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[Critique] Down with the system – Serj Tankian

Caractéristiques

  • Titre : Down with the system, Mémoires (mais pas que)
  • Traducteur : Christophe Goffette
  • Auteur : Serj Tankian
  • Editeur : Nouveau Monde Editions
  • Date de sortie en librairies : 05/06/2024
  • Format numérique disponible : oui
  • Nombre de pages : 400 pages
  • Prix : 22,90 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 9/10

 

Avec près de 40 millions de disques vendus, System of a down est l’un des groupes de metal les plus connus au monde. Unique ouvrage français consacré à leur vie et à leur musique, Down with the system, publié  au mois de juin 2024 aux éditions Nouveau monde, est avant tout la compilation des mémoires de Serj Tankian, chanteur, auteur-compositeur, musicien et leader charismatique du groupe.

Un récit biographique captivant

Avec sa structure chronologique, Down with the system brasse une grande partie de la carrière de Serj Tankian, mais aussi et surtout de sa vie personnelle. Le récit s’ouvre juste après le 11 septembre 2001, alors que l’artiste publie un article controversé intitulé « Understanding oil », à propos des attentats du World Trade Center. Proposant une analyse impartiale du contexte de cet événement tragique, le texte suscite l’indignation immédiate de nombreux fans américains et constitue un excellent point de départ pour comprendre l’importance de l’engagement politique dans la vie de Serj Tankian. A cette époque, System of a down vient tout juste de sortir Toxicity, son deuxième album, et rencontre un succès retentissant.

Après cette introduction très marquante, l’auteur nous propose un bond dans le temps pour découvrir son enfance et sa jeunesse au Liban, où il vécu jusqu’à l’âge de 7 ans. A cette date, sa famille est contrainte d’émigrer en Californie pour fuir la guerre civile. Avant d’aborder son adolescence, sa carrière et sa vie d’adulte, Serj Tankian propose au lecteur de revenir sur l’histoire de son grand-père Stepan, rescapé du génocide arménien et ayant connu un destin tragique fait de sacrifices et de fuite. Il relate ensuite le parcours de ses parents, exemples parfaits d’une réussite permise par le rêve américain, mais également de déchéance, suite à un procès qui plongera la famille entière dans le doute et l’angoisse pendant de nombreuses années.

L’auteur décrit ensuite sa découverte tardive de la musique, alors qu’il étudie les maths et l’économie à l’université, son premier groupe « Forever young », sa rencontre avec Daron Malakian et les futurs membres de System, et son ascension fulgurante au sein de l’industrie musicale. Les derniers chapitres sont enfin consacrés à son détachement progressif du groupe et à sa carrière en solo beaucoup plus variée, mêlant poésie, musique et peinture.

L’écriture à la première personne de ces mémoires est très agréable, élégante et fluide, avec une excellente traduction proposée par Christophe Goffette, particulièrement utile lorsqu’il s’agit de comprendre les paroles de certaines chansons du groupe. L’auteur se livre pleinement et n’hésite pas à confier ses pensées et doutes les plus intimes, ses souvenirs et ses souffrances. Il se confie notamment sur sa relation

tumultueuse avec Daron, qui cherche régulièrement à l’écraser dans le processus créatif de System, mais avec qui il entretient une alchimie artistique précieuse. Serj Tankian aborde tous ces sujets avec la même franchise, de ses relations au sein du groupe à la répartition de leurs gains respectifs, sa pratique de la méditation transcendantale, sa manière de composer, ou encore – mais de manière plus pudique – ses relations sentimentales et sa paternité.

Les pensées engagées d’un activiste politique

Dès les premières pages de Down with the system, Serj Tankian se définit comme un artiste et un activiste, avec cette phrase extraite du premier chapitre : « Pour comprendre quoi que ce soit sur moi et ma vie, ou même System of a down, le génocide arménien est la rivière rugueuse et rocailleuse qui les traverse ». Ce traumatisme collectif traverse toutes les compositions du groupe, mais également leurs actions et leur engagement politique tout au long de leur carrière, au point de marquer l’ADN même de System of a down.

