[Critique] Bunny – Mona Awad

Caractéristiques

  • Titre : Bunny
  • Auteur : Mona Awad
  • Editeur : HarperCollins
  • Date de sortie en librairies : 15 octobre 2025
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 448
  • Prix : 18,90 euros
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Publié en 2019 dans les pays anglo-saxons, Bunny de Mona Awad, phénomène sur Tik-Tok et succès critique salué par Margaret Atwood et Lena Dunham, débarque enfin en France. Sorte d’Alice au pays des merveilles horrifique sous LSD, il raconte l’histoire de Samantha Heather Mackey, étudiante en littérature et écriture créative au sein du programme très sélect d’une université huppée. Si toutes ses camarades sont des filles à papa snob et arrogantes, Samantha est timide et vient d’un milieu modeste. Lorsque l’action commence, elle souffre d’être prise de haut par ce groupe de filles qui se surnomment toutes affectueusement « bunny » (lapin) et son syndrome de la page blanche l’inquiète de plus en plus alors que la date fatidique pour rendre les écrits de chacune approche de plus en plus. C’est alors que les « bunnies » l’invitent chez l’une d’elles pour réviser. Samantha va pénétrer dans un autre monde, étrange et effrayant..

Un roman entre satire sociale en fac littéraire et conte horrifique baroque

Si vous appréciez les teen movies comme Fatal Games (Heathers en VO) ou Mean Girls, les films d’horreur, les contes baroques et que vous êtes familiers de la critique littéraire, des écoles d’art ou des cercles culturels élitistes, Bunny devrait vous plaire. Derrière sa dimension onirique et horrifique qui s’accentue et devient de plus en plus déjantée au fil des pages, le roman de Mona Awad fait la critique d’un certain conformisme culturel et social, qui se tapit derrière des atours séduisants. L’héroïne, Samantha, a réussi à intégrer le programme d’écriture créative de l’université de Warren par passion et grâce à son talent (et à une bourse d’études) alors que ses camarades, tout aussi cultivées soient-elles, considèrent que tout leur est dû. Les références littéraires incontournables qu’elles ne cessent de citer à longueur de temps leur servent surtout d’habit social pour briller en société et face à leurs pairs et l’on devine assez vite que leur relation à la littérature reste très superficiel. En cours d’écriture, elles livrent et reproduisent surtout ce que l’on attend d’elles selon des critères de bon goût prédéfinis par l’école et leur prof, qui symbolisent une certaine élite culturelle, mais sans s’investir véritablement émotionnellement dans ce qu’elles font. Tandis que Samantha l’écorchée vive peu sûre d’elle entretient un rapport viscéral à l’écriture. Malheureusement, son besoin d’approbation de la part de ses pairs l’handicape : non seulement elle n’arrive plus à écrire en raison de la pression qu’elle se met, mais elle vit mal le fait que ses textes sombres, bruts de décoffrage et moins intellectuels et distanciés que ceux de ses camarades ne semblent pas remporter les suffrages de leur enseignante.

Le roman joue ainsi sur plusieurs tableaux : d’une part, la critique d’un milieu (avec de nombreuses et parfois hilarantes références à de nombreux auteurs), de l’autre, un récit initiatique à mi-chemin entre Alice et Black Swan où Mona Awad nous montre comment Samantha tente tant bien que mal de s’affirmer face aux cruelles « bunnies » et de dépasser son besoin d’approbation.  Car, tout aussi singulière soit-elle, l’héroïne ne se rend pas vraiment compte à quel point son envie de réussir et de s’intégrer la pousse à tenter de se conformer à certains critères pour tenter de se faire bien voir de filles superficielles et souvent méchantes qu’elle méprise.

Le livre n’est pas exempt de défauts, cependant. L’œuvre de Mona Awad a beau jouer sur les clichés et les archétypes, le groupe des « bunnies » est un peu trop caricatural à certains égards et le fait de les décrire comme « maléfiques » en appuyant sur leur goût pour Alice, Peter Pan, les objets pastel et machines à écrire vintage en opposition à la gothique et torturée Samantha dont le côté dark la rendrait forcément plus authentique, est un peu facile. Mais, comme Samantha est la narratrice (assez instable psychologiquement) et que nous sommes dans sa tête d’un bout à l’autre, nous pouvons malgré tout accepter ce clivage.

Un autre bon point est également que l’autrice évite la facilité de bien des histoires du genre, où l’on découvre à la fin ou en milieu de récit que le personnage principal délire et que nous avons été dupés. Awad fait le choix du conte horrifique pour adultes, et c’est tout à son honneur car cela lui évite de désamorcer la charge émotionnelle de son récit en nous distanciant de la narratrice en cours de route.

Néanmoins, si le mélange entre satire sociale au sein d’un milieu universitaire et horreur baroque et psychédélique est bien géré pendant une grande partie du livre, sur les 100 dernières pages, l’autrice en fait un peu beaucoup et tire un peu trop en longueur alors qu’elle aurait pu condenser le dénouement sur 50 pages sans rien perdre de ce qu’elle voulait dire.  Il n’en reste pas moins que Bunny est une jolie découverte.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Spécialiste de la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch, elle effectue également un travail de recherche approfondi sur les artistes américaines Tori Amos et Taylor Swift. Directrice de publication du site, elle en corrige également les articles, au-delà de leur validation.

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