Caractéristiques
- Titre : Sicario la Guerre des Cartels
- Titre original : Sicario : Day of the Soldado
- Réalisateur(s) : Stefano Sollima
- Avec : Benicio del Toron, Josh Brolin, Isabela Moner, Jeffrey Donovan, Manuel Garcia-Ruflo, Catherine Keener
- Distributeur : Metropolitan Filmexport
- Genre : Thriller, Action
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 122 minutes
- Date de sortie : 27 juin 2018
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Stefano Sollima parvient à se démarquer avec talent
Sorti en 2015, Sicario, dernier bon film en date signé Denis Villeneuve, a su à la fois surprendre et charmer. Tout d’abord, le sujet avait de quoi prendre une certaine dimension géopolitique, en pleine ascension de Donald Trump. Ensuite, c’était l’occasion de voir débarquer au cinéma le scénariste talentueux qu’est Taylor Sheridan, lequel enchaina avec Comancheria et l’excellent Wind River, qu’il réalisa lui-même. Le tout prenait la forme d’un thriller parfois hautement tendu, habité d’acteurs très investis, mais parfois un peu trop marqué par les tics de son metteur en scène. Allait-on retrouver les mêmes éléments dans la suite, intitulée Sicario la Guerre des Cartels, cette fois-ci pris en mains par le prometteur Stefano Sollima ?
Sicario la Guerre des Cartels prend place quelques années après les événements de Juarez, décrits dans le précédent film. On retrouve le très impliqué Matt Graver, qui doit cette fois-ci annihiler la menace Carlos Reyes, un trafiquant mexicain en lien avec des terroristes, du moins en apparences. Ces derniers profitent de la porosité des frontières afin de se faire exploser dans un supermarché, créant par ailleurs une séquence des plus marquantes. Bien vite, Graver fait appel à son sicaire, Alejandro Gillick, afin de l’aider dans sa tâche. Le but, lancer les hostilités entre les cartels, créer plus que des tensions : une véritable guerre. Et, pour ne rien calmer, l’homme de main a quelques griefs personnels contre la cible, à l’origine du meurtre de sa femme…
Une suite qui titille le spectateur
Sicario la Guerre des Cartels est un film potentiellement corrosif. Toute la première partie en est clairement consciente, et joue avec la situation politique américaine. Ce n’est pas spécialement une surprise, Stefano Sollima n’est pas du genre à écarter ce genre de problématique. C’est plus étonnant dans la tonalité employée : loin de faire appel à l’hypocrisie qui règne en Occident, qui préfère détourner le regard quand l’humanisme est manipulé à des fins peu glorieuses, le réalisateur aborde des sujets sensibles. Oui, la non régularisation des migrations, son absence d’encadrement, peut provoquer quelques désagréments. Et le scénario, toujours signé par l’excellent Taylor Sheridan, de continuer le propos, en démontrant que le changement ne sera possible qu’avec une CIA qui joue l’apaisement. Ce qui n’est pas le cas dans le film.
Sicario la Guerre des Cartels n’est, pour autant, absolument pas un manifeste politique « pro » ou « anti ». Si cette première partie fonctionne du tonnerre, c’est justement parce que la tonalité employée est loin d’être manichéenne, on ne fait pas face à un traitement forcé à l’image de La Forme de l’Eau. Stefano Sollima multiplie les signaux inquiétants, joue non seulement avec le spectateur mais aussi les éléments scénaristiques. Par exemple, les liens entre les migrations et le terrorisme, bien moins évidents qu’il n’y paraît à première vue, en tout cas beaucoup plus complexes que ce qu’une partie du peuple peut l’imaginer. La réaction face à une situation catastrophique, meurtrière même, peut aussi être moralement très douteuse, difficile de ne pas s’en rendre compte ici. Le réalisateur accompagne ce thème de séquences savamment troussées, dont certaines n’ont rien à envier aux quelques pics de tension vécus dans le précédent film.
De l’action plus marquée qu’auparavant
La seconde partie de Sicario la Guerre des Cartels, elle, verse beaucoup plus dans le thriller, voire le film d’action. Une petite cassure fondamentale assez étrange, pas spécialement mal vécue, mais un peu brusque. Stefano Sollima n’a plus qu’a tirer sur la ficelle pour venir à bout des nœuds scénaristiques, bien amorcés par Taylor Sheridan. La vendetta d’Alejandro Gillick, toujours admirablement interprété par Benicio Del Toro, se dilue dans un fleuve d’éléments qui trouvent en lui autant d’échos. Le kidnapping engage des responsabilités quasiment paternelles, sans que ne soit invoqués des violons dramatiques hors de propos. Cela provoque d’ailleurs une bien belle scène, qui nous en apprennent plus sur sa famille massacrée, par le biais d’ue rencontre avec un paysan muet. Pas le temps de niaiser, n’ayez crainte : le scénario vous réserve bien des moments de pure tension, bien encadrés par la mise en scène stylisée, mais jamais lourdingue, de Sollima. Et cette lumière, un délice pour les esthètes.
On abordait la très bonne prestation de Del Toro, on ne peut qu’étendre cette affirmation au reste du casting. Entre une direction des acteurs exemplaire, qui cultive l’ambigüité des Hommes en action, et le talent naturel des comédiens, on est plus que bien servi. Josh Brolin rappelle qu’il n’est pas qu’un acteur de marvelleries plus ou moins douteuses. La jeune Isabela Moner prouve qu’elle n’est pas que la future Dora l’Exploratice de Michael Bay (!), mais bien une comédienne à part entière. Est-ce pour autant que Sicario la guerre des Cartels rend une copie parfaite ? Presque. Le seul regret accompagne la toute fin du film, vous comprendrez donc qu’on ne peut aborder le sujet très précisément. Écrivons simplement qu’un personnage est l’objet d’un traitement bien trop surréaliste pour convaincre. Et la dernière image se fait trop abrupte. Rien d’éliminatoire donc. Au contraire : on ne peut que vous conseiller de foncer découvrir cette suite, différente de la vision d’un Denis Villeneuve, lequel versait parfois dans un symbolisme un peu pataud, pour se concentrer sur le potentiel explosif de cet univers.