Caractéristiques
- Titre : Buffy ou la révolte à coups de pieu
- Auteur : Marion Olité
- Editeur : Playlist Society
- Date de sortie en librairies : 5 octobre 2023
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 160
- Prix : 17 euros
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
Le premier essai publié en France sur la série culte
Éditeur spécialisé dans les ouvrages sur la pop culture, Playlist Society nous propose avec Buffy ou la révolte à coups de pieu de Marion Olité le premier essai francophone entièrement dédié à la série culte créée par Joss Whedon. Un événement quand on sait que les essais en tous genres sur cette œuvre incontournable du petit écran sont légion depuis des années dans les pays anglo-saxons.
En France, Buffy contre les vampires fut diffusée pour la première fois entre 1998 et 2004, mais la série ne fut adoubée par le gros de la critique et des médias que sur le tard, vers 2017, alors que #MeToo battait son plein et que l’on fêtait les 20 ans de sa création. Auparavant, il y avait bien eu des spécialistes pour la soutenir et s’y intéresser – Alain Carrazé et Jean-Pierre Dionnet sur Série Club à la fin des années 90, les auteurs Pacôme Thiellement, Guy Astic ou Sarah Hatchuel, qui ont signé des articles ou des analyses au sein d’ouvrages évoquant différentes œuvres – mais aucun livre à part entière.
Notre curiosité était donc grande au moment d’ouvrir cet ouvrage. Le résultat ? Un essai grand public très actuel, destiné en priorité aux personnes connaissant peu la série ou l’ayant découverte récemment (notamment les millenials), et qui se fait plus pointu dans sa seconde moitié, de sorte qu’il puisse également représenter un intérêt pour les fans de la première heure.
Un livre grand public pour décrypter l’œuvre créée par Joss Whedon
Commençons tout d’abord par ce que le livre de Marion Olité n’est pas : il ne s’agit en aucun cas d’un essai universitaire et l’autrice ne propose pas d’analyse relevant de l’esthétique du cinéma comme on peut en trouver, notamment, dans les ouvrages des éditions Rouge Profond ou Capricci. Des lecteurs habitués à ce genre de lectures pourront ainsi trouver que Marion Olité ne livre pas d’analyse suffisamment pointue.
Les fans de la première heure connaissant très bien les différents épisodes, mais aussi le sens des métaphores présentes dans la série et ses thématiques, pourront aussi se sentir un peu frustrés car, dans les 70 premières pages, l’autrice survole beaucoup les différentes thématiques abordées, d’autant plus que les sous-parties de chaque chapitre sont courtes voire très courtes. Certains arguments ne tiennent ainsi qu’en quelques lignes, sans forcément chercher à fouiller et développer davantage, alors que cela aurait pu être intéressant. Toute cette première moitié sert ainsi davantage d’introduction à l’univers de la Tueuse auprès du grand public.
Féminisme, critique du patriarcat et révolution
La première moitié du livre s’intéresse principalement à la dimension féministe de Buffy contre les vampires et sa critique du système patriarcal. En effet, dès le premier épisode, la série a décidé de jouer avec les stéréotypes genrés ayant cours dans le cinéma d’horreur et fantastique, ainsi que dans les teenage movies, afin de mieux les renverser. Cette dimension est bien évidemment connue des fans, mais toute cette première partie de l’ouvrage pourra permettre à des lecteurs ayant gardé l’image d’une innocente série pour ados aux monstres parfois un peu kitsch de mieux saisir l’intelligence de son propos et les métaphores à l’œuvre derrière ce récit initiatique en 144 épisodes.
De ce côté-là, on notera que l’autrice, journaliste chez ELLE, Konbini et Têtu s’adresse beaucoup à un lectorat intéressé par une approche que l’on pourrait qualifier d’intersectionnelle, avec une conception du féminisme et du racisme actuelles. On pourra cependant regretter que Marion Olité, versée dans les gender et cultural studies très récentes, ne cite pas, au-delà d’Iris Brey (autrice des essais Sex & the Series et Le regard féminin, une révolution à l’écran), de plusieurs auteurs d’essais anglo-saxons sur la série et d’une très rapide référence à Judith Butler, beaucoup d’auteurs fondateurs de ce genre d’études (qui existe depuis les années 50), et dont certains et certaines sont encore en activité et très pertinents dans le domaine de la pop culture. Là encore, le grand public ne devrait pas s’en offusquer puisque Marion Olité fait plutôt un bon travail de vulgarisation et que son discours est clair.
La seconde moitié de l’ouvrage, où l’autrice aborde plus particulièrement la dimension politique et socialiste de la série, est en revanche plus pointue et même parfois assez passionnante. Elle intéressera plus particulièrement les fans de longue date. L’analyse de la dimension révolutionnaire de la série (voire marxiste à certains égards), de la dénonciation du système, est ainsi fine et pertinente, tout en restant accessible.
Surtout, on sent l’amour et la passion de l’autrice pour son sujet, qui transpire d’un bout à l’autre. On pourra certes ne pas toujours être d’accord avec elle – par rapport au personnage d’Alex, par exemple, qu’elle trouve « problématique » alors même que cette complexité du personnage, qui n’est pas moralement « parfait », est ce qui le rend intéressant – mais on ne saurait remettre en doute la sincérité de son intérêt ni sa connaissance de l’univers de la série.
Au final, Buffy ou la révolte à coups de pieu est petit un essai pratique pour mieux appréhender la signification et la portée de la série américaine, qui fut une œuvre féministe avant-gardiste au-delà de son image de « série pour ados » qui lui a longtemps collé à la peau, et qui reste aujourd’hui on ne peut plus actuelle à notre ère post-#MeToo. Si les fans de la première heure pourront trouver l’ouvrage trop généraliste dans sa première moitié, l’analyse politique de la seconde permet de nuancer ce ressenti. Tout en s’adressant à un lectorat assez jeune, Marion Olité parvient à brasser et aborder beaucoup de sujets et thématiques abordées dans la série, avec un travail de vulgarisation assez convaicant malgré quelques facilités sur la partie cultural studies de-ci de-là, qu’on aurait aimée voir plus approfondie sur certains points. Espérons que cela inspirera d’autres éditeurs à proposer d’autres essais sur cette série au matériau d’une grande richesse.
