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[Critique] Buffy contre les vampires saison 8, T 1 : Un long retour au bercail

image couverture comics buffy contre les vampires saison 8 tome 1Buffy continue ses aventures en comics

Après la fin de la série télé en 2003, Joss Whedon a décidé de poursuivre l’histoire de Buffy et ses amis en format comics en 2007. Editée chez Dark Horse Comics depuis fin 2007 aux Etats-Unis, la saison 8 a débarqué en France en 2009 chez Panini Comics. Des volumes, regroupant cinq numéros chacun, sont ainsi publiés depuis un peu plus d’un an en France, à raison de 13,95€ l’un. Cinq tomes sont sortis jusque-là, soit vingt-cinq numéros, tandis que le numéro 36 (sur un total de 40) sortira aux Etats-Unis début septembre.

Beaucoup de lecture en somme donc, pour les aficionados de la géniale série de Joss Whedon, qui s’est arrêtée en pleine gloire après sept années de bons et loyaux services. C’est évidemment le créateur du show qui se trouve derrière cette initiative et qui a dirigé cette saison sur papier. Il a par ailleurs signé toutes les histoires de ce tome et c’est lui qui aura le privilège de clore cette huitième année des aventures du Scooby Gang en écrivant les cinq derniers numéros. Si certains lecteurs pourront s’étonner qu’un scénariste et producteur télé se lance dans l’écriture et la supervision de comics, il est bon de rappeler que Whedon n’est pas tout à fait nouveau dans le domaine puisque de 2004 à 2008, Marvel lui avait confié la série de comics Astonishing X-Men, lancée au milieu des années 90, et qui avait été interrompue en 1999. Un travail qui lui valut un excellent accueil des lecteurs, des critiques élogieuses et plusieurs récompenses.

Buffy en comics n’est pas tout à fait une nouveauté puisque auparavant, différents auteurs s’étaient déjà frottés à l’univers de la série culte afin d’imaginer des histoires se passant entre les saisons, voire entre les épisodes de certaines saisons. Cependant, ni Joss Whedon ni aucun scénariste de la série n’était mêlé à ces publications, qui n’avaient aucun impact sur la trame narrative des épisodes télé et s’apparentaient davantage aux nombreux romans Buffy publiés aux Etats-Unis et en France. Après le final grandiose et émouvant de la saison 7, continuer l’histoire de la Tueuse et ses amis, qui est avant tout un récit initiatique, était un pari risqué. Whedon était parfaitement parvenu à « boucler la boucle », en proposant aux spectateurs une fin cohérente, où Buffy a enfin tout son avenir devant elle, un avenir qui n’est plus entièrement déterminé par sa mission, puisqu’elle n’est plus seule. Cependant, cette fin était également ouverte, et il est difficile de résister à la tentation de voir ce que le créateur de Buffy a réservé aux personnages pour cette saison 8 qui, malgré quelques réserves – au niveau des dessins en eux-mêmes par exemple, certains personnages sont très reconnaissables, d’autres beaucoup moins en fonction des numéros –  se révèle à la hauteur des attentes.

Précisons en préambule qu’il est préférable d’avoir vu la série et son dénouement pour pouvoir bien comprendre l’intrigue de ces bandes dessinées, très référencées.

Après le combat ultime…

buffy-comics-tome1-illustrationEn 2003, nous avions donc quittés Buffy et sa bande émus après leur victoire sur The First, essence maléfique suprême protéiforme. Ce méchant ultime avait organisé tout au long de la saison la traque et l’assassinat de toutes les Tueuses Potentielles, c’est-à-dire les jeunes filles qui pourraient être amenées à prendre la relève si Buffy venait à mourir. Ignorant tout de leur condition et n’ayant pas les pouvoirs de la Tueuse (simplement des aptitudes plus élevées que la moyenne), elles étaient décimées tandis que le Conseil des Observateurs et des Sorcières tentaient de les sauver en les plaçant sous la protection de Buffy. Nous voyions ainsi celle-ci, Giles et Willow former les jeunes filles, de plus en plus nombreuses, au combat pour se préparer à l’affrontement apocalyptique final, The First rassemblant hommes et démons pour lever des armées à même d’ouvrir la Bouche de l’Enfer et ainsi provoquer la fin du monde.

