Caractéristiques
- Auteur : Roald Dahl (texte), Quentin Blake (illustrations)
- Editeur : Gallimard Jeunesse
- Date de sortie en librairies : 16 juin 2016
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 256
- Prix : 13,50€
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- Note : 8/10 par 1 critique
Alors que nous fêterons le 13 septembre le centenaire de la naissance de Roald Dahl, l’adaptation de son roman Le Bon Gros Géant par Steven Spielberg sortira en salles ce mercredi 20 juillet. A cette occasion, Gallimard Jeunesse a réédité l6 de ses romans en format poche et proposera quelques publications supplémentaires autour de l’oeuvre du célèbre écrivain d’ici la rentrée. Le Bon Gros Géant, en plus du traditionnel livre de poche et d’un joli livre d’activités dont nous vous parlions récemment, a quant à lui droit à une belle édition brochée grand format avec l’affiche du film en couverture.
Une oeuvre pleine de fantaisie par un géant de la littérature jeunesse
Nous nous sommes donc replongés dans le livre de Roald Dahl, peu de temps après avoir vu le film, redécouvrant avec délice une écriture faussement simple, aussi inventive que malicieuse, au service d’un récit tendre qui ne tombe jamais dans le pot du sentimentalisme que le long-métrage de Spielberg n’évite pas toujours. Si l’on s’en tient aux grandes lignes, l’histoire et son déroulement sont assez semblables, à l’exception notable de la toute fin, mais la qualité de l’oeuvre de Roald Dahl, son jeu sur la langue, bien plus poussé ici, les illustrations de Quentin Blake, justifient pleinement de redécouvrir ce roman ou de le faire lire aux enfants, indépendamment du film.
Le Bon Gros Géant est une histoire d’amitié entre une petite fille et un gentil géant au vocabulaire étrange, mais on y retrouve également quelques éléments autobiographiques. Très grand (1,98m) et ayant toujours aimé inventer de nouveaux mots pour ses romans, Roald Dahl a de manière assez évidente quelque chose du bon gros géant. L’histoire de ce géant qui s’entortille avec les mots rappelle également une anecdote amusante survenue lors de la scolarité de l’auteur. L’un de ses professeurs d’anglais avait noté dans son bulletin de notes : « Je n’avais encore jamais rencontré quelqu’un qui utilise avec autant d’insistance dans ses écrits des mots qui sont à l’opposé de ce qu’il veut exprimer ». Autant dire que, rétrospectivement, une telle remarque est on ne peut plus drôle puisque les inventions drôles et poétiques de l’écrivain viennent toujours enrichir le récit.
Le monde à hauteur d’enfant
Roald Dahl propose à ses jeunes lecteurs une histoire en apparence simple, épurée, possédant toutes les qualités d’un conte, mais racontée avec une fantaisie caractéristique qui instaure un certain décalage. Le BGG, comme le surnomme affectueusement Sophie, la jeune héroïne, est un géant pacifique vivant au Pays des géants et s’aventurant la nuit dans notre monde afin de souffler (littéralement) de jolis rêves aux enfants endormis à l’aide de sa trompette. Lorsque la petite orpheline l’aperçoit une nuit, il l’emporte avec lui dans son pays merveilleux, de peur qu’elle ne révèle l’existence des géants aux hommes. Une amitié profonde naîtra entre la petite fille débrouillarde et le Bon Gros Géant, et les deux compères mettront tout en oeuvre pour vaincre les neuf géants mangeurs d’hommes qui tiennent lieu de voisins au BGG et projettent de se nourrir d’enfants.
