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[Test restaurant] Le Grand Véfour : A l’ombre des jardins de Palais Royal

terrasse du grand véfour à paris 1er

La riche histoire d’un haut lieu de la gastronomie

Par un jour ensoleillé fin avril, nous nous aventurons du côté de Palais Royal pour tester la nouvelle carte du Grand Véfour conçue par son chef Guy Martin. Une table a été réservée pour nous en terrasse juste devant les arcades sous les parasols, face à l’allée centrale des somptueux jardins jadis ordonnés par le cardinal de Richelieu.

Au-delà du prestige des lieux et la superbe de son cadre, Le Grand Véfour est avant tout un restaurant ancré dans l’histoire et la culture parisienne. Un haut lieu de la gastronomie depuis plus de 200 ans où se bouscule le cercle politique, artistique ou encore littéraire de la capitale. Situé face aux jardins de Palais Royal, le restaurant possède à l’intérieur des salles spacieuses respirant l’élégance et représentant l’art de vivre à la française dans ce qu’il a de meilleur. Les salles du bas sont décorées dans un style directoire, avec un jeu de miroirs, de lustres en cristal, de dorures et de toiles peintes fixées sous verre. Le patrimoine exceptionnel auquel ce grand restaurant est rattaché mérite d’ailleurs bien un petit aparté historique…

salle intérieure restaurant le grand véfour
© Morgane Talula

Situé à l’ancien emplacement d’un limonadier dans les galeries situées sous les arcades faisant face aux jardins, le restaurant se fait connaître dès 1785 comme le Café de Chartres (en l’honneur du duc de Chartres, alors propriétaire des jardins) et devient un lieu de conspiration où se réunissent les royalistes pendant la Révolution Française. Réputé pour ses mets d’une grande finesse au début de la Restauration (à partir de 1814), il voit alors se bousculer des figures politiques aussi prestigieuses que Napoléon Bonaparte et son épouse Joséphine, le prince Murat ou encore le duc de Berry. En 1820, le café est racheté par Jean Véfour dans l’espoir de surpasser Véry, qui est alors considéré comme la meilleure adresse gastronomique de Palais Royal. Ce qu’il réussit sans peine grâce à l’installation de pas moins de trois cuisines (une à chaque étage), à une carte élaborée à partir des meilleurs produits disponibles et à un cadre luxueux garantissant une expérience unique. Les plus grandes figures que comptent l’élite parisienne de l’époque défilent alors entre ses murs, de Victor Hugo à Georges Sand, en passant par Lamartine.

Le restaurant fermera cependant ses portes à partir de 1905, jusqu’à son rachat par le propriétaire du restaurant Maxim’s à la Libération. Dès la fin des années 40, le Grand Véfour retrouve sa superbe et, sous l’égide du chef Raymond Oliver, se remet à accueillir la scène littéraire et artistique de son temps.

Aujourd’hui, le restaurant n’a rien perdu de son prestige et le chef Guy Martin (deux étoiles au Michelin) y officie depuis maintenant 30 ans. En 2011, il a d’ailleurs racheté le Grand Véfour au groupe Starwood Capital Group qui l’avait acquis en 2005. Que ce soit au niveau de la carte comme de la décoration des salles – dans lesquelles on retrouve de superbes œuvres en papier de soie de l’artiste Claudine Drai, dont nous vous parlons plus en détails ici – il exerce ainsi un vrai contrôle, en accord avec sa vision de la gastronomie et dans le respect des lieux et de leur histoire exceptionnelle.

A la découverte de la nouvelle carte du chef Guy Martin

une tasse de thé au grand véfour le restaurant des jardins de palais royal
© Morgane Talula

C’est en ayant tout cela en tête que nous prenons place à notre table, accueillies par un personnel prévenant et qui saura d’un bout à l’autre nous renseigner sur les différents mets et nous conseiller. Mais, même sans connaître tout des secrets du Grand Véfour, l’aura des lieux se ressent sans jamais intimider. Le personnel n’est jamais guindé et, de la vue sur les jardins aux bambous bordant la terrasse, en passant par ces superbes colonnes soutenant les galeries, tout respire le calme et la sérénité. Passé et présent se conjuguent ici à merveille et permettent de profiter d’une parenthèse enchantée (et ce jour-là, particulièrement ensoleillée), à l’abri du tumulte de la ville.

