Caractéristiques
- Traducteur : Philippe Touboui
- Auteur : Floyd Gottfredson
- Editeur : Glénat
- Collection : Disney
- Date de sortie en librairies : 13 décembre 2017
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 288
- Prix : 29,50€
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- Note : 9/10 par 1 critique
Les premières (folles) aventures papier de Mickey Mouse
Quelle plus belle occasion de (re)lire les toutes premières aventures en bande-dessinée de Mickey Mouse par son dessinateur-phare, Floyd Gottfredson, alors que la célèbre souris aux grandes oreilles fêtera ses 90 ans le 18 novembre ? Glénat, qui a déjà publié l’intégrale de l’artiste américain en couleurs il y a déjà quelques années de ça a initié l’an dernier la parution de cet inestimable patrimoine dans son format original à l’italienne et en noir et blanc, tel que les Américains pouvaient les lire à l’époque. Le premier volume, La vallée de la mort et autres histoires, réunit ainsi 13 histoires publiées entre 1930 et 1932 au sein d’une édition élégante, par ailleurs riche en analyses de spécialistes et documents d’archives restés jusque-là inédits chez nous.
L’occasion d’avoir une image assez différente du petit personnage que celle que l’on peut avoir des dessins animés. Non seulement le Mickey de Gottfredson parle beaucoup — contrairement au Mickey des débuts qui s’exprimait souvent par monosyllabes ou phrases courtes — mais il s’agit par moments d’un véritable garnement, tirant au fusil et chassant les animaux. Alors, me direz-vous, la souris de la fin des années 20 jusqu’au début des années 30 possédait aussi cette personnalité de sale gosse que Walt Disney a ensuite progressivement lissée au fur et à mesure que son succès grandissait pour le faire correspondre à l’image (idéalisée) de l’Américain moyen, comme l’analysait très justement Clément Safra dans La face cachée de Mickey Mouse…
De longues histoires, complémentaires aux courts-métrages
C’est vrai, mais jamais auparavant le personnage n’avait eu droit à d’aussi longues aventures, publiées en plusieurs parties chaque dimanche dans la presse américaine. Cela donne immanquablement au héros une dimension supplémentaire, avec laquelle Disney jouait, tandis que Gottfredson faisait parfois référence au statut de star du cinéma de Mickey au sein des histoires (Haute société), comme s’il s’agissait au fond d’un acteur hollywoodien. Une approche que les studios ont d’ailleurs un temps privilégié, en demandant à la presse de jouer le jeu et de raconter des entrevues fictives avec un Mickey star étonnamment cynique fumant le cigare russe et égyptien, comme on peut s’en rendre compte dans les annexes !
Surtout, les aventures imaginées par Floyd Gottfredson étaient complexes et rivalisaient d’imagination. On y découvre ainsi Mickey dans un univers de western parcourant l’Ouest pour retrouver Minnie, kidnappée par son ennemi juré Pat Hibulaire (La vallée de la mort), ou encore en entraîneur de boxe d’un drôle de champion (Mickey Mouse champion de boxe) et employé de cirque (Péripéties au cirque). Bien sûr, une partie de ces univers correspond à ceux explorés par les courts-métrages (le western, la ferme, la Grande Dépression…) tandis qu’une histoire telle que Mickey Mouse contre Kat Knipp reprend, en plus développé, le côté slap-stick qui définissait la nature des gags des premiers films.
Une superbe édition rendant hommage au patrimoine BD de Disney
Et puis, c’est aussi dans les bande-dessinées de Floyd Gottfredson que la relation entre Mickey et Minnie, mais aussi l’amitié du couple avec Horace et Clarabelle furent le plus développées. Ainsi, au-delà des kidnappings habituels de Minnie (dans La vallée de la mort et La rançon), on en apprend plus sur la fiancée de Mickey : on rencontre notamment son riche oncle Mortimer dont elle est l’héritière, ainsi que ses parents (M. Roublard et les voleurs d’oeufs). Chaque histoire est introduite par une page d’analyse replaçant la BD dans son contexte de publication — ce qui est utile pour mieux apprécier La rançon, par exemple, qui possède quelques clichés au sujet des gitans — et renvoyant à d’autres histoires ou courts-métrages lorsque cela est pertinent. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, il y a bien entendu des liens et des ponts avec les films de l’époque, raison pour laquelle il peut être sympathique de visionner un courts-métrage tel que Gallopin’ Gaucho — pour ne prendre que cet exemple — avant ou après avoir lu La vallée de la mort. Les BD sont bien entendu indépendantes, mais cette richesse et cette cohérence thématique font qu’une telle approche est réellement tentante et pertinente pour avoir une vision complète de Mickey Mouse dans la première partie de sa carrière.
Enfin, si Gottfredson n’avait pas tout à fait le talent de composition d’un Carl Barks (qui inspira ensuite à son tour l’Italien Romano Scarpa), le brio et le dynamisme évidents de ses dessins forcent l’admiration. Mickey, Minnie, Pluto, Horace et Clarabelle s’embarquent dans de folles aventures, tantôt drôles, tantôt jouant davantage sur le suspense, et nous ne pouvons que les suivre, emportés par le talent narratif de ce grand artiste qui dessinera Mickey pendant 45 ans. La qualité des documents et analyses en annexe — parmi lesquels les premiers strips de Mickey avant l’arrivée de Gottfredson, les rares crayonnés de l’artiste, les premiers brouillons de character design de Mickey par Ub Iwerks, mais aussi une analyse de la naissance de Mickey Mouse et des biographies de chaque artiste impliqué dans les BD de 1930 à 1932 —font de ce premier volume de Mickey Mouse en noir et blanc un ouvrage incontournable pour les admirateurs de la souris aux grandes oreilles et les mordus de Disney et de BD américaine en général.
Un bel hommage au patrimoine Disney, dans lequel on se replonge avec un plaisir d’autant plus grand que c’est souvent par ses aventures de papier dans Le journal de Mickey que l’on a un jour découvert les aventures de ce héros téméraire et incorrigiblement optimiste.