Comme souvent dans l’univers de Roald Dahl, le monde est vu à travers les yeux d’un enfant et le rapport aux adultes est toujours central. Mis à part les quelques adultes humains du livre (la terrible directrice d’orphelinat au tout début, la Reine d’Angleterre, son personnel et les chefs des armées à la fin), ce rapport est aussi représenté par les géants. Le BGG symbolise l’adulte bon, compréhensif, à l’écoute, tandis que ses turbulents voisins, au comportement finalement bien infantile, représentent les dangers guettant l’enfant, qu’ils soient réels ou symboliques. Dédié à sa fille Olivia, décédée à l’âge de 7 ans en 1962 des suites de la maladie de Van Bogaert, le roman pourrait se voir comme une manière pour Dahl d’inventer une fin plus heureuse à travers une histoire où un gentil géant protège une petite fille de terribles créatures qui ne demandent qu’à la croquer. Les méchants géants, plus que des prédateurs sexuels, représenteraient alors la maladie menaçant les enfants.
Une bonne dose d’imagination et un soupçon de mauvais esprit
Quoi qu’il en soit, Le Bon Gros Géant comporte toutes les qualités qu’on est en droit d’attendre, à la fois d’un livre de Roald Dahl, dont l’oeuvre la plus connue, Charlie et la chocolaterie, a marqué des générations de jeunes lecteurs, et d’un roman jeunesse pour enfants à partir de 7-8 ans. L’auteur britannique propose une fois encore un récit positif, où le courage et la bonté sont récompensés, le tout saupoudré de beaucoup de fantaisie, d’imagination et d’une petite dose de mauvais esprit. Comme ces quelques lignes, aussi surprenantes que drôles, où l’on apprend que des personnes éméchées sont tombées dans un enclos où se trouvaient des géants, qui les ont dévorées. Une pancarte est alors fixée sur la grille avec la mention « Interdiction de nourrir les géants ». Ce côté un peu noir, qui reste léger et bon enfant d’un bout à l’autre, distingue clairement l’oeuvre de Roald Dahl des livres plus innocents de la littérature jeunesse, tout en restant pleinement adapté aux jeunes lecteurs.
Car l’auteur sait se mettre à auteur d’enfant comme très peu d’écrivains, ce qui donne lieu à des idées narratives à la fois naïves (dans le bon sens du terme), merveilleuses et malicieuses. Qui d’autre qu’une petite fille, en effet, pourrait vouloir se tourner vers la Reine d’Angleterre pour résoudre une situation extraordinaire ? Le personnage de la Reine est traité avec beaucoup d’humour, tout en conservant bonté et droiture. On imagine sans mal une petite Anglaise idéaliser ainsi cette figure royale et cette partie de l’intrigue est assez savoureuse. Quant aux militaires, que Roald Dahl connaît bien puisqu’il était lui-même pilote pendant la Seconde Guerre Mondiale, il s’en moque gentiment, et parvient là encore à retranscrire la vision que pourrait en avoir une jeune enfant.
Un récit qui va à l’essentiel
L’auteur conserve d’un bout à l’autre une vraie pureté du récit, taillant dans le vif de son histoire et sachant éviter tout ce qui pourrait apparaître comme superflu, chose que Spielberg a du mal à faire avec son adaptation, par exemple. Ainsi, l’enfant sachant déjà bien lire dévorera ce roman sans s’en rendre compte, tandis que l’adulte retrouvera avec plaisir le monde merveilleux de l’enfance tout en s’amusant des brillants jeux de mots et traits d’esprit facétieux de Roald Dahl, qui apportent une dimension supplémentaire à son oeuvre. Il faut également saluer les illustrations de Quentin Blake, drôles et naïves à la fois, qui contribuent à plonger le lecteur dans un univers rempli de fantaisie.
Considéré à juste titre comme l’un des chefs d’oeuvre de l’auteur de Charlie et la chocolaterie, Le Bon Gros Géant pourra constituer une bonne introduction à l’oeuvre de Roald Dahl pour les lecteurs à partir de 7 ans possédant déjà un bon niveau de lecture. Histoire d’amitié, de courage, où les rêves et l’imagination sont des moteurs pour changer le monde, il s’agit d’un récit positif, d’où émane une vraie tendresse. Roald Dahl insuffle également, comme à son habitude, une bonne dose d’humour et un chouïa de mauvais esprit, ce qui rend son oeuvre d’autant plus mémorable, y compris pour les adultes, qui trouveront ce roman très plaisant. Un classique à redécouvrir de toute urgence.