Pour en venir à la raison de notre venue ce jour-là, Guy Martin lance alors sa nouvelle carte. Au moment du déjeuner, trois options s’offrent aux clients : un choix de plats de saison à la carte, le menu du jour (le Semainier : les mêmes plats sont proposés en fonction du jour de la semaine) qui est l’option la plus économique ou bien l’un des plats Signature du chef, plus onéreux, au sein desquels il travaille des produits prestigieux comme le caviar, les oursins ou les truffes. Nous opterons pour notre part pour des mets à la carte, mais dégusterons également un dessert issu du Semainier.

Cocktails et entrées : plaisir des yeux et des papilles

cocktails le grand véfour à paris
© Morgane Talula

En guise d’apéritif, nous nous tournons vers deux cocktails aussi fins que rafraîchissants : le Coing-Coing et le Maria Callas, tous deux à 16 €.  Composé de Gin Jos’Berry associé à de la liqueur de coing, du Verjus et du Vermouth blanc, le Coing-Coing est résolument raffiné. Le choix du coing apporte, au-delà de la belle couleur ambrée du breuvage, une acidité intéressante et un goût original qui charme aussitôt. Quant au Maria Callas (tequila Patron, pêche blanche, sirop d’hibiscus-pêche et citron), la découverte est d’abord visuelle : la pêche est mise à l’honneur avec une jolie couleur suave qui nous donne tout de suite envie de goûter ce joli cocktail servi avec des pétales de roses rouges sur le dessus du verre sous forme de composition florale. Frais et fruité, ce cocktail possède une texture plus « épaisse » grâce à la  présence de pulpe de pêche blanche. Le mélange des saveurs est quant à lui parfait. L’alcool n’est pas trop présent et la pêche et le citron se marient très bien, pour une dégustation savoureuse, fraîche et quelque peu voluptueuse.

Viennent ensuite les entrées, qui nous sont très joliment présentées. Commençons par la soupe froide de poivron jaune et ananas, feta et basilic (25 €). Lorsque le serveur pose l’assiette creuse à table, la feta, l’ananas et le poivron jaune sont disposés sous forme de petits cubes au fond de l’assiette creuse et forment déjà un joli tableau épuré. La soupe est alors délicatement versée depuis une saucière : un véritable spectacle visuel en soi, qui prépare les papilles en mettant en joie nos pupilles. En apparence simple, cette soupe fraîche est un véritable régal, reposant sur un équilibre délicat et une association de saveurs où chaque élément a sa place et apporte sa touche sans prendre le dessus sur l’autre. Guy Martin a choisi de travailler ici trois ingrédients possédant une saveur acide différente, mais le résultat, tout en étant légèrement acidulé, est aussi d’une remarquable douceur, avec une texture à la fois fine et veloutée.

thon gingembre avocat et wakamé grillé au restaurant le grand véfour
© Morgane Talula

Le thon assaisonné au gingembre, avocat et wakamé, jus de tomate acidulé (36 €) possède quant à lui une présentation originale, très “couture”, que ne laissait pas nécessairement présager l’intitulé sur la carte. Là encore, le plaisir des yeux commence avant même la dégustation du plat. En effet, l’assiette est très joliment décorée d’une façon assez originale et contemporaine avec, en son centre, notre thon cru en tartare et son avocat présenté de façon assez inattendue sous forme d’une terrine sur un jus de tomate qui ressemble à s’y méprendre à une gelée, ce qui n’est pourtant pas le cas, le tout décoré d’une feuille de wakamé grillé.

