Caractéristiques
- Auteur : Michel Viotte, avec la collaboration de Noël Mauberret
- Editeur : Éditions de la Martinière
- Date de sortie en librairies : 13 octobre 2016
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 256
- Prix : 35€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 10/10 par 1 critique
Le 22 novembre 2016, nous fêtions le centenaire de la mort de Jack London, le célèbre écrivain américain et aventurier auteur de chefs d’oeuvres tels que Croc-Blanc, Martin Eden ou L’appel de la forêt, mais aussi de quantité d’autres oeuvres moins connues. Alors que Gallimard Jeunesse rééditait à la rentrée son recueil de nouvelles Le fils du loup, les Éditions de la Martinière se sont associées avec Arte Éditions pour ce beau livre conçu par le documentariste Michel Viotte en collaboration avec Noël Mauberret, grand spécialiste de London ayant notamment traduit plusieurs de ses ouvrages.
Récit d’une vie hors normes
Les vies de Jack London retrace le parcours et la vie mouvementée de l’écrivain américain, qui parcourut le monde entier et exerça tous les métiers, de pilleur d’huîtres à chercheur d’or dans le Klondike. Illustré de très nombreuses photos d’archives et documents d’époque, certains inédits, ce très bel ouvrage en grand format à la qualité d’impression irréprochable met en avant la personnalité hors normes, bigger than life, de Jack London, l’un des derniers grands auteurs-aventuriers de son temps, dont les nombreux voyages nourrirent en profondeur une oeuvre poétique, romanesque, mais aussi très souvent réaliste. Le livre, qui accompagne le documentaire Jack London, une aventure américaine de Michel Viotte diffusé il y a quelques jours sur Arte, se penche sur les différentes facettes de sa personnalité, révélant un homme complexe, profondément attachant, mais non dépourvu de contradictions.
Socialiste convaincu à une époque où cela n’était pas franchement bien vu aux États-Unis (les Américains associant automatiquement le socialisme au communisme), Jack London finit ainsi par renoncer à son inscription au parti vers la fin de sa vie, alors qu’il avait été attaqué avec véhémence pour avoir soutenu l’ingérence des États-Unis sur le Mexique et critiqué les révolutionnaires mexicains qu’il soutenait quelques années auparavant, en émettant des jugements clairement racistes. Audacieux, mais également sensible (une qualité perceptible dans ses romans), l’auteur avait également connu trop de souffrances, de son enfance d’enfant non-désiré, qui ne fut jamais reconnu par son père biologique, aux difficultés financières qui l’accompagneront toute sa vie, en passant par des relations houleuses avec son ex-femme, mère de ses deux filles, un alcoolisme qui aura raison de sa santé ou encore des drames de la vie tels que l’incendie de la maison de ses rêves ou une fille morte 36 heures après sa naissance.
Des photos d’archives qui nous plongent dans l’Amérique des années 1900
Michel Viotte, avec l’aide de Noël Mauberret, va à l’essentiel sans jamais survoler son sujet et présente le parcours de Jack London avec simplicité et justesse, replaçant son oeuvre et ses prises de position dans le contexte de l’époque, et mettant en parallèle les grands événements et voyages de sa vie avec les oeuvres qu’ils ont inspirés. Les photos, coupures de presse et lettres extraites de la correspondance personnelle de Jack London sont au centre du livre et en font la valeur : si le texte nous permet de replacer l’écrivain dans son temps, et de comprendre son oeuvre et l’influence qu’elle exerça sur la littérature américaine, ces documents nous immergent dans sa vie et l’Amérique du début du XXe siècle, dont il a été à la fois le témoin privilégié et l’un des acteurs à son propre niveau.
Grand amateur de photographie, travaillant pour de nombreuses publications pour subvenir à ses besoins et payer ses dettes (même lorsque le succès lui aura apporté des revenus assez conséquents), Jack London pris de nombreuses photos tout au long de ses voyages, qu’ils soient personnels ou professionnels. Michel Viotte et Noël Mauberret ont sélectionné les plus parlantes d’entre elles parmi les archives de l’auteur, et ces clichés, souvent incroyables, nous racontent son histoire d’une autre manière et donnent un aperçu de ce qu’était le monde au début du XXe siècle. Il faut voir, par exemple, ces photos de clochards couchés à intervalles réguliers dans les jardins de Londres, les photos de la ville de San Francisco détruite après le terrible tremblement de terre de 1906 ou encore ce bateau bordé de fils barbelés et rempli d’indigènes recrutés pour travailler sur des plantations. Sans compter les nombreux clichés privés le montrant avec son épouse, Charmian London, son alter ego, qui l’accompagnait lors de longues expéditions en bateau et avec laquelle il entretenait une complicité évidente.
Jack London ou la soif d’absolu
Les livres de l’auteur sont évoqués de manière plus secondaire finalement, mais leur ambiance, leur esprit, sont bel et bien présents tout au long de ces Vies de Jack London, qui part à leur source pour en extraire l’essence même, cette énergie vive que leur insufflait leur auteur à l’âme sauvage et au coeur tendre. « J’aimerais mieux être un météore superbe, et que chacun de mes atomes brille d’un magnifique éclat, plutôt qu’une planète endormie. La fonction propre de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps », dira un jour celui qui mourut le 22 novembre 1916, à tout juste 40 ans, lâché par un corps rongé par toute une vie d’excès, d’aventures et de dur labeur.
Cette intensité rend son histoire infiniment touchante, peut-être même plus, à bien y réfléchir, que ses chefs d’oeuvre indétrônables que sont L’appel de la forêt et Martin Eden. Parce-qu’elle fait écho à notre soif d’absolu, que nous osons rarement suivre, en la portant à son point d’incandescence, là où l’homme, mortel par essence, rejoint la légende.