Caractéristiques
- Auteur : Rodolphe (scénario) & Laurent Gnoni (dessin, couleurs)
- Editeur : Éditions Soleil
- Date de sortie en librairies : 17 janvier 2018
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 144
- Prix : 18,95€
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- Note : 7/10 par 1 critique
Plein soleil ?
Pour son premier roman graphique, le scénariste Rodolphe (Voyage au pays de la peur) s’est associé au dessinateur Laurent Gnoni pour nous conter la relation fusionnelle tragique de deux frères jumeaux, Sylvio et Peppo, sur une petite île méditerranéenne. Les deux adolescents font tout ensemble, jusqu’au jour où une jolie peintre loue une maison proche de la leur. Peppo tombe sous son charme, au grand dam de son frère, jaloux, qui lui reproche de l’abandonner pour une histoire charnelle. Lorsque la jeune femme est retrouvée assassinée, Peppo soupçonne rapidement son frère mais, sur les conseils de son vieil ami Hugo, se tait. Et pour cause : Sylvio est mort depuis deux ans !
Thriller psychologique partagé entre la moiteur de l’été et la grisaille d’un pensionnat pour garçons, Je suis un autre propose un récit bien mené et anti-démonstratif. Ainsi, on devine bien vite que le personnage de Sylvio est mort, sans que cela soit traité comme un véritable twist. Au contraire, ce premier rebondissement n’est qu’un commencement, annonçant le long chemin qui attend son frère pour être libéré de ses démons. Toute l’intelligence du scénario consiste à maintenir une certaine ambiguïté par la suite : Peppo est-il simplement schizophrène ou est-il réellement hanté par son frangin disparu ? La psychiatre qui l’accompagnera alors, Anna Münch, lui permettra de se défaire du lourd secret qui l’empêche d’avancer, donnant lieu à une conclusion assez surprenante, traitée avec une belle finesse psychologique.
Un style graphique saisissant
Narrée avec simplicité d’après une construction rigoureuse en trois actes, la BD prend toute sa dimension grâce au dessin de Laurent Gnoni, chaleureux et gorgé de soleil pour les passages sur l’île, avant de se faire triste et oppressant lors du séjour de Peppo au pensionnat, qui prend alors des allures de cauchemar. Cette scission fonctionne particulièrement bien et saisit immédiatement le lecteur, lui permettant de rentrer facilement en immersion dans l’esprit de Peppo, hanté par un frère qui apparaît comme son döppelganger. Une plongée facilitée par l’admirable travail sur la couleur du dessinateur, qui confère une atmosphère surréaliste à l’ensemble et met en valeur les dessins, qui se trouvent magnifiés de manière frappante. A cheval entre dessin traditionnel et avant-gardisme, l’artiste possède une belle maîtrise, qui permet ainsi au récit de s’épanouir dans toute sa puissance d’évocation. En matière de style graphique, il s’agit sans conteste de l’une des plus belles choses que l’on ait vues depuis pas mal de temps, faisant de Je suis un autre l’un des incontournables de cette rentrée de janvier.