Les saveurs sont exquises, équilibrées et très fraîches, le tout réhaussé par ce jus de tomate acidulé que nous venons mélanger au tout afin d’avoir toutes les saveurs en bouche. L’équilibre est très bien respecté aussi dans les textures. Celles-ci sont moelleuses, douces et fermes à la fois, avec une certaine densité. L’harmonie avec la légère amertume iodée du wakamé et la douceur de l’avocat est des plus convaincantes. Ajoutons enfin que le jus de tomate n’est pas trop acidulé et que le petit craquant de la tuile de wakamé grillé complète parfaitement la dégustation. Le résultat, très frais, constitue une très belle entrée pour la saison printemps-été.

pavé de saumon laqué et graines de chia au restaurant le grand véfour
© Morgane Talula

Des plats exécutés de main de maître

En ce qui concerne le plat, nous continuons notre dégustation maritime et jetons notre dévolu sur le pavé de saumon laqué, graines de chia et pointe de menthe (38€). Notons encore une fois sur cette seconde assiette que la présentation du plat que nous avons sous les yeux par rapport à l’intitulé que nous avons lu sur la carte nous surprend. En effet, les graines de chia sont assemblées en une sorte de galette végétale assez épaisse, sur laquelle repose notre saumon ; chose à laquelle nous ne nous attendions absolument pas. Mais c’est une découverte plutôt intéressante et innovante au léger goût de noisette que nous n’avions jamais croisée auparavant et qui se révèle être savoureuse et bien plus légère en bouche qu’il pourrait y paraître lorsque nous la voyons à l’œil nu. Comme dans un ballet, deux touches de sauce épousent les contours de l’assiette ronde, autour de notre galette végétale de graines de chia. Il s’agit d’un condiment à la crème de panais, qui apporte une touche de douceur et de velouté, encore une fois très équilibré lorsque nous dégustons tout ensemble : un morceau de notre saumon ferme et fondant à la fois, avec un morceau de notre galette végétale aux graines de chia. Ce plat pourrait paraître d’un grand classique, pourtant, cette inventivité et cette créativité de travail autour de la graine de chia, met en valeur ce saumon absolument délicieux et rend ce plat beaucoup moins classique que dans la plupart des restaurants.

lotte au restaurant le grand véfour à paris
© Morgane Talula

La lotte rôtie, pousses d’épinard, vinaigrette aux légumes croquants et olives noires (41 €) est à l’avenant. Au-delà de la présentation, belle et simple à la fois, la lotte, de très belle qualité, est ferme et cuite à la perfection. Les légumes qui accompagnent le poisson (le céleri croquant, les petits légumes al dente) ainsi que le pesto d’olives noires disposé sur le bord de l’assiette permettent de constituer une palette de saveurs intéressantes autour de la lotte. Le pesto au goût vif et dense par exemple, crée un véritable contraste avec la douceur du poisson et le piquant du céleri.

Les desserts : le point final d’une très belle expérience

chou croustillant vanille et fruits rouges au grand véfour
© Morgane Talula

En dessert, après de succulentes mini-bouchées sucrées (tuiles, truffes au chocolat…), nous choisissons de déguster pas moins de trois desserts : le choux croustillant vanille, fruits rouges et pesto basilic (inscrit au semainier du vendredi), le jasmin en mousseline, cœur de citron, praliné au pavot bleu (18 €) et, sur les conseils du personnel, le best-seller du restaurant : l’éclair à la vanille (18 €).

En ce qui concerne le premier, notre chou croustillant trône fièrement au centre de l’assiette accompagné de framboises fraîches, agrémenté de feuilles de basilic. Le tout, déposé subtilement sur un lac de crème vanille aromatisée au basilic. La difficulté d’un tel dessert, est de savoir marier des saveurs sucrées avec des ingrédients tels que le basilic, qui, même si on en a de plus en plus l’habitude dans les desserts aujourd’hui (notamment les macarons ou les salades de fruits), est plutôt d’ordinaire un aromate accompagnant les plats salés. Eh bien, nous pouvons dire que le pari est extrêmement réussi !