Dans le dernier épisode, Buffy, munie de la faux mystique à l’origine du pouvoir de la Tueuse aux commencements, a l’idée visionnaire de partager son pouvoir avec toutes les Potentielles, présentes et à venir. Levant sa propre « armée » (encore assez réduite), elle réduit The First (et la charmante Sunnydale) à néant. La série s’achevait sur le Scooby Gang au bord du précipice qui était autrefois leur ville, encore sous le choc de leur victoire et commençant tout juste à envisager l’avenir. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant, Buffy? », demandait Alex tandis que la jeune femme, en gros plan, commençait à esquisser un sourire interrompu par le noir du générique. Fin de toute beauté pour une série initiatique sur le passage à l’âge adulte, où les héros devaient combattre leurs démons intérieurs avant d’affronter ceux des cimetières. Buffy, Alex, Willow et leurs amis n’avaient pas, en fin de compte, été engloutis par la Bouche de l’Enfer et Buffy, qui avait jusque-là porté tout le poids du monde sur ses épaules, n’était désormais plus la seule Tueuse en activité, elle avait de nouveau un avenir.

Sur les traces des X-Men

buffy-comics-commando1D’où une immanquable curiosité avant d’entamer la lecture de ce 1er tome de la saison 8 : que seraient devenus nos héros après ce renversement majeur ? La réponse apportée est des plus plausibles, bien qu’elle présente un changement important par rapport à la série télé, qui avait gardé une dimension intimiste tout au long de son existence. Il y a en effet quelques 2000 Tueuses, Buffy est leur chef mais toutes ne la connaissent pas : elles sont tellement nombreuses qu’elles sont réparties en plusieurs unités, dont l’une est dirigée par Giles et l’autre par Andrew, Buffy et Alex (qui sert ainsi d’Observateur) s’occupant de la meilleure équipe de ce qui constitue une véritable armée. On s’étonne un peu, au début, que la bande bénéficie de moyens high tech visiblement coûteux alors qu’ils étaient jusque-là un groupe de marginaux utilisant les moyens du bord, mais nous apprendrons dans le second tome qu’ils sont sous la protection d’un puissant mécène anonyme.

Par rapport à la saison 4 de la série, il y a donc ici un renversement des plus intéressants : dans cette saison, l’Initiative (projet gouvernemental de lutte contre les démons dirigé par l’armée) possédait les moyens technologiques les plus importants et le Scooby Gang ressemblait à côté à un petit groupe isolé dont la principale force était de connaître et de comprendre la magie, cet aspect archaïque et païen du pouvoir que l’armée méprisait. Ici, la bande fait appel aux Tueuses et à la magie, mais en bénéficiant en plus de moyens technologiques importants et d’une structure quasi militaire, ce qui engendre un combat encore plus tendu entre le Scooby Gang et l’armée américaine, qui voit dans cette alliance indépendante de jeunes femmes surpuissantes une menace anarchiste de premier ordre.

Joss Whedon accentue ainsi encore plus la marginalité de ses personnages et leur indépendance vis-à-vis du pouvoir établi (ce qui constituait déjà une des thématiques principales de la série), un parti pris particulièrement adapté pour un comics, qui place celui-ci dans l’esprit  des X-Men, référence avouée du papa de Buffy, qui s’était déjà inspiré du personnage de Jean Grey (Strange Girl) pour l’évolution de Willow dans la saison 6.

Une dimension plus mythique qui sied bien au format comics

buffy-longwayhome-dawn_giant1Néanmoins, le côté intimiste de la série est toujours présent, les personnages et leur évolution personnelle étant toujours au cœur de l’intrigue. L’aspect métaphorique est toujours là, mais certains s’étonneront peut-être de voir que le côté mythique, pour ne pas dire mythologique, a été renforcé de manière prononcée: Dawn est devenue géante suite à ses premiers ébats amoureux, Willow, surpuissante (encore plus qu’à l’issue de la saison 7), ferait presque figure de déesse… Mais en fin de compte, ce changement ne trahit aucunement l’esprit de la série : l’évolution personnelle des personnages est en effet cohérente par rapport à la fin de la saison 7 et on accepte ainsi assez facilement ce côté bigger than life qui sied particulièrement bien au format comics. La force de ces bandes dessinées étant de ne pas choisir entre la veine super-héros d’œuvres telles que X-Men ou Spiderman et une veine clairement fantasy (Sandman de Neil Gaiman), mais de les fusionner de façon particulièrement harmonieuse.

