Simple et captivant
Il est rare qu’un livre puisse attirer l’œil grâce à un nom tout fraîchement devenu auteur. Récemment, ce fut le cas avec Gillian Anderson, voire David Duchovny, mais cela reste quelque chose d’assez marginal. On lit « un Stephen King » certes, mais cet état de fait s’est instauré après des années de travaux acharnés. Bear Grylls n’en aura pas besoin avec Le Tombeau D’Acier. Voilà un nom qui parlera à certains d’entre vous, surtout si chez nos lecteurs se cachent quelques survivalistes, entre deux sessions sauvages en forêt. Cet homme de spectacle, connu mondialement pour son émission évidemment scénarisée Seul face à la nature (Man Versus Wild, en version originale), qui aura donné l’un des « meme » les plus drôles des Internets, a mine de rien pas mal de cordes à son arc (en bois, évidemment). Parmi l’une d’elle, une plume (récupérée sur un moineau) et un grand-père au vécu pour le moins passionnant : William Edward Harvey Grylls était un « chasseur de nazis », dont la mission était de localiser et récupérer les technologies avancées, les savants et autres hauts gradés du troisième Reich dans le but de combattre le nouvel ennemi soviétique. Il suffisait d’un imaginaire fort pour embraser cette histoire vraie, et donner un roman de type thriller de qualité.
Le Tombeau D’Acier se forme autour de plusieurs sous-intrigues. Une femme et son fils sont enlevés dans les montagnes galloises. Un avion déclaré perdu est finalement découvert dans la jungle amazonienne, avec sa mystérieuse cargaison toujours à bord. Plane au-dessus des âmes une conspiration terrifiante, survivance qui descend tout droit des heure les plus sombres de l’Allemagne nazie. Un homme se dresse pour essayer d’éviter le pire : Will Jaeger, le chasseur entouré d’un épais mystère.
Le Tombeau D’Acier est l’œuvre d’un homme qui a envie de se servir du vécu d’un être proche. Preuve en est cette introduction, en fait plusieurs extraits de journaux véridiques (comme cet article rappelant la découverte autrichienne, en 2014, d’un site secret abritant « des armes de terreur »), qui plongent tout de suite le lecteur dans une ambiance tendue. Il va falloir se le dire : l’histoire du Tombeau D’Acier est évidemment fantasmée, mais s’appuie sur du concret. Une impression qui se confirme très vite, grâce à un rythme tambour battant assez surprenant tant l’on s’attendait à une mise en place du genre marquée historiquement. La première séquence (on utilise ce mot typiquement « cinéma » à bon escient, on y reviendra plus loin) a même le mérite de nous proposer un contenu à ce point bien maîtrisé qu’il nous file encore des sueurs froides. Oui, on sait, la petite bête ne mangera pas la grosse, mais c’est plus fort que votre humble rédactrice : un insecte pas loin des oreilles et c’est le drame. Enfermé dans cette prison des plus ignobles, Black Beach sur la véritable île de Bioko, le héros souffre et déjà l’on perçoit le talent de Bear Grylls pour traduire la souffrance inexorablement liée à la survie.
Le Tombeau D’Acier a tout de même besoin d’une centaine de pages pour bien s’installer, mais le style facile de l’auteur fait en sorte que l’on tourne les pages à un bon rythme. Les personnages sont un peu stéréotypés, mais ça marche plutôt bien : on est dans un roman typique de ce mélange de thriller et d’espionnage, qui privilégie avant tout les sensations fortes. C’est une totale réussite dans le genre, tant Le Tombeau D’Acier distille des situations tellement rocambolesques que le lecteur se surprend à véritablement dévorer les pages d’un livre fait pour se faire apprécier par les esprits aventuriers. En effet, moult détails sont donnés sur la méthodologie de Will Jaeger, au risque parfois de ralentir un peu le tempo au profit d’un réalisme forcené. Que le lecteur soit prévenu : on sent bien la patte de Bear Grylls, les fans de l’homme auront donc de quoi être largement satisfait.
Le Tombeau D’Acier est donc un pur roman de genre, qui prend plaisir à provoquer celui du lecteur. Côté personnages, disons que l’on souffle le chaud et le froid. Autant le duo formé par Will Jaeger et Raff, un puissant guerrier maori, marche du tonnerre notamment grâce au premier, que l’on apprend à connaître petit à petit. C’est moins réussit pour Irina Narov, cette femme qui appartient aux forces spéciales russes et qui enchaîne pas mal d’idées reçues sur son pays d’origine. Malgré cette retenue, on ne peut pas nier qu’elle apporte au récit du Tombeau D’Acier une dose d’interrogation, tant on l’imagine capable d’une trahison.
Bien évidemment, l’exactitude historique est parfois un peu mise à mal, mais jamais la lecture du Tombeau D’Acier est atteinte par ces petites libertés. Bien au contraire même, tant on s’est régalé de l’utilisation de la figure nazie, typique des divertissements américains. Il est d’ailleurs indiscutable que Bear Grylls a en tête une narration très imagée. De là à imaginer que cette œuvre appelle à une adaptation au cinéma, il n’y a qu’un pas que nous franchissons sans peur. En attendant de savoir si l’on a vu juste (ou pas), on sera attentif à la suite du programme, qui se traduira par un tome 2 attendu pour octobre 2016. Le Tombeau D’Acier est avant tout un thriller fondamentalement de détente mais formellement tendu, une récréation simple et captivante.
Le Tombeau D’Acier, écrit par Bear Grylls. Aux éditions Hugo et Cie, collection Thriller, 534 pages, 19.95 euros. Sortie le 5 mai 2016.