Caractéristiques
- Titre : Dissidentes, tome 1
- Auteur : Tosca Noury
- Editeur : Didier Jeunesse
- Collection : Romans Young Adult
- Date de sortie en librairies : 1er octobre 2025
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 512
- Prix : 19,95 €
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- Note : 9/10 par 1 critique
Avec Dissidentes, la primo-romancière Tosca Noury signe le premier tome d’une dystopie haletante, conseillée aux lecteurs à partir de 16 ans, à mi-chemin entre La Servante écarlate et The Last of Us. Publié aux éditions Didier Jeunesse, ce roman nous plonge dans une France dévastée, où naître femme est devenu une exception, transformant progressivement le pays en dictature nataliste.
Survivre et se découvrir
Et si les femmes ne naissaient plus, ou presque ? Depuis l’Extinction, l’état d’urgence démographique a été déclaré. Toutes les adolescentes de plus de quinze ans doivent se soumettre au Devoir de procréation ou être envoyées dans des Instituts de natalité, d’où aucune n’est jamais revenue. Edgar a grandi isolé avec son grand-père, persuadé que la maladie qui a ravagé le monde quelques années plus tôt les obligeait à se tenir à l’écart. Lorsqu’à dix-huit ans, il fuit, rongé par le doute, il découvre l’horrible réalité mais est bien vite arrêté par la milice. C’est alors qu’il croise le chemin de Jo, qui tente de rejoindre la frontière de l’Union Scandinave….
Construit avec une alternance de points de vue, le récit nous plonge tour à tour dans le regard d’Edgar et de Jo, ou entre les pages d’un mystérieux journal intime, écrit par une certaine Alma. Edgar, sensible et bienveillant, subit de plein fouet la brutalité du régime autoritaire. Jo, quant à elle, est fougueuse et déterminée, prête à tout pour défendre sa liberté et son indépendance. Loin de tout manichéisme, les jeunes personnages sont décrits avec une grande finesse : ils doutent, pleurent et assument leurs émotions sans jamais en faire une faiblesse. Grâce à leur belle complémentarité, l’autrice montre avec intelligence qu’il est absurde de séparer ou de hiérarchiser les sexes, tout en soulignant la complexité d’une société totalitaire qui façonne les individus dès leur plus jeune âge.
Une dystopie ancrée dans notre réalité
Dans Dissidentes, la surveillance et le contrôle des corps sont omniprésents. Les hommes sont réduits à des identités pucées et marchandées, tandis que les femmes sont traquées. Chaque chapitre débute par une citation tirée de journaux ou de textes de lois, qui dévoilent progressivement la transformation de la République proclamée en un régime autoritaire et implacable. Le journal d’Alma, mystérieux et fragmentaire, éclaire par petites touches l’histoire de cette société totalitaire. À travers ses pages, on observe comment un pays peut glisser vers la dictature, sur plusieurs décennies, en explorant les mécanismes de contrôle idéologique et l’endoctrinement des jeunes générations.
La grande force du roman réside également dans son ancrage dans notre réalité. La France n’y est pas datée, mais les lieux existent et parlent immédiatement au lecteur, rendant la dystopie d’autant plus frappante et plausible. Tosca Noury utilise de nombreuses références, comme Simone de Beauvoir ou un discours sur la fertilité prononcé par Emmanuel Macron, pour souligner le lien entre fiction et enjeux actuels. Réarmement démographique, contrôle des corps féminins… Tout converge vers un avertissement clair. Sa plume, incisive et visuelle, rend la dystopie tangible et inquiétante, invitant le lecteur à réfléchir aux dérives possibles d’un monde qui pourrait ressembler à celui du récit si l’on n’y prend pas garde.
Une écriture puissante et immersive
Dans Dissidentesn, l’action occupe une place centrale : fuites, combats, survie quotidienne et confrontations avec la milice, tout s’enchaîne de manière haletante. Entre danger permanent, trahisons brutales et amitiés inébranlables, le roman surprend et n’épargne à aucun moment ses personnages. Pourtant, Tosca Noury sait également ralentir le rythme pour proposer des réflexions plus fines, offrant au récit un équilibre rare qui maintient l’attention du lecteur jusqu’aux dernières pages. Cette maîtrise constante rend le livre impossible à lâcher, et son univers dystopique dramatiquement crédible et terrifiant.
Le style de l’autrice est à la fois mordant et sensible. Capable de dépeindre un monde brutal, où la violence, la surveillance et la manipulation s’exercent sans relâche, elle sait également restituer avec subtilité les émotions des personnages, leurs peurs, leurs joies, ou encore leurs premiers émois amoureux. Et si la description des supplices et des exécutions est directe et graphique, ce n’est jamais gratuit. C’est que la plume alerte et critique de l’autrice agit comme un véritable avertissement, tandis que sa sensibilité restitue la force émotionnelle des personnages et leur humanité.
Dissidentes est donc un premier roman impressionnant, à la fois haletant et réfléchi. Tosca Noury y construit un univers dystopique crédible, des personnages attachants et une intrigue maîtrisée, tout en offrant une réflexion puissante sur le contrôle, la liberté et les inégalités de genre. Entre action et émotion, ce récit frappe par son intensité et son réalisme glaçant. A lire de toute urgence !
