[Critique] J’agonise fort bien, merci – Oren Miller

image couverture j'agonise fort bien merciLa Bretagne ça vous gagne

Vous le savez, chez Culturellement Vôtre on aime vous faire découvrir des œuvres peut-être moins « markétées » mais au moins tout aussi intéressantes que celles profitant de moyens parfois vertigineux. Ce n’est pas notre habitude que de vendre le contenu de nos articles dès le paragraphe d’exposition, mais avec J’agonise fort bien merci on est dans le double coup de cœur, ressenti à la fois pour une auteure au talent très prometteur, mais aussi pour une maison d’édition qui soigne l’objet livre pour le plus grand plaisir de ses amoureux transits.

L’action de J’agonise fort bien merci prend place à Sainte-Marie-La-Grise, en pleine Bretagne des années 1950. Dans cette bourgade située en pleine côte d’émeraude, quelque part entre Saint-Malo et Dinard, le folklore semble omniprésent. Isabeau arrive en ville, et doit aider le notaire Evariste Fauconnier mis à mal par un dossier compliqué. Pas facile, en effet, de s’occuper des droits de succession de Catherine, une amie morte dans des conditions plus que suspectes. Bien vite, les doutes de la famille de la femme toute fraîchement décédée nourrissent la curiosité du duo, qui va alors se lancer dans une enquête dans les tréfonds d’une certaine caste bretonne…

Il faut bien écrire que la couverture de J’agonise fort bien merci (signée par l’excellent Émile Denis) est du genre à attirer l’œil, tout en ne mentant pas sur le contenu que renferme ce bel écrin. Il y a dans ce livre une ambiance mémorable, et surtout carrément inattendue, sorte de mélange très réussi entre le folklore typiquement breton, et les codes du polar à l’anglais. Imaginez que Sir Arthur Conan Doyle rencontre les fées des légendes de cette si belle péninsule. Sans comparer l’auteure Oren Miller à celui qui a inventé Sherlock Holmes, disons que certains aspects vont vous le rappeler dans quelques éléments, notamment le duo d’enquêteurs.

Car J’agonise fort bien merci recréé un schéma à la Holmes et Watson, ou encore Poirot et Hastings, mais ne se contente pas de suivre un chemin balisé. Le style d’Oren Miller fait que l’on retrouve une cellule d’enquêteurs, mais que son contenu nous prend à revers notamment grâce à une aisance de description des caractères assez impressionnante. Grâce à des dialogues ciselés, au rythme bien étudié, les deux personnages principaux de J’agonise fort bien merci se construisent une présence à grands coups de sarcasmes savoureux. Car si l’ambiance est au polar, avec une grosse touche de légendes bretonnes, l’humour qui se dégage de certaines répliques, voire de certaines situations, fait délicieusement mouche.

Entre folklore breton et polar à l’anglaise

J’agonise fort bien merci réussit à nous captiver non seulement grâce à ses personnages, mais bien entendu le récit n’est pas étranger à ce constat. On a l’impression de rentrer dans un monde fait d’apparences et de vérités parfois plus inquiétantes qu’il n’y paraît. Évidemment, aucun spoiler n’est à craindre dans cet article, disons simplement que Sainte-Marie-La-Grise n’est pas aussi belle que sa situation le lui permet. Ses habitants semblent tous tenus par un secret personnel, et bien vite le duo formé par Isabeau et Evariste va se frotter à une bourgeoisie taiseuse, aussi secrète que le folklore dans lequel baigne la région dans ces années 1950 d’ailleurs très bien rendues. Cette atmosphère est carrément un personnage à part entière dans J’agonise fort bien merci, et l’on se prend à apprécier autant la pure intrigue que l’ambiance dans laquelle elle se déroule.

Impossible de ne pas évoquer l’enquête de J’agonise fort bien merci, en prenant bien soin de ne rien vous dévoiler. Disons que la situation de l’histoire dans une Bretagne bercée d’une ambiance quasi, voire totalement fantastique, est l’occasion pour multiplier les pistes et les éléments étranges. La Dame Blanche, les lavandières de nuit, ces figures ont leur place dans ce livre, mais nous restons avant tout dans une structure de polar. Des phénomènes que l’on qualifiera d’inexpliqués viennent donner à l’enquête une saveur fantastique, mais disons que le lecteur reste avant tout accroché aux personnages bien réels, qui d’ailleurs forment une solide galerie de coupables éventuels. C’est là une grande réussite de J’agonise fort bien merci : on a beau chercher à accuser, à faire notre propre enquête… trouver le coupable sans se tromper avant que le récit ne s’en charge est une épreuve. Pour autant, précisons que l’auteure ne cherche pas à noyer le lecteur, ni à créer un mystère abusif : la solution est du domaine du possible.

J’agonise fort bien merci est une excellente surprise, un polar à l’ambiance aussi mystérieuse que parfois très drôle et palpitante. On n’a pas ressenti de vraie baisses de régime, un rythme qui doit beaucoup à une galerie de personnages hauts en couleur, qui offrent à l’auteure Oren Miller la possibilité de s’amuser à construire certes son humour, mais aussi à en joueur pour glisser quelques indices clés avec une belle intelligence. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir d’une découverte que l’on vous recommande vivement.

J’agonise fort bien merci, écrit par Oren Miller. Aux éditions L’Homme Sans Nom, 424 pages, 19.90 euros. Sortie le 14 avril 2016.

Article écrit par

Diplômée en Lettres Modernes, Natacha Fleurot rejoint la rédaction de Culturellement Vôtre fin 2015. Spécialisée dans les oeuvres jeunesse, young adult ainsi que la fantasy, elle réalise de nombreux articles dans les rubriques Livres et Cinéma. Passionnée de cuisine, elle teste aussi régulièrement des livres de cuisine et écrit dans la catégorie Food de la rubrique Lifestyle.

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