Caractéristiques
- Auteur : Jean-Luc Istin, Jesús Hervàs Millàn
- Editeur : Soleil
- Collection : Androides
- Date de sortie en librairies : 15 juin 2016
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 64
- Prix : 14,95e
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- Note : 7/10 par 1 critique
Une nouvelle série à suivre d’urgence chez Soleil
L’excellent éditeur Soleil lance une toute nouvelle série typée science-fiction, composée de quatre one-shot, et dont le sujet principal est notre rapport à la robotique, et plus précisément aux androïdes. Une thématique qui, si elle a déjà été explorée pas mal de fois au cinéma ou dans la littérature, a toujours le don de nous triturer les tripes de par le questionnement lié aux faux-semblant qu’elle provoque. La grande sommité dans ce domaine, c’est évidemment Isaac Asimov, génie littéraire à l’origine des trois lois de la robotique… que nous retrouvons exposées en début et en fin d’album. Ce début de série s’inscrit-il dans une fourchette qualitative rappelant son illustre référence ?
Androïdes T. 1 : Résurrection prend place en 2545, alors que l’humanité est frappée d’infertilité depuis 500 ans, mais est aussi devenue immortelle grâce à une avancée scientifique impressionnante : le « mélange », une simple pilule et gratuite de surcroît. Un monde sans maladies, sans vieillissement des corps, mais pas sans délit. C’est ainsi que Liv Anderson, une policière au caractère bien forgé, enquête sur le meurtre violent d’un directeur de musée dont le corps est retrouvé criblé de balles. Ce qui pouvait ressembler à un assassinat certes étrange va prendre une dimension bien plus inquiétante quand il mettra Liv sur la piste d’Anna Hopkins, une femme… enceinte.
Ce premier tome de la série Androïdes, sous-titré Résurrection, pose les premières pierres d’une réussite très étonnante. Écrivons-le clairement : les très bons récits de science-fiction en one shot de 64 pages, ça ne court pas les rues. Il faudra compter avec un nouveau participant tant cette bande dessinée nous a transporté, et ce pour plusieurs raisons. La première tient au scénario qui, si le lecteur comprend assez vite que le final nous réserve une surprise de taille sans pour autant avoir la moindre idée de laquelle, est un véritable bonheur pour les amateurs de SF. On n’a évidemment pas le temps ni la place de trop s’approfondir sur ce qui forme cette société du futur, mais on en sait bien assez pour le saisir totalement : l’immortalité emmène autant de plaisir que de déception. L’auteur Jean-Luc Istin fait preuve de clairvoyance en abordant certes rapidement mais efficacement les effets secondaires d’une telle avancée : ennui, cynisme, morosité ambiante.
Un univers qui brasse Isaac Asimov et Philip K. Dick
L’univers d’Androïdes T1 : Résurrection est l’occasion pour Jean-Luc Istin de construire un parallèle assez fascinant que nous ne pouvons pas trop vous dévoiler ici sous peine d’horribles spoils. Sachez simplement que nous avons été surpris, pas qu’un peu et du genre agréablement, ce qui n’est pas rien alors qu’aujourd’hui les lecteurs / spectateurs / joueurs ont tendance à penser qu’ils ont tout lu, vu, joué ou entendu. Si le propos est somme toute classique, après tout on s’inscrit complètement dans un récit « asimovien », c’est à la fois la forme et la maîtrise absolu des codes du genre qui nous ont conquis. L’auteur cite aussi bien Asimov que Philip K. Dick, et donne une matière assez riche en évocation visuelle pour mettre sur de bons rails l’illustrateur espagnol Jesús Hervàs Millàn.
Jesús Hervàs Millàn, voilà un nom avec lequel les amateurs de bande dessinée vont devoir composer. Si Androïdes T1 : Résurrection laisse une telle impression, l’illustrateur n’y est pas étranger, très loin de là. Outre que l’univers forme des personnages et des décors tout de suite très bien caractérisés, travaillant à cette ambiance désabusée qui règne sur la BD, ce sont les émotions qu’il arrive à excellemment rendre. Les mouvements sont à chaque fois crédibles, les mimiques toutes très vite analysée par le lecteur sans ne jamais en faire trop. Le rythme de Résurrection est aussi une belle réussite : pas une case n’est en trop, et le dessinateur profite de chacune comme autant de chances d’exploiter un univers qu’il veut cohérent, énigmatique et très évocateur. On est dans de la science-fiction de haute volée, et la voir se déployer avec une telle résonance sur un nombre limité de pages est une réussite à saluer.
Au final, Androïdes T1 : Résurrection rentre dans le club très privé des bandes dessinées « one shot » d’une qualité constante d’un bout à l’autre. L’ambiance qui y règne, pouvant un peu rappeler celle de Blade Runner et, en général, la tonalité si particulière de Philip K. Dick, nous fait par ailleurs penser que l’on aimerait en voir une suite, et ce malgré une fin clairement fermée. Voilà peut-être le seul défaut de Résurrection : c’est tellement bon qu’on en voudrait encore plus. On est donc en présence d’une ouverture de série « à thème » sur laquelle il va falloir compter.