Caractéristiques

- Titre : A Retardement
- Auteur : Franck Thilliez
- Editeur : Fleuve Editions
- Collection : Policier Gf
- Date de sortie en librairies : 2 mai 2025
- Format numérique disponible : oui
- Nombre de pages : 456
- Prix : 22,90 euros
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- Note : 8/10 par 1 critique
Ouvrir un nouveau Sharko, c’est comme retrouver un vieux compagnon de route. Une promesse de tension narrative, des personnages familiers et attachants et un scénario retors à souhait, voilà la promesse de A retardement, le quatorzième tome de la saga Sharko-Hennebelle, commencée il y a un peu plus de vingt ans. Solidement documenté, comme toujours, le roman nous plonge dans les méandres de la psychiatrie lourde, là où la justice pénale s’efface au profit de l’irresponsabilité médicale.
Une nouvelle enquête pour l’équipe Sharko
Tout commence par une scène glaçante dans le métro : un homme, en plein délire, pousse un inconnu sur les rails. Arrêté et interné à l’UMD (Unité pour malades difficiles), il prétend fuir… des vers. En parallèle, Franck Sharko et son équipe découvrent un cadavre lardé de coups de tournevis dans une maison vierge de toutes traces ADN ou d’empreintes. Mystère supplémentaire : une fois appelée sur les lieux, la fille du défunt, la psychiatre Éléonore Hourdel, affirme que la victime n’est pas son père…
Bien que ce nouveau roman puisse se lire indépendamment des autres, les lecteurs assidus de Thilliez retrouveront avec plaisir de nombreux clins d’œil au passé des différents personnages, et notamment aux fêlures psychologiques de Sharko, esquissées dès les premiers tomes de la saga. Pour autant, ce n’est pas notre héros vieillissant qui porte ce tome, ni même Lucie Hennebelle – quasiment reléguée au second plan – mais bien Nicolas Bellanger, leur collègue et ami. Fragilisé par les événements de La Faille, il peine à se reconstruire, et insuffle à l’histoire une grande profondeur émotionnelle. Autre personnage parfaitement caractérisé : Eléonore Hourdel prend pleinement sa place de protagoniste – forte et attachante – au sein de l’intrigue. Confrontée à une pression médiatique infernale après avoir rendu un avis d’irresponsabilité pénale dans une affaire très sensible et médiatisée, elle peine à concilier secret professionnel et besoin de se mêler à cette enquête qui la touche personnellement.
Psychiatre et responsabilité pénale
Thilliez excelle décidément dans l’art de nous faire découvrir de nouveaux univers : après avoir exploré la frontière entre la vie et la mort dans La Faille et nous avoir plongés dans le Grand Nord Canadien pour Norferville, c’est aujourd’hui dans l’unité ultra-sécurisée d’une UMD qu’il nous entraîne, à la rencontre des patients les plus dangereux du service. Dans la postface, l’auteur confie qu’il s’est documenté en s’immergeant dans l’UMD du Rouvray, l’une des rares structures de ce type en France. Et cela se sent : chaque détail sonne juste. Le roman explore la schizophrénie paranoïde, maladie complexe et souvent stigmatisée.
Thilliez prend le temps d’expliquer, de déconstruire les préjugés sans jamais alourdir son intrigue, et il place au centre du récit une question vertigineuse : qu’est-ce qu’être responsable de ses actes ? Quand la folie abolit le discernement, une personne doit-elle être condamnée ? Le roman questionne la frontière ténue entre pathologie mentale et culpabilité pénale, avec une grande finesse. Fidèle à lui-même, l’auteur profite de ce cadre pour livrer des réflexions profondes sur la nature humaine, la violence et le rôle de la justice.
Intrigue retorse et suspense haletant
Dans A retardement, deux récits s’entremêlent et se répondent avec une redoutable efficacité. Comme souvent avec Sharko, l’enquête flirte avec les limites de la légalité – bidouilles et prises de risques garanties – même si rien ne semble jamais gratuit ou artificiel. Connaissant l’auteur, chaque élément, même le plus étonnant, repose sur des bases scientifiques solides et le dénouement reste crédible, bien que prévisible pour les aficionados de la saga.
Dès la première page, le roman installe une tension permanente. Disparition, meurtres sanglants à l’arme blanche, course contre la montre et recherche scientifique et médicale en arrière-fond… Tous les ingrédients d’un excellent page turner sont réunis. Thilliez flirte avec l’horrifique – arachnophobes, s’abstenir ! – et certains passages mettront à rude épreuve les plus sensibles. Pourtant, malgré cette noirceur, l’auteur ne perd jamais de vue la souffrance des victimes, la détresse des proches et l’usure des policiers, plaçant toujours l’humain au cœur de ce thriller viscéral.
Avec A retardement, Franck Thilliez confirme une nouvelle fois son statut de maître du thriller français. Avec une intrigue complexe mais fluide, un rythme haletant et une écriture précise, il nous offre une plongée aussi glaçante que captivante dans les méandres de la folie humaine.