Les Deux Magots célèbrent Boris Vian
Il était l’une des voix les plus iconoclastes de la littérature française du XXème siècle, et une figure incontournable de la grande époque de Saint-Germain-des-Prés. Boris Vian, disparu il y a tout juste 60 ans (le 23 juin 1959) et dont on fêtera les 100 ans de la naissance le 10 mars 2020, est à l’honneur aux Deux Magots, le légendaire café littéraire où il se rendait souvent en compagnie de ses contemporains, parmi lesquels son ami Raymond Queneau.
Le café, qui a à cœur de célébrer son histoire tout en regardant vers l’avenir, a ainsi prévu une riche programmation culturelle autour de son œuvre, sa personnalité et son héritage, qui s’étendra jusqu’au printemps 2020 : pianococktail, jeudis du jazz spécial Boris Vian, exposition… Durant encore près de 8 mois, les événements se succèderont pour célébrer comme il se doit ce poète fantasque à l’oeuvre aussi forte qu’espiègle, remplie d’humour, et qui s’illustra également en tant que chanteur et parolier.
Fort de sa collaboration avec Les Deux Magots, Pierre Hermé, élu Meilleur pâtissier du monde en 2016, a conçu une religieuse framboise-chocolat en hommage à l’écrivain, et qui sera proposée à la carte jusqu’au 20 mars 2020 : la Trompinette.
La Trompinette : l’hommage de Pierre Hermé à l’auteur de L’Ecume des jours
Ce nom est un clin d’oeil au surnom que donnait Boris Vian à sa trompette — en réalité un cornet à piston, donc une trompette de petite taille qu’il pouvait glisser facilement dans sa poche. Une manière de rendre hommage à l’amour qui liait le grand homme au jazz, et par là-même à Saint-Germain-des-Prés et aux Deux Magots. D’ailleurs, un disque en chocolat arborant des notes de musique et le nom de l’auteur vient séparer les deux choux de la religieuse tel un vinyl gourmand.
Que l’on ne s’y trompe pas pourtant : la dimension littéraire de l’oeuvre de Vian est bien présente dans ce dessert. Car dans « trompinette », il y a également « trompeur », à l’image de l’oeuvre aux multiples facettes de Vian, dont les différents niveaux de lecture se révèlent progressivement.
Or, c’est précisément ce qui se passe avec cette religieuse aussi dodue qu’élégante, que nous avons été découvrir par un chaud week-end estival. Il ne faut pas se fier au glaçage puisque le petit chou glacé au chocolat renferme un confit de framboises, et le gros chou au glaçage de framboise acidulée, une crème pâtissière au chocolat.
Un parti pris en guise de pirouette, comme les appréciait tant l’auteur de L’Ecume des Jours, qui était également connu pour être un fin gourmet, comme en témoigne les nombreuses références culinaires qu’il parsemait régulièrement dans son œuvre.
Et pourquoi une religieuse, alors ? Tout simplement parce-qu’il s’agissait là du dessert préféré de Boris Vian qui, par provocation aussi, aimait bien s’enorgueillir de déguster des religieuses, lui qui portait un point de vue critique sur la religion. Et puis, pour Pierre Hermé, comment résister à la tentation de revisiter un classique de la pâtisserie française, en lui ajoutant un léger twist afin de lui faire gagner en fraîcheur ?
Test de la rédaction : notre verdict
Alors, me direz-vous, la Trompinette s’est-elle avérée à la hauteur de nos attentes ?
Ne jouons pas plus longtemps sur le suspense et répondons sans attendre : oui.
Le chou glacé au chocolat apporte une fraîcheur bienvenue à l’ensemble avec son confit de framboises extra-frais, acidulé juste ce qu’il faut. Le goût tranche avec le chocolat, avec lequel il se marie particulièrement bien grâce à un choix de cru noir à l’intensité mesurée.
Si l’on aurait pu s’attendre à un choix de chocolat (notamment pour la crème pâtissière du chou rouge) bien plus intense, ce parti pris est bienvenu pour deux raisons : non seulement, de cette manière, le chocolat ne masque pas le goût de la framboise et les saveurs se révèlent avec d’autant plus de subtilité, mais cela permettra également aux clients de prendre un délicieux goûter en accompagnant la Trompinette de l’exceptionnel chocolat chaud à l’ancienne des Deux Magots, tout en intensité veloutée, sans craindre l’indigestion.
Pour l’avoir déjà testée à titre personnel chez Ladurée, l’association religieuse au chocolat noir intense et chocolat chaud tout aussi intense peut-être un peu too much, voire difficile à digérer.
Si l’on ajoute à cela que ce type de chocolat n’est pas forcément celui que l’on a envie de privilégier en plein cœur de la canicule (et pourtant, nous adorons le chocolat noir à la rédaction), le choix de Pierre Hermé apparaît d’autant plus pertinent.
Sa Trompinette est gourmande, généreuse, mais elle possède aussi une vraie légèreté et se révèle à nos papilles par petites touches, jusqu’à apparaître comme une sorte d’évidence dans sa malicieuse association de goûts, véritablement réjouissante, et qui fait honneur à l’esprit enjoué de Boris Vian.
A déguster en terrasse, le nez plongé dans un roman de Vian ou bien en salle, à l’occasion d’un des jeudis du jazz organisés par Les Deux Magots.
Les Deux Magots, 6 place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris (M°4). La Trompinette est proposée à la carte depuis le 24 juin 2019.
Le café proposera une programmation culturelle Boris Vian jusqu’au 20 mars 2020, dont des jeudis du jazz spécial Boris Vian d’octobre 2019 à mars 2020, à raison d’une fois par mois, où des artistes viendront interpréter son répertoire et ses textes. Prochaines dates : Camille Barbillon Trio le 10 octobre à partir de 19h30, Rimendo Trio le 7 novembre 2019, Marie-Laure Célisse Trio le 5 décembre 2019… Une exposition Boris Vian à Saint-Germain-des-Prés sera proposée du 9 au 31 mars 2020.