Le chou croustillant est à la fois croquant et fondant, avec un cœur de framboise et pesto aux saveurs encore une fois très subtilement et habilement mariées. Le coulis, à la fois fin et original, crée un contraste intéressant avec la saveur acidulée des fruits grâce à celle, plus corsée mais complémentaire, du basilic. Aucune des 2 saveurs n’est supérieure à l’autre en quantité ressentie en bouche. C’est purement une expérience gustative empreinte d’une certaine « volupté charnelle » à laquelle nous avons droit lorsque nous prenons dans notre cuillère un peu de ce chou croustillant, de ce cœur de framboise et pesto et d’une touche de notre sauce vanillée pesto. Celle-ci se révèle fraîche et délicate avec tout de même une légère « consistance », qui fait littéralement saliver nos papilles.

Étant personnellement particulièrement friande de ce type de saveurs et textures, Laurence a eu un énorme coup de cœur pour ce dessert, à la fois très savamment réalisé et dosé ; tant au point de vue des ingrédients que par le rendu visuel et la présentation. C’est à la fois un grand classique qui peut paraitre simple, mais qui s’avère subtil, délicat et parfaitement maitrisé, avec un très joli rendu visuel, lui aussi simple mais subtil. Cécile, qui a quant à elle plus de mal avec les desserts aux fruits rouges quand ils sont trop riches ou à base de coulis, a apprécié l’équilibre et la finesse de l’ensemble, gourmand et fruité sans jamais être écœurant.

dessert jasmin en mousseline et sorbet citron au restaurant le grand véfour à paris
© Morgane Talula

Le jasmin en mousseline est quant à lui servi « déstructuré », en petites boules comme autant de touches de peinture formant un tableau contemporain dans l’assiette. Là aussi, les différentes saveurs permettent de dresser un ensemble plus complexe qu’il n’y paraît, comme une petite symphonie sucrée. Le sorbet de citron est frais et fondant à souhait, d’une véritable finesse. La crème de jasmin, à la texture plus épaisse, possède une saveur quasi-asiatique et abrite une petite gelée de citron tandis que le praliné au pavot bleu, présenté sous forme de tuile très fine, ajoute une touche de croquant qui vient contraster avec la texture fondante du sorbet et de la crème de jasmin. Le dessert est parsemé de pétales de fleurs comestibles qui viennent parfaire le tableau et ce joli jeu autour des saveurs et des textures.

éclair à la vanille du grand véfour le restaurant des jardins palais royal à paris
© Morgane Talula

Enfin, l’éclair à la vanille. Rien de tel qu’un classique tel qu’un éclair pour juger de la qualité des spécialités pâtissières d’un restaurant. Pas de triche ici, la crème pâtissière a été conçue à partir de vanille authentique, particulièrement parfumée et qui parsème la crème de fabuleux points noirs comme on en voit peu de nos jours. La pâte à chou est croquante à souhait, la texture de la crème, particulièrement onctueuse, est très dense mais jamais écœurante. L’ensemble, doux et gourmand à la fois, est particulièrement addictif. Un incontournable pour tous les amateurs de desserts à la vanille qui se respectent et souhaiteraient redécouvrir ce grand classique de la pâtisserie française, réalisé ici sans chichis, mais avec une vraie maîtrise. La touche finale parfaite à un repas sans fausse note.

Au final, le Grand Véfour a su nous séduire par la générosité et l’inventivité de sa cuisine, qui sait mettre en valeur chaque produit choisi sans fausse esbrouffe, dans un ballet de saveurs qui se bousculent tour à tour pour dresser de succulents tableaux culinaires. Chaque assiette s’admire autant qu’elle se savoure, pour notre plus grand plaisir. La sérénité et la beauté des lieux, l’accueil chaleureux et la patience du personnel achèvent de rendre cette expérience mémorable. 

Le Grand Véfour, 17 rue de Beaujolais, 75001 Paris. Ouvert du mardi au samedi. Pour le menu du semainier, 2 formules : entrée-plat ou plat-dessert à 49 € ou entrée-plat-dessert à 58 €. Toutes les assiettes à la carte sont consultables ici.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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