L’humour de la série est en outre toujours présent et c’est avec grand plaisir que nous retrouvons Joss Whedon (qui a écrit tout l’arc principal de la saison, dont la fin, avant de faire appel aux autres scénaristes) au scénario. Nous l’avons déjà dit au tout début de cet article, et cela mérite d’être répété : il est très fortement conseillé d’avoir suivi attentivement la série avant de commencer la lecture de ces comics. Outre les multiples références à ce qui s’est déroulé dans la série télé (dont on peut trouver un court résumé, saison par saison, en préambule de ce volume), de nombreux personnages secondaires font leur retour ici (et ce n’est qu’un début), de telle manière que si vous n’avez pas vu les épisodes dans lesquels ils apparaissent, l’intrigue vous semblera sans doute très difficile à comprendre. Deux solutions s’offrent donc à vous : soit regarder la série (dans son intégralité, soit 144 épisodes de 42 minutes), soit trouver un bon site de fan (il y en a plein) avec des fiches personnages complètes, ce qui vous épargnera d’avoir à lire les résumés de tous les épisodes.

La Chaîne: un 5ème volet magistral

buffy-comics-saison8-tome1Les quatre premières parties constituent l’histoire Un long retour au bercail, tandis que le 5ème volet, intitulé La Chaîne, fait figure de
loner. Magistralement mené, il suit le destin d’un des deux doubles de Buffy, de jeunes Tueuses choisies pour leur ressemblance avec l’Élue pour tromper les ennemis de la bande. Des filles qui doivent ainsi accepter de sacrifier leur identité au risque de mourir dans l’oubli: recrutées par Giles, Buffy est leur modèle mais elles ne l’ont jamais rencontrée. D’où une ambiguïté sur le fond qui donne toute sa force à ce volet : ces Tueuses ne sont guère différentes de tous ces soldats envoyés au combat  qui servent de chair à canon et dont le monde ne se souviendra
pas, n’ayant connaissance que de la « grande Histoire »  qui a mené à la victoire.

Tout aussi précieuse soit la vie de ces filles, celle de Buffy l’est davantage puisqu’elle est leur leader et c’est sans le moindre remords que Giles, l’ancien Observateur de la Tueuse, envoie ces filles à une mort quasi certaine à plus ou moins long terme. La couverture alternative de ce numéro est en ce sens particulièrement parlante : on y voit en effet la Tueuse anonyme que nous suivons tremblant de peur contre un mur où est collée une énorme affiche de Buffy, l’index pointé en direction du spectateur avec le slogan « I Want You to Be Strong » (« Je veux que tu sois forte ») inscrit en énormes lettres capitales, reprenant ainsi directement l’affiche de propagande destinée au recrutement de l’armée américaine de 1917.

La chaîne dont parle Giles pour convaincre la jeune femme n’est autre que le lien qui unit chaque Tueuse les unes aux autres, une mémoire collective dans laquelle elles peuvent puiser et qui fait qu’elles sont toutes interdépendantes… et donc qu’il n’y a pas d’élément négligeable. Ce qui est une vérité autant qu’un leurre. C’est d’ailleurs ce que répète Olivia (l’ancienne petite-amie de Giles vue dans la saison 4) à la jeune fille : « Il n’y a pas de vérité ».

Digne des meilleurs épisodes de la série télé, ce volet montre que l’œuvre de Whedon n’a rien perdu de sa force et de son esprit de transgression. Il laisse également entrevoir une évolution beaucoup plus sombre, moralement ambiguë pour Giles, qui se verra confirmée dans le second tome de la saison. La face ténébreuse de l’Observateur britannique avait déjà été développée dans la série (à partir de « La face cachée » dans la saison 2) où on avait découvert la jeunesse dangereusement rebelle et autodestructrice du gentil bibliothécaire au costume en tweed, cet aspect de sa personnalité brut, voire violent, refaisant surface au besoin. La fin de la saison 5 nous avait en outre prouvé qu’il était capable de commettre des actes irréparables avec un étonnant sang-froid au nom du bien général. Une audace rarement vue pour une série qui ne présente pas de manière évidente des antihéros (à l’exception des personnages, au départ secondaires, de Spike et Faith) comme c’est le cas de The Shield, Dexter, etc.

Un premier tome prometteur

Voilà donc un premier tome qui ouvre avec force cette saison 8 et laisse augurer de très bonnes choses pour la suite. Si on peut être de prime abord gêné par le graphisme des comics (forcément différent de celui de la série), on est vite conquis par l’intrigue (qui s’annonce complexe) et l’ampleur de l’ensemble. Le passage du petit écran à la bande dessinée est donc des plus réussis et on a hâte de lire la suite de ces nouvelles aventures du Scooby Gang qui ne souffre pas, par ailleurs, de restrictions de budget!

Buffy contre les vampires: Un long retour au bercail de Joss Whedon, dessins de Georges Jeanty, édité par Panini Comics, collection Fusion Comics. Illustrations à la peinture des couvertures de Jo Chen.

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Cette analyse fait partie du dossier consacré à la série Buffy the Vampire Slayer créée par Joss Whedon.

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Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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