Caractéristiques
- Auteur : Jacques Saussey
- Editeur : Bragelonne
- Date de sortie en librairies : 16 mai 2018
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 276
- Prix : 8,90€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Quand le rural se fait noir
Voilà un bien intéressant roman, qu’on avait loupé lors de sa sortie en grand format, aux éditions Les Nouveaux Auteurs. Pourtant, Jacques Saussey n’est pas un inconnu pour votre humble serviteur : le polar Quatre Racines Blanches figurant parmi les belles découvertes de l’année 2012. Son style, étonnamment réaliste, a su nous marquer. C’est, donc, avec un certain intérêt qu’on a vu Principes Mortels débarquer en format poche, chez Bragelonne (Carbone Modifié, Majestic Murder) cette fois-ci.
L’histoire de Principes Mortels se déroule en France. Été 1979. Franck Servin, 18 ans, fuit le naufrage du foyer familial pour réviser son bac. Il trouve refuge chez son oncle et sa tante, dans une ferme isolée de la Creuse où, quatre ans plus tôt, son cousin Paul, presque son sosie, a trouvé la mort sur une route qu’il connaissait depuis l’enfance. Cette tragédie ronge insidieusement le cœur de ses proches, attendant son heure pour frapper de nouveau. En cet été 2011, elle semble avoir sonné. Franck sait qu’il va mourir. Il a quelques heures, quelques jours peut-être, pour laver sa mémoire et raconter ce qui s’est réellement passé, l’été de ses 18 ans.
Les forces de Principes Mortels sont multiples. La première, celle qui fait de ce roman un compagnon qu’on ne laisse pas tomber avant la fin, est son atmosphère. Le récit se déroule à la campagne, et mine de rien c’est déjà un élément qui donne du relief. Jacques Saussey privilégie ainsi un lieu qui peut laisser transparaître une sorte de mélancolie, et celle-ci est très utile à la saveur noire que l’auteur cherche à installer. La ferme de la Renardière est de ces endroits qui imposent un certain respect, non seulement pour le lien qui la relie avec le personnage principal, qu’on découvrira au fil de l’histoire, que pour sa stature. On y sent toute la difficulté d’y vivre, mais aussi l’émotion qui s’incruste jusque dans ses murs, et par-delà, dans la région.
Une structure intelligente
On rentre dans Principes Mortels avec une facilité déconcertante, et c’est aussi grâce à la structure. L’auteur fait le choix d’une narration non linéaire, en nous transportant de l’été 1979 à celui de 2011. Cet écho de trente ans n’est pas qu’une habile figure de style, il permet à l’intrigue de gagner en mystère, et au lecteur d’être happé par un suspens suffocant. Le narrateur, Franck Servin, est la clé de voûte de ce résultat. C’est lui qui distribue les biscuits, les hors-d’œuvres que l’on savourera dans un passé qui cache bien des choses. La petite inquiétude pourra tourner autour de la nécessaire tendance à précéder une révélation par une accroche, de la part de ce personnage. Et il est vrai que le final n’est pas tout à fait surprenant. Mais, dans ce roman, on n’est pas vraiment en recherche de twist, de retournement de situation. Non, on est plutôt inquiet de la relation entre le narrateur et son père, d’autres qu’on ne vous dévoilera pas ici, et l’on se demande à quel point cette région va dévorer les âmes de ces protagonistes.
Principes Mortels rompt avec ce que Jacques Saussey a l’habitude d’écrire. Pas vraiment un thriller, encore moins un pur polar, l’ouvrage est clairement un roman noir. Et du genre sordide par moment, grâce à une galerie de personnages tous très bien caractérisés. On pourra parfois penser que l’auteur grossit le trait, afin de ne pas laisser une seconde de répit au lecteur. Ce n’est pas faux, mais c’est le prix pour que le tempo de l’histoire ne faiblisse pas. Le résultat saura vous charmer, sans pour autant prendre des pincettes avec votre palpitant. Et, quand on referme le livre, après l’avoir parcouru frénétiquement, on est toujours dans la Creuse, là où la tranquillité n’est qu’une façade…