La nostalgie des années 90
Après les années 80, la nostalgie des années 90 gagne du terrain chez les jeunes trentenaires : la mode réinterprète le style de cette décennie de transition et de nombreux ouvrages s’intéressant aux artistes ou genres musicaux ayant émergé à cette période sont régulièrement publiés.
Mais ce n’est pas tout puisque c’est tout le kitsch de cette période où enfants et ados étaient les rois du monde qui a le vent en poupe. Ainsi, nous vous parlions au printemps dernier de Star 90 Mag, revue spéciale sous la forme d’un vrai-faux magazine des années 90, style Star Club ou OK Podium qui revisitait la décennie des boys bands, du fluo et du grunge dans une veine parodique. Voici à présent la BD We are the 90’s, parue dans la collection Tapas des éditions Delcourt et qui propose à différents jeunes auteurs de se réapproprier un tube de l’époque en partageant leurs souvenirs de cette période. L’occasion de revenir sur des groupes et artistes à succès souvent retombés dans l’oubli, les consoles Sega et Nintendo, Dr Martens, l’ambiance des cours de récré où l’on jouait aux POGS et, bien sûr… la musique. Très éclectique puisqu’elle allait du grunge à la dance, en passant par le rap, la variété et la pop sirupeuse des boys bands et girls bands.
Une BD collective pour revisiter la décennie en musique
Avant d’en venir à l’album en lui-même, une petite mise en contexte s’impose puisque We are the 90’s, c’est avant tout un concept de soirées sur le thème des années 90 — à Paris et ponctuellement dans le reste de la France — qui connaît un joli succès depuis 2007. Des sortes de grandes messes festives où les enfants de cette décennie, qui ont depuis bien grandi, viennent danser sur les tubes qu’ils écoutaient sur NRJ et Fun Radio en se remémorant tous les jouets et gadgets chouettes ou ridicules de leur jeunesse. Ce qui donne une indication sur le ton adopté pour la bande-dessinée, oeuvre collective légère et régressive, misant sur l’humour, la nostalgie, et plus rarement l’émotion.
We are the 90’s réunit donc 20 petites histoires complètement indépendantes les unes des autres racontées sur le mode de l’anecdote personnelle, et conçues par autant d’auteurs-illustrateurs qui ont chacun choisi un tube à évoquer de manière humoristique. Pour représenter toute la diversité de l’époque, on passera donc du « Show Must Go On » de Queen au « Fruit de la Passion » de Francky Vincent, en passant par « Everlasting Love » repris par les Worlds Apart ou encore « Simple et Funky » d’Alliance Ethnik. Le ton et le style visuel de chacun représente également cet éclectisme : certains possèdent un style rond, net et coloré à la tablette graphique, très en vogue chez les illustrateurs blogueurs, tandis que d’autres privilégient des dessins au crayon, voire à l’aquarelle, ou des dessins aux traits plus élaborés.
Des points de vue drôles et personnels
Les différentes histoires ne sont pas forcément de qualité égale : certaines sont plus drôles que d’autres, une petite poignée sont davantage anecdotiques, etc. Mais, mises bout à bout et entrecoupées de petits interludes nostalgiques par Navie (qui faisait déjà partie du projet Star 90 Mag) pour nous remémorer les films (bons ou délicieusement mauvais), les jeux de société, gâteaux, émissions télé, jeux vidéo télé et autres de l’époque, elles procurent un plaisir égal à celui d’un paquet de friandises régressives que nous dégustions enfants, comme ces absurdes tubes en plastique fluo vendus au bureau de tabac (non cités dans l’ouvrage d’ailleurs) remplis d’une pâte blanche acidulée et que nous aspirions goulûment.
S’il serait difficile d’évoquer chacune, nous pourrions citer, parmi les histoires qui fonctionnent le mieux : la drôle d’aventure d’échange scolaire de Fabien Thoulmé sur fond de Francky Vincent (sans doute la plus drôle), le coup de foudre d’un couple de hamsters au son de « Tombé pour elle » de Pascal Obispo raconté par David Combet, ou encore la charmante histoire de Vaïnui de Castelbajac, qui raconte comment, ado de 13 ans fan de Fool’s Garden (vous savez, ce groupe anglais qui copiait Oasis et dont le « Lemon Tree » passait en boucle à la radio?) elle découvrit qu’elle aimait les filles. On trouvera également des histoires peut-être moins marquantes de prime abord, mais s’attachant toutes à retrouver une certaine ambiance, un état d’esprit, une émotion… L’histoire d’Aseyn centrée sur le titre « Missing » d’Everything But the Girl étonne ainsi par la finesse des émotions qu’il y exprime, dans un style très pop art qu’on trouvait dans certaines revues de l’époque proposant des BD à l’eau de rose pour ados.
We are the 90’s, c’est donc un bon bain de nostalgie fun et sans prétention pour les personnes ayant grandi durant cette décennie cool et insouciante, où la presse était encore en bonne santé et les dessins animés à la télé de qualité. Si l’on pourra regretter que certains artistes, plus importants et moins kitsch, ayant émergé à cette époque ne soient pas représentés, on ne peut que saluer une sélection qui, à défaut d’être un « best-of », propose un aperçu assez représentatif de la musique mainstream de 1990 à 1999, avec ses qualités et ses travers. Hormis quelques classiques véritablement indémodables, on se plaira ainsi à redécouvrir certains titres oubliés, et surtout, on rira avec les auteurs de ces souvenirs de jeunesse, franches rigolades ou grosses hontes, qu’on a tous un peu vécues à 10 ou 15 ans, au rythme de sons enregistrés sur une cassette audio avec le jingle de la radio.
We are the 90’s, bande-dessinée collective, Delcourt, collection Tapas, sortie le 2 novembre 2016, 152 pages. 18,95€.