[Critique] Les Soeurs du Feu — Kim Wilkins

Caractéristiques

  • Auteur : Kim Wilkins
  • Editeur : Bragelonne
  • Collection : Fantasy
  • Date de sortie en librairies : 14 juin 2017
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 456
  • Prix : 25€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Des héroïnes à l’évolution intéressante

Un an après la parution du premier tome, Les Filles de l’Orage, Kim Wikins est de retour avec le second volet de sa saga fantasy Le Sang et l’Or, intitulé Les Soeurs du Feu. Quatre ans après le retournement final,  qui voyait l’illuminée Willow s’emparer de l’épée des gobelins destinée à tuer sa soeur, la féroce guerrière Bluebell, afin d’étendre la mainmise de la religion trimartyre sur tout le royaume de son père, nous retrouvons les cinq princesses, toutes séparées et menant des vies fort différentes. Bluebell est la seule à être restée auprès de son père, et elle dirige son armée avec toujours autant de courage et d’aplomb, Ivy s’est résolue à épouser un vieux duc et est à présent mère de famille, Rose a dû renoncer à sa fille et accepter l’exil, Ash continue à chercher inlassablement le dragon lié à ses cauchemars afin de le tuer, tandis que Willow s’entraîne au combat pour éliminer sa soeur.

Pendant plus de la moitié du récit, nous suivons donc les aventures de chacune en parallèle, les différentes parties faisant ça et là référence aux autres trames, que Kim Wilkins fera se rejoindre dans la dernière partie du roman avec une belle fluidité. Chacune des quatre héroïnes a évolué et mûri de manière intéressante et crédible : Rose, par exemple, pleurnicheuse voire égoïste dans le premier livre, se montre ici déterminée et moins sentimentale que par le passé, tandis que la maternité a en partie transformé Ivy, même si nous nous rendrons vite compte qu’elle a toujours le chic pour faire de fort mauvais choix lorsqu’elle se laisse guider par ses instincts primaires. La folie religieuse de Willow, elle, n’a fait que se renforcer, et elle affûte à présent son corps comme une arme pour affronter Bluebell, délaissant les derniers semblants de fragilité et d’humanité qu’elle possédait encore. Son aspect le plus humain, finalement, est l’emprise psychologique effrayante que possèdent ses voix intérieures (qu’elle assimile à des voix d’anges de Maava), qui la culpabilisent à outrance pour qu’elle accomplisse leur volonté. Le personnage, sado-masochiste à souhait d’un point de vue psychologique, devient alors une figure de méchante assez fascinante, sorte de pendant sectaire de la Lady McBeth de Shakespeare, tissant une redoutable toile d’araignée en s’entourant d’hommes dont elle utilise l’ambition afin d’accomplir ses sombres desseins. Chacune de ces histoires est bien menée, et les chapitres permettent autant de développer la psychologie des personnages que de faire avancer l’action, dont les rebondissements n’ont rien à envier au Trône de Fer de George R. R. Martin ou à son pendant télévisuel, Game of Thrones.

Un univers de fantasy médiévale étoffé

Cependant, l’auteure australienne ne se contente pas de reproduire une recette éprouvée et développe véritablement son univers, avec une sensibilité qui lui est propre. Si elle jouait beaucoup, par exemple, avec les codes de la fantasy et plus particulièrement de la fantasy féminine avec Les filles de l’orage, cet aspect est moins présent dans ce second tome, la mythologie étant à présent fermement posée. Alors oui, on trouvera bien un passage fort drôle où Ivy se laisse de nouveau dominer par ses instincts primaires (ce qui pourrait lui coûter cher dans le troisième volet), mais Kim Wilkins a avant tout à coeur de faire avancer son intrigue, qui prend ici une ampleur impressionnante, sans jamais paraître artificielle. L’équilibre entre les différentes parties est fort appréciable et, si le personnage d’Heath, l’amant de Rose et le père de Rowan, reste assez peu développé, celui-ci apparaît un peu moins fade, tout en restant dans une posture passive qui laisse le champ libre à Rose pour agir. Sans doute prendra-t-il davantage d’indépendance par la suite.

La mise en avant de la fille du couple, Rowan, est en tout cas l’une des meilleures surprises des Soeurs du Feu : désormais âgée de 7 ans et douée à l’arc, elle est aussi capable d’entendre la forêt chanter. Le roman nous en apprendra plus sur ses origines — liées à celles, jusque-là mystérieuses, d’Heath — et le destin hors du commun qui se profile devant elle. Par le biais de cette enfant, attachante et au caractère bien trempé, Kim Wilkins en profite pour insuffler une dimension celtique tout à fait plaisante à sa saga, avec de longs passages dans une forêt enchantée assez effrayante, où l’espace-temps se trouvent complètement bouleversés. Cette partie de l’intrigue fait partie des meilleures du livre, et il ne serait pas étonnant, au vu de l’épilogue, que Rowan se révèle être, en fin de compte, la véritable héroïne du Sang et de l’Or.

Kim Wilkins confirme donc, avec Les Soeurs du Feu, le potentiel entrevu dès le premier tome, faisant de sa saga une série fantasy à suivre avec intérêt, portée par des personnages féminins forts qui sont développés ici de manière intéressante, sans tomber dans des lieux communs faciles grâce à une approche psychologique tout en finesse. Surtout, l’auteure étoffe ici un univers personnel après en avoir défini les contours, et propose aux lecteurs une intrigue prenante, dont les rebondissements n’ont rien à envier aux best-sellers du genre. L’auteure n’a toujours pas la prétention de révolutionner le genre, mais son approche humble et sincère de la fantasy, appuyée par une maîtrise narrative certaine et une absence de cynisme totale, en font un bel exemple de fantasy féminine.

Article écrit par

Diplômée en Lettres Modernes, Natacha Fleurot rejoint la rédaction de Culturellement Vôtre fin 2015. Spécialisée dans les oeuvres jeunesse, young adult ainsi que la fantasy, elle réalise de nombreux articles dans les rubriques Livres et Cinéma. Passionnée de cuisine, elle teste aussi régulièrement des livres de cuisine et écrit dans la catégorie Food de la rubrique Lifestyle.

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