Caractéristiques
- Traducteur : Anne Renon
- Auteur : Jacob M. Appel
- Editeur : Éditions de la Martinière
- Date de sortie en librairies : 19 octobre 2017
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 286
- Prix : 21,50€
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- Note : 6/10 par 1 critique
Portrait d’un sociopathe
Le docteur Jeremy Balint est un brillant cardiologue, époux et père en apparence comblé de deux petites filles. Pourtant, lorsqu’il découvre l’infidélité de sa femme, qui le trompe avec leur voisin, sa vie parfaite se fissure et il décide froidement de se débarrasser de son rival… et de décimer quelques innocents pour faire croire aux actes d’un tueur en série et dissimuler son forfait. Car, sous ses airs de jeune trentenaire bien sous tous rapports, Balint est en réalité un sociopathe, un être purement égocentrique au sang froid.
Jacob M. Appel, ancien psychiatre new-yorkais reconverti en romancier, nous présente avec Une vie exemplaire, publié aux Éditions de la Martinière (Mörk, Snjor…) un personnage entièrement antipathique, auquel on serait bien en mal de trouver la moindre circonstance atténuante. Tout l’intérêt de ce thriller à la mécanique parfaitement rodée sera alors de savoir comment cet anti-héros va réussir ses meurtres, et s’il sera arrêté pour ses crimes. Cet homme à l’ego démesuré sera-t-il mis face à ses paradoxes ? Perdra-t-il, plus que sa liberté, la face vis-à-vis de sa famille et son entourage professionnel ? C’est en effet là l’un des grands ressorts psychologiques du personnage : ce qui l’insupporte dans l’infidélité de sa femme, ce n’est pas tant qu’elle le trompe (même si qu’on puisse pas l’aimer de manière absolue le chagrine), mais plutôt l’idée que son voisin et collègue porte ainsi un affront à sa fierté qu’il se doit de rectifier pour que tout soit de nouveau sous son plein contrôle, à commencer par cette épouse revêche qui, elle seule, semble voir la fausseté derrière le masque aimable de ce mari distant.
Un thriller divertissant
Sans dévoiler les nombreux rebondissements de l’intrigue, on louera le sens du suspense de l’écrivain, et la manière dont il fait preuve d’une froide logique pour nous immerger dans le cerveau de ce sociopathe d’élite, dont les raisonnements font froid dans le dos. Comme tous les meurtriers, même ceux au sang aussi froid que la glace, Balint a peur de se faire prendre et cèdera peu à peu à la paranoïa. De son côté, le lecteur, bien que n’approuvant à aucun moment cet assassin si différent de lui, veut savoir comment il va procéder et s’il va s’en tirer, ce qui fait d’Une vie exemplaire, aux chapitres relativement concis, un bon page-turner. Cependant, si l’on devait émettre une réserve, c’est que, malgré ses craintes, Balint soit finalement trop peu mis en danger. Dépourvu de paradoxes dans sa malignité, il apparaît également comme un méchant moins fascinant que Dexter Morgan, tueur en série implacable certes, mais qui renvoyait un miroir troublant de notre humanité. De même, l’American Psycho de Bret Easton Ellis était une satire corrosive du yuppie new-yorkais des années 80, ce qui en faisait un véritable poil à gratter.
Ici, Balint, quoique ayant tout du bon médecin que l’on pourrait croiser dans les hôpitaux des beaux quartiers, apparaît comme trop méchant, odieux dans ses raisonnements et, donc, différent de nous, pour susciter le moindre trouble. Si le personnage du rival, qui n’est pas un meurtrier, lui, mais fait preuve d’un certain manque d’empathie dans sa pratique, est utilisé pour montrer qu’on peut être à sa manière « monstrueux » sans en arriver aux mêmes retranchements que Balint, cet univers est trop éloigné du nôtre pour que l’effet-miroir fonctionne. En conséquence, on peut prendre plaisir à notre lecture sans risques puisque l’on sait que nous n’avons rien de commun avec le personnage principal. C’est là toute la limite d’Une vie exemplaire, qui n’explore finalement pas vraiment la frontière qui nous sépare de ces êtres indéchiffrables au visage humain, mais dépourvus de curseur moral. Reste un roman divertissant, qui se lit avec plaisir.