L’auteur et chanteur consacre plusieurs chapitres à l’exposition des faits historiques, à la survie et à la fuite de ses grands-parents, mais également à sa rencontre de nombreuses personnalités du monde politique, afin d’essayer de faire changer les choses et d’accélérer la reconnaissance du génocide arménien.

« C’est dans les moments où personne ne veut entendre la vérité qu’il est important de la dire », se plait il à rappeler. Son engagement et sa quête permanente de justice ne se limitent pas à ce seul combat, puisqu’il fait également allusion à d’autres conflits et massacres à travers le monde, et condamne dans son texte l’inaction des grandes puissances, guidées par leurs seuls intérêts.

Que les fans de musique se rassurent : bien qu’il faille attendre la page 125 et le chapitre 6 pour que Serj Tankian aborde la naissance de System of a down, l’ouvrage n’est jamais pesant ni sur-explicatif. La narration est fluide et instructive, avec une approche de l’histoire très pédagogique, et laisse ensuite place à de nombreuses anecdotes sur la vie du groupe, de leur osmose créatrice à leur disputes et réconciliations. Certains passages – notamment ceux impliquant une consommation excessive d’alcool ou leurs débuts de carrière rocambolesques – sont particulièrement drôles à lire, et l’auteur relate les affres et bonheurs de la vie d’artiste, les tournées, et les nombreuses personnalités publiques rencontrées à travers le temps.

Un ouvrage riche en découvertes

Avec sa trajectoire atypique et son succès incroyable, System of a down est un groupe qui ne cesse de surprendre, et Down with the system est à l’image de son auteur : passionnant ! Il y a fort à parier que la plupart des fans du groupe ne connaissent pas la moitié des faits racontés dans l’ouvrage. Au fil des pages, Serj Tankian explicite son style musical, ses influences et aspirations, la manière dont il écrit les textes et musiques… Fermer le livre devient rapidement frustrant voire impossible, à mesure que l’on en apprend plus sur l’artiste et son destin extraordinaire.

L’on découvre ses side projects totalement inconnus du grand public, tels que Serart, sorti en 2009 lorsque Serj Tankian crée son propre label, ou encore son travail de composition en solo, pour lequel il s’affranchit de toute contrainte commerciale, allant jusqu’à composer une comédie musicale pour le projet intitulé Promethée enchaîné. Il nous raconte comment il a failli signer le groupe Muse avant le succès qu’on leur connaît aujourd’hui, ou encore les véritables raisons de son détachement progressif du groupe.

Dans un poème assez récent, Serj Tankian écrit : « La maison est un endroit dont on ne peut pas se détacher en fin de compte ». Cette phrase, bien qu’elle ne fasse pas directement référence à System, relate assez bien les difficultés relationnelles présentes au sein du groupe et l’incapacité de Serj à s’en détacher, alors même qu’il ne s’épanouit plus auprès des autres musiciens. Ce paradoxe est ce qui fonde l’identité même de l’artiste : un homme aux multiples facettes prônant la non-violence et l’apaisement tout en créant une musique survoltée, virtuose malgré sa découverte tardive de la musique, athée mais accordant une grande importance à la spiritualité. Un être anxieux et peu sûr de lui mais dégageant un charisme redoutable, et avant tout un déraciné pétri de doutes quant à sa propre identité.

Pour tous ces aspects, Down with the system est un ouvrage inspirant et intelligent qui dresse le portrait d’un homme qui a toujours essayé de changer le monde grâce à l’art.

A travers les mémoires de cet artiste atypique et engagé, l’ouvrage nous en apprend plus, non seulement sur l’un des plus grands groupes de metal de ces vingt dernières années, mais également sur le monde, les injustices et les conflits géopolitiques qui l’animent. Down with the system donne également une envie furieuse de se replonger dans la discographie entière de System of a down… Everybody’s going to the party have a real good time !

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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