figures de Versailles, de la Du Barry à Mercy-Argenteau en passant par le comte de Fersen dont la reine était folle, et que petits et grands détails de la vie de la souveraine sont repris (sa vie au Trianon, ses prouesses de comédienne, les bals masqués auxquels elle se rend, l’importation du croissant…), Mémoires de Marie-Antoinette n’apparaît jamais comme un simple album de vignettes, ni comme un cours d’histoire étriqué.
Les textes sont suffisamment fins pour ne pas trop en faire et laisser une part à la subjectivité du lecteur et, surtout, les dessins d’Isa Python, magnifiés par les couleurs pastels de Scarlett, donnent beaucoup de vie à l’ensemble. La finesse du trait apporte un rendu crayonné très agréable et une certaine fantaisie par endroits, tout en conservant un certain réalisme dans les ambiances et les décors, dont le faste est retranscrit sans trop en faire. Le découpage, assez simple en apparence, évite là aussi l’austérité et permet de rester au plus près de Marie-Antoinette, qui se confie depuis sa cellule de la Tour du Temple, où le couple royal et leurs enfants sont internés le 13 août 1792. Le point de vue n’est pas sans rappeler celui de l’historienne Antonia Fraser (partagé par d’autres), auteure en 2002 d’une biographie sur la reine qui inspirera Sofia Coppola pour son troisième long-métrage en 2006.
Une reine aux multiples facettes, malmenée par l’Histoire
Sans négliger les défauts de Marie-Antoinette, considérée comme un peu trop futile et insouciante par sa mère dès son adolescence, Noël Simsolo s’attache à montrer cette figure historique dans toute sa complexité : inexpérimentée dans le domaine politique, arrachée à son Autriche natale et au palais de sa mère à l’étiquette bien plus relâchée qu’en France, pleine de compassion pour le peuple, la jeune femme apparaît profondément humaine, voire avant-gardiste à certains égards, tout en étant bien souvent coupée des réalités, elle qui ne renoncerait pour son amour des jeux de hasard pour rien au monde. Le scénariste s’attaque aussi à certains préjugés qui ont la vie dure, notamment en montrant que la reine était manipulée de parts et d’autres pour tenter d’influencer Louis XVI, mais que cela restait le plus souvent vain, étant donné son peu d’expérience dans le domaine, bien qu’elle gagna en finesse par la suite. Ou encore en soulignant que les fournisseurs de robes et de bijoux, ainsi que son entourage proche, étaient aussi à blâmer dans ses dépenses excessives, puisqu’ils ne perdaient jamais une occasion de l’inciter à céder à la tentation. Par ailleurs, ces achats, pour lesquels elle s’endetta rapidement, étaient réglés avec son argent (celui de l’Autriche) jusqu’à un certain point, au-delà duquel c’est son époux qui lui avançait les frais.
Le seul petit bémol tiendrait sans doute à l’introduction de l’album : on aurait aimé voir un peu plus la vie de Marie-Antoinette (alors appelée Antoine par ses proches) avant son départ pour la France. De même, si la BD commence presque directement sur les reproches de Marie-Thérèse à sa fille, il n’est pas dit clairement que la princesse, 15e enfant de la souveraine, n’avait reçu aucune éducation politique, contrairement à ses soeurs, dont les futurs mariages avaient été davantage envisagés en amont par la reine. Néanmoins, la demande de Marie-Thérèse à la future dauphine de ne pas se mêler de politique à la cour, ainsi que quelques éléments distillés avec à propos, permettent d’avoir une idée de ce qu’était la vie de la jeune fille avant de devenir Française et de mesurer le contraste avec l’étouffante étiquette de la cour de Versailles.
Cette bande-dessinée, avec ses 128 pages, étant déjà plus longue que la moyenne, nous ne saurions de toute évidence tenir véritablement rigueur à Noël Simsolo de ne pas s’être davantage étendu. Conserver la vie de ces tranches d’Histoire et, surtout, de la personnalité de Marie-Antoinette, apparaît déjà comme une belle gageure, qui fait que l’on prend grand plaisir à lire cet album. Mémoires de Marie-Antoinette, tome 1 : Versailles se distingue donc des traditionnelles BD historiques, souvent un peu trop scolaires et austères, et, grâce au regard porté par son auteur et aux dessins frais et vivants d’Isa Python, mis en valeur par un beau travail sur la couleur, l’album parvient à conserver la vie de ces tranches d’Histoire et, surtout, de la personnalité de Marie-Antoinette. Une belle gageure, qui fait que l’on prend grand plaisir à lire ce premier tome s’arrêtant juste avant que n’éclate l’affaire du Collier. Le dénouement tragique du destin de la reine en 1793 sera quant à lui exploré dans un second et dernier tome à paraître en 2018.