article coup de coeur

[Test] 428 Shibuya Scramble : le visual novel à son apogée

Caractéristiques

    Test effectué sur :
      • PlayStation 4
  • Développeur : Spike Chunsoft
  • Editeur : Koch Media
  • Date de sortie : 21 septembre 2018
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

Un jeu incroyablement généreux

image 428 shibuya scramble
Le jeu offre quelques délires bien savoureux.

Si vous suivez notre actualité, vous êtes sûrement un être humain accompli. Euh, non, pardon, on recommence avec un peu moins de panache. Si vous suivez notre actualité, vous êtes conscient que le visual novel est un genre vidéoludique à ne pas prendre à la légère. Ses plus dignes représentants auront pris leur temps, pour atterrir en France, mais désormais on peut affirmer que le phénomène est assez solide. Danganronpa, Steins;Gate 0, et d’autres softs plus obscurs, ils ont en commun d’avoir fait leur petit bout de chemin dans une contrée, la notre, qu’on nous décrivait il y a encore peu comme réfractaire à ce type de soft. Maintenant qu’une faille a su s’ouvrir, grâce à des distributeurs passionnés comme Koch Media ou PQube, on peut envisager d’accueillir certains classiques. Et 428 : Shibuya Scramble, sorti sur Wii voilà une dizaine d’année, et ayant acquis un statut de titre culte au Pays du Soleil Levant, en fait partie. Incontestablement.

Il est évident qu’un visual novel doit mettre le paquet sur la qualité de son récit. Rappelons que, dans 428 : Shibuya Scramble, vous passerez bien plus de temps à lire qu’à être aux commandes de l’intrigue. Le joueur adopte, ainsi, une position plus ou moins passive, contrairement à l’ensemble des autres genres vidéoludiques. Un constat qui vous fait peur ? Non, il ne doit pas, puisque l’expérience proposée maitrise totalement cette méthode de narration. Rentrons un peu dans le scénario, sans non plus en dévoiler un quelconque spoiler. Le joueur plonge dans Shibuya, l’un des endroits les plus fréquentés de Tokyo, afin de croiser le destin de cinq personnages différents. Si aucun d’eux ne provient du même milieu, de la même profession, ils ont tous un point commun : Maria Osawa (non, pas avec un Z, bande de fripons), une femme victime d’un kidnapping. La résolution de cette affaire pourrait bien entrainer une catastrophe à échelle mondiale, et chacun des protagoniste aura son rôle à jouer dans le résultat final.

Le récit vous passionnera du début à la fin

image jeu 428 shibuya scramble
Certains choix auront des répercussions très puissantes.

428 : Shibuya Scramble nous a scotché à l’écran. Les premiers instants sont quelque peu troublants, on vogue en terrain miné, sans trop savoir si l’on fait face à une expérience hyper soignée, ou un kusogé en devenir. C’est dû notamment au rendu visuel, à base de photos réelles. C’est surprenant, mais après une petite période d’adaptation on voit exactement où veut en venir l’auteur du jeu, Koichi Nakamura, dont l’un des faits d’arme est d’avoir travaillé en première ligne sur la licence Dragon Quest, avant de créer Chunsoft. Le but est de provoquer une meilleur immersion, laquelle est évidemment moins évidente que dans un jeu plus participatif. En nous projetant des images réalistes, que l’on peut s’approprier, le soft nous ouvre les bras, et débute alors sa marche en avant. Elle ne s’arrêtera pas, jusqu’à ce que le joueur découvre l’une des cinquante fins proposées.

428 : Shibuya Scramble déploie non seulement une histoire qui saura vous tenir en haleine, mais aussi un véritable amour de la narration. La forme est en tous points une réussite. Le récit se divise en dix segments, lesquels représentent une heure de cette fameuse journée du 28 avril. Chacun épouse le point de vue d’un des cinq personnages invoqués. On a droit à une femme enfermée dans le costume d’une mascotte, un détective, un scientifique, un bon samaritain et un journaliste indépendant. Ce casting va se révéler très charismatique, et surtout assez surprenant. Certains rebondissements ont tout à voir avec leur personnalité parfois trouble, et c’est aussi ce qui fait le suspens de ce jeu. Si la problématique principale reste au centre de notre attention, on ne peut s’empêcher de s’attacher à chacun des destins. Fascinant.

Des écrans fixes qui font mouche

image gameplay 428 shibuya scramble
Le découpage de l’intrigue se révèle intelligent.

Vous aurez compris que 428 : Shibuya Scramble ne propose pas des mécaniques de gameplay poussées. Ce n’est pas le propos. Le but clairement avoué est de propulser le joueur dans une position inconfortable, dans le bon sens du terme : celui de faire un choix à répercussion. En 2018, après la vague de jeux narratifs occidentaux, une telle volonté n’est plus très originale. Seulement, le titre de Spike Chunsoft nous surprend par la dimension des effets, sur le récit. Oui, il est possible de passer du tout au tout, du comique, au plus sombre. Du très positif, au carrément catastrophique. Et ce, à tout moment. C’est, justement, l’une des grandes satisfactions qui se dégagent de cette expérience : l’écran de game over provoque une envie d’y retourner. Jusqu’ici, nous n’éprouvions ce sentiment que dans certains casse-têtes, ou dans les Rogue-like

En plus, 428 : Shibuya Scramble peut se targuer de proposer un contenu très costaud. On vous a parlé des plus de 50 fins, mais ce n’est pas tout. Terminer le soft, c’est aussi débloquer des situations bonus, de quoi occuper encore pas mal de temps. Du moins, si vous trouvez comment débloquer ces scènes, bien entendu. Pour tout voir, comptez sur plus de 40 heures ! Il ne nous reste plus qu’à tisser des louanges à l’aspect technique, pourtant loin des canons actuels. On vous le signifiait plus haut, les écrans fixes sont des prises de vue réelles. Le décor certes, mais aussi les acteurs. Et l’on a adoré la prestation globale, bien plus équilibrée que ce qu’on pouvait craindre. Non, on ne tombe pas dans l’unique absurde, même si le surjeu est évidemment de la partie. Cette immersion en plein Shibuya nous aura séduit au possible, et ce même si l’on aurait apprécié l’ajout de voix. Les musiques, signées Hideki Sakamoto, évitent le piège du rendu dit « d’ascenseur », et s’avèrent même d’une qualité redoutable. Aussi, le sound design est un véritable petit bijou, à découvrir au casque pour bien s’en rendre compte. Au final, seul l’absence d’une traduction des sous-titres en français peut rejoindre les points négatifs. Il vous faudra un bon niveau d’anglais pour bien capter les différentes nuances. On pourra aussi prendre le problème à l’envers, et vous conseiller l’expérience afin de parfaire votre niveau de langue viviante. Tant que vous découvrez ce visual novel, nous on sera content.

Note : 17/20

428 : Shibuya Scramble débarque du Japon sans crier gare, et rejoint de suite les meilleurs représentant du genre visual novel disponibles en Europe. Sa qualité de narration vous emportera dans un récit passionnant, non sans vous proposer de véritables choix et énigmes qui provoqueront des répercussions étonnantes… et nombreuses. Spike Chunsoft a fait les choses en grand, et propose assez de fins différentes pour nous faire écrire qu’on se trouve là face à la quintessence du genre. Un coup de cœur qu’on n’attendait clairement pas, et qui s’ajoute aux nombreuses découvertes d’intérêt que ce millésime 2018 nous propose. Quel pied !

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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