Le nom de Rockefeller a une résonance connue pour une grande majorité de personnes : cette famille d’industriels américains a fait fortune à la fin du XIXème siècle jusqu’à devenir la plus grande fortune mondiale au début du XXème siècle. Mais comme toute famille richissime, on connaît souvent moins bien les prénoms que le nom ; qui aujourd’hui se souvient encore de Michael, jeune homme faisant partie de la 4ème génération ? Contrairement à ses pairs, ce n’est pas par ses talents de politicien ou de chef d’industrie qu’il s’est fait connaître mais parce qu’une bien triste aventure lui est arrivée, et c’est le sujet de ce Destin de Michael Rockefeller.
Une famille philanthrope et un héritier aventurier
Fils de Nelson Rockefeller, Michael a passé toute son enfance dans l’opulence mais également dans l’art, ou plutôt les arts. Il s’intéresse à différents courants dès son plus jeune âge mais trouvera véritablement sa vocation lorsque son père ouvrira le premier musée d’Art Primitif en 1954. La collection privée devenue publique familiarise une bonne partie de la population à ses pièces venues des quatre coins du globe, leurs offrant une noblesse dans toute l’Amérique du Nord. Après des études à Harvard, Michael est destiné à une carrière toute tracée, son père étant gouverneur de New York avec pour ambition de devenir président des États-Unis. Mais avant cela, le jeune homme décide de vivre une aventure peu commune en suivant une équipe de chercheur en Ethnologie pour observer la tribu des Dani en Nouvelle-Guinée. Impressionné par ce premier voyage, il décide d’y retourner mais cette fois pour récupérer des pièces d’armes Asmat afin de les exposer dans le musée créé par son père.
Malheureusement ce deuxième voyage lui sera fatal et après avoir disparu en 1961, il sera officiellement déclaré mort en 1964, sans que son corps ou ses effets personnels ne soient retrouvés. Fasciné par cette histoire et toutes les rumeurs alimentant la disparition de Michael Rockefeller (dont la plus connue est qu’il aurait été victime de cannibales), Carl Hoffman décide de partir à son tour en pays Asmat afin de se plonger dans cette culture que l’on peut qualifier d’originelle et d’essayer de comprendre ce qui a pu arriver en 1961. Il rencontrera un peuple changé, s’imprégnant peu à peu de l’Occident mais ayant toujours en mémoire la violence inhérente à sa société. Il remontera également le temps jusqu’au choc de la rencontre des deux civilisations qui pourrait bien être à l’origine de la disparation du jeune Michael.
Une histoire, deux récits
Carl Hoffman, la plume qui signe Le Destin Funeste de Michael Rockefeller, est un journaliste américain très connu des lecteurs de revue telles que le National Geographic ou Wired. Passionné de voyages, il est l’auteur de plusieurs essais sur les moyens de transport les plus dangereux à travers le monde. On comprend mieux comment il a pu s’intéresser à cette histoire au point d’aller au plus près des lieux de la disparition de Michael. Les deux hommes ont fait le même voyage mais à 40 ans d’intervalles, Hoffman a donc logiquement décidé de les mettre en parallèle dans ce roman dit de non-fiction, alternant l’histoire de Rockefeller et la sienne. On se rend d’ailleurs compte très vite que l’héritier est avant tout une raison pour se lancer dans une enquête dépaysante, et que les véritables découvertes pour les lecteurs se feront du point de vue culturel. En effet, on a beau savoir que le cannibalisme et la violence ont fait partie (et font encore partie) de certaines cultures et tribus, peu d’entre nous seront un jour confronté à un environnement de ce type. En allant à la rencontre du peuple Asmat des décennies après Rockefeller, Hoffman se confronte à l’évolution parcourue, mais aussi l’occidentalisation dans un endroit longtemps préservé de toutes incursions étrangères. Et c’est là que se situe le plus grand point fort de ce Destin Funeste de Michael Rockefeller.
Un auteur atypique
S’il a commencé à écrire des rubriques « voyages », cela n’était pas pour comparer les chambres d’hôtels ou les restaurants des grandes capitales. Carl Hoffman a toujours exprimé un goût pour le singulier, les endroits oubliés car trop dangereux (que ce soit par mystification ou la réalité). Naturellement ce destin funeste ne pouvait que l’attirer et naturellement il a retranscrit sa recherche avec talent. Si les 400 pages peuvent inquiéter les lecteurs occasionnels ou manquant de temps, l’écriture fluide d’Hoffman garantit une lecture à la fois agréable et accessible. A noter que les photos qui ornent la couverture de ce Destin Funeste de Michael Rockefeller et présentées au début de chaque chapitre sont à la fois captivantes et terrifiantes, tout comme le sont les Asmat. Un livre très riche, par sa documentation et les réflexions de l’auteur, particulièrement appréciable pour les curieux d’Ethnologie et qui aide à se faire sa propre idée sur le mystère de la disparition de Michael Rockefeller.
Le Destin Funeste de Michael Rockefeller, de Carl Hoffman. Aux éditions Globe, 400 pages, 22 euros. Sortie le 13 avril 2016.