Un album hommage à l’un des chanteurs français les plus populaires de notre temps
Renaud est ce genre d’artiste populaire qui pourrait revenir sur le devant de la scène n’importe comment : il titillerait toujours autant l’intérêt du public. L’une des dernières voix typée « titi parisien » (avec MC Jean Gab’1, notamment), son histoire tout le monde la connaît tant et si bien qu’il serait assez rébarbatif de la rappeler dans ces lignes. Revenu du diable Vauvert en avril 2016 avec son album intimement intitulé « Renaud », celui-ci est aujourd’hui le sujet d’une bande dessinée en forme d’hommage non seulement à quelques unes de ses chansons, mais aussi à sa carrière.
Mine de rien, La bande à Renaud est un album fondamentalement historique, aussi bien pour les amateurs du chanteur que pour les éditions Delcourt. Pour ces dernières, cette ressortie augmentée a une saveur particulière, car la première version, qui remonte à 1986 (une deuxième fut mise en vente en 2002), était sans doute la bande dessinée qui a permis à la maison de s’installer durablement dans les hautes sphères de l’édition. Il faut le signaler ici, La bande à Renaud marque les 30 ans de la parution d’origine, et si elle est aussi un événement pour les fondus de Renaud c’est parce qu’elle est agrémentée d’inédits, inspirés par des œuvres plus récentes du chanteur.
La bande à Renaud s’ouvre sur une préface signée de l’auteur inoubliable de Laisse Béton, par le biais de laquelle il adoube une telle entreprise en ces mots : « On m’a demandé si ça m’brancherait que quelques dessinateurs, balèzes parmi les balèzes, illustrent mes chansons en quelques planches. ‘Videmment qu’j’ai dit ouais !« . Un engouement qui s’explique de par la passion du chanteur pour la bande dessinée, dont il possède une collection qu’il s’est « constitué au prix de recherches harassantes et de dépenses irréfléchies« . Dès lors, il n’est pas étonnant que La bande à Renaud réunisse autant de fins crayons, tous visiblement très au point concernant l’univers de l’artiste.
Une œuvre d’une diversité très à-propos, et d’une nostalgie émouvante
Souvenons-nous, avec une certaine émotion (votre humble serviteur avait un exemplaire de la sortie d’origine, depuis perdue dans l’un de ses nombreux déménagements), que La bande à Renaud version 1986 (et alors intitulé Les belles histoires d’Onc’ Renaud) comptait 9 adaptations de chansons. Une suite, parue en 1988, ainsi que la réédition de 2002, firent passer ce chiffre à 22. L’album que nous abordons aujourd’hui est donc l’occasion d’ajouter pas moins de 3 œuvres à ce total : J’ai embrassé un flic, Manhattan Kaboul et La nuit en taule. Toutes les trois sont d’ailleurs l’occasion de se frotter à autant de visions modernes de la BD : vous y trouverez un trait parfois chirurgicalement précis (allô allô, monsieur l’ordinateur…), parfois plus diffus, et tantôt très référentiel au point de faire naître une véritable nostalgie.
La nostalgie, un sentiment qui traverse irrémédiablement l’œuvre de Renaud. Nostalgie non pas d’un temps où tout allait mieux, loin de là. Nostalgie d’un temps qui permettait l’espoir, d’entrevoir des jours peut-être plus justes. La bande à Renaud rend très bien compte de cela, en nous livrant un album bourré d’histoires habitées par des personnages bien connus de tous (ah, l’autostoppeuse, Gérard Lambert, Pépette…), tous un peu paumés, un peu bidons sur les bords, mais aussi décrits avec assez de sympathie pour que l’on sente autour d’eux ce qui fait cruellement défaut de nos jours : l’espérance. Renaud a ce pouvoir là, de donner à ces âmes parfois un peu en détresse une parole chaude, et les auteurs de BD ici à l’œuvre n’avaient plus qu’à « pousser le bébé » pour que prennent vie des histoires qui vont du pathétique (Mimi l’ennui) au comique (Cent ans), en passant évidemment par le politiquement incorrect (L’Entarté, Les charognards).
Les auteurs de La bande à Renaud, aussi prestigieux soient-ils (Boucq, Cabanes, Tronchet, Edith, Rabaté, Uderzo pour l’image finale), avaient donc à dispositions des œuvres à l’univers assez colorés (bien rouge) pour laisser parler leur talent tout en suivant une route finement dessinée. Il est indéniable que certaines histoires s’en tirent un peu moins bien que d’autres (on pense surtout à Morgane de Toi, par le pourtant doué Vicomte qui reste trop ancré dans l’œuvre de Renaud), mais la globalité est d’une qualité telle que l’on ressent une belle continuité. La multitude de styles est, par ailleurs, très agréable et à-propos : gageons qu’autant de diversité au sein d’un même album est un beau signe de reconnaissance pour le chanteur et ses thèmes profonds. On ne peut donc que conseiller La bande à Renaud, un hommage vibrant à l’un des chanteurs français les plus populaires encore en activité, mais aussi un album qui, on en est sûr, vous marquera par la nostalgie qui se dégage d’une œuvre décidément hors du commun.
La bande à Renaud, aux éditions Delcourt. 104 pages, 18.95 euros. Sortie le 14 septembre 2016.