Après le succès phénoménal de la saga 50 nuances de Grey, plusieurs auteurs ont souhaité s’attaquer à la littérature érotique, avec plus ou moins de talent et réussite. Alex Cartier est l’un des rares hommes à tenter ce défi. Le résultat est une trilogie intitulée Movie Star et publiée aux éditions Belfond, dans laquelle l’héroïne de 25 ans effectue son passage à l’âge adulte en même temps que la découverte de son plaisir. Alors, un homme qui écrit les pensées les plus intimes d’une femme, ça fonctionne ?
Une histoire digne d’un scénario de film
Ophélie est une jolie jeune femme de 25 ans passionnée de cinéma. Afin de satisfaire cet appétit, elle travaille chez Ciné Organisation, qui gère les acteurs pendant les différents grands festivals. Tout semble bien se passer dans sa vie : elle vit avec son chat qu’elle adore, sort avec un garçon incroyablement gentil, passe du bon temps avec sa meilleure amie Laure… Mais l’événement qui va bouleverser sa vie est encore ailleurs : à Deauville, où elle est envoyée pour s’occuper de Cate Blanchett. Elle va rencontrer Michael Brown, son idole de toujours, un des plus beaux hommes du monde selon les magazines (le plus beau selon Ophélie) et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette rencontre va l’embarquer dans une drôle d’aventure ! Poussée par sa (très) libérée amie Laure, elle va tout faire pour se rapprocher de Michael et ce, par tous les moyens.
Le premier tome se situe donc quasi exclusivement à Deauville (d’où le titre) mais, sans trop en révéler, le deuxième est à Venise et le dernier à Hollywood, trois endroits incontournables du cinéma. A Venise, Ophélie va être confrontée à un dilemme personnel : vivre une idylle, même si elle est destructrice ? Ou avoir le courage de dire non à ses rêves s’ils nous font du mal ? Sa dernière étape sera donc Hollywood, emblème du cinéma américain, dans lequel elle sera confrontée à de nouveaux défis aussi bien professionnels que personnels… Heureusement, elle pourra toujours compter sur Laure pour la soutenir, la conseiller et aussi, la dévergonder !
Un roman d’été
La trilogie Movie Star est sortie entre le 17 mars et le 3 juin. Chaque tome faisant plus de 500 pages, on peut se dire que les délais sont courts pour avoir le temps de les lire et pourtant, une écriture simple permet une lecture rapide, facile et parfaitement adaptée à ce que l’on attend d’un roman de plage. Car même si certains passages sont « torrides », Movie Star reste avant tout le journal intime d’une jeune femme qui essaie de suivre ses rêves et envies, de façon plus ou moins raisonnée, plus ou moins raisonnable. Ce style d’écriture permet non seulement d’avoir les dialogues et scènes extérieures, mais aussi d’être en point de vue unique : tout ce que l’on sait, tout ce que l’on voit, c’est par le biais d’Ophélie. Ce qui est à la fois appréciable, mais fait que, par moments, on ne peut que pester sur certaines conclusions et interprétations de la jeune femme. Lors d’une interview au site focus-littéraire, Alex Cartier reconnait qu’il souhaitait faire de son héroïne une femme imparfaite, qui ne prend pas toujours les bonnes décisions et ne reçoit pas l’empathie complète des lectrices. Autant dire qu’il a parfaitement réussi ! Sans être antipathique, Ophélie correspond à la jeune femme qui débute dans sa vie professionnelle, qui commence à avoir des relations stables avec les hommes et, comme beaucoup, elle tombe par moments pour mieux se relever et continuer son chemin. Elle nous agace, nous fait sourire, nous énerve mais au moins, elle nous fait ressentir plusieurs émotions différentes.
Un auteur masculin pour un livre féminin
Alex Cartier a travaillé pendant des années dans la télévision et le monde du cinéma, ce qui explique pourquoi ses romans regorgent d’anecdotes et références cinématographiques. Il a monté sa maison de production et l’idée d’écrire un livre érotique est arrivée par hasard. Après quelques temps passés avec cette idée dans la tête, il se lance un jour et, en 18 mois, la trilogie était écrite. Parler de l’intime d’une femme lorsque l’on est un homme n’est de prime abord pas évident. Globalement, l’auteur d’en sort bien avec tous ses personnages, sans distinction de sexe. Si certaines scènes ou réactions semblent irréelles, on ne peut pas dire que ce soit parce que c’est un homme qui a écrit, mais davantage pour des raisons générationnelles. L’expérience nous a montré que les Bridget Jones et consœurs attiraient beaucoup les femmes plus jeunes que les héroïnes concernées, ou bien ayant au contraire un âge très proche. Si cette tendance est suivie, alors les femmes de 25 ans et moins seront les plus friandes de cette trilogie.
Quelques questions délicates
Bien sûr, comme tout roman, il y a aussi des détails qui peuvent être dérangeants. Partant du principe que le public est plutôt jeune (attention il y a un âge minimum pour pouvoir le lire, mais pas de limite d’âge !), Alex Cartier a le souci de véhiculer une pensée féministe autour de la sexualité. S’il n’y a pas à douter de sa sincérité, il n’en reste pas moins que cette question est abordée de manière ambigüe. Au début du tome 1, Ophélie rentre chez elle après un anniversaire en famille, accompagnée de son petit ami. Ils commencent à s’embrasser et il veut aller plus loin, ce qu’elle ne veut pas et l’exprime clairement. Dans sa tête. Parce que dans les faits, elle va trouver un moyen de se « débarrasser » au plus vite de cette corvée, n’osant exprimer à voix haute son non-consentement pour cette relation sexuelle. Si Ophélie et bien plus encore Laure représentent une génération de femmes libérées des tabous de la sexualité, cette scène ne devrait pas se passer ainsi. Bien sûr c’est l’occasion de commencer à introduire des scènes sexuelles de façon assez douce en début de roman, néanmoins le fond reste le même.
Sur un tout autre sujet, dans le tome 2, les métiers d’Ophélie et Laure passent complément en annexe des autres histoires, qu’elles soient amoureuses ou sexuelles. Ainsi, ces deux personnages ambitieux et bourreaux de travail du premier tome sont complètement métamorphosés pour la partie Venise. Il faudra attendre Hollywood pour revoir surgir ce pan essentiel de la vie de tout un chacun.
Enfin, le dernier point concerne les références à deux grands succès de la littérature érotique que sont Histoire d’O de Pauline Réage et 50 nuances de Grey d’E.L. James. Incomparables, que ce soit pour leur forme ou les contextes de publication, c’est pourtant bien ce que l’auteur fait ici, ce qui pourra perturber la lecture. Il est dommage de voir que l’analyse de Laure sur ces deux livres reste superficielle alors que cela aurait pu donner un bon point de départ pour une réflexion plus globale. Cependant, il faut nuancer ces propos par le fait que cela n’aurait probablement pas été en adéquation avec le reste du livre, aussi fourni soit-il en matière de références culturelles.
Movie Star, qui attire incontestablement l’œil de par ses couvertures graphiques très stylisées, se révèle donc être dans l’ensemble une lecture agréable, divertissante et légère, malgré quelques points plus mitigés. Les trois tomes, épais mais se lisant rapidement, trouveront ainsi facilement une place dans le sac de plage.
Movie Star 1, 2 et 3 d’Alex Cartier, éditions Belfond, sortie le 17 mars 2016 (tome 1), 28 avril 2016 (tome 2) et 2 juin 2016 (tome 3), 528 pages chacun. 17€/tome.