L’introduction d’un univers uchronique supervisé par George R. R. Martin
Comme beaucoup de lecteurs, vous avez sûrement été attirés par le nom qui trône au-dessus du titre Wild Cards T1 : George R. R. Martin. Il faut de suite éclairer la situation : le présent roman est un recueil de nouvelles, l’auteur de Game Of Thrones tient un rôle de rassembleur, et s’il tient plusieurs fois la plume il la partage avec d’autres. Une fois ces précisions effectuées, on ne peut que se lécher les babines, car Wild Cards T1 est l’occasion de découvrir un univers chapeauté par Martin, bien loin des univers heroic-fantasy.
Wild Cards T1 nous propose d’effectuer un véritable saut dans le temps, vers le passé et plus précisément l’année 1946. La Seconde Guerre Mondiale vient de se terminer, et alors que le monde se reconstruit, les États-Unis sont témoins d’un événement sans précédent : une menace terroriste dont l’arme est un virus extraterrestre, lequel fut trouvé dans un vaisseau spatial échoué sur Terre. New-York est victime de cet attentat, et bientôt le virus est lâché en ville, tuant des citoyens dans d’atroces souffrances. Certains des survivants deviennent des « Wild Cards », des êtres modifiés aux pouvoirs parfois effrayants.
Wild Cards T1 est donc un univers qui prendra à revers les fans de George R. R. Martin, et il faut préciser ici que cette série ne date pas d’hier puisqu’elle fut publiée à partir des années 1980. Au programme, quatorze nouvelles, toutes reliées par un fil rouge. On le sait, le principal danger de ce genre de concept est le manque d’homogénéité de l’ensemble, mais le fait est que l’univers créé un véritable intérêt de prime abord. On aime cette ambiance pop, pulp même, on a parfois l’impression de lire un comics sous forme de roman, et le principe des survivants est intéressant. En effet, le virus extraterrestre tue énormément, mais créé aussi les Wild Cards, lesquels sont divisés en deux groupes : les As et les Jokers. Les premiers sont les super-héros de l’histoire, tandis que les seconds en sont le côté obscur, monstrueux même. Enfin, il y a aussi les Norms, soit ceux qui ont survécu au virus sans avoir hérité ni de pouvoirs, ni de malformations monstrueuses.
Un concept qui souffle le chaud et le froid
Si l’univers de Wild Cards T1 fait le spectacle, on regrette tout de même les baisses de régime dans certaines nouvelles, on pense notamment à la seconde, intitulée Le Dormeur et écrite par Roger Zelazny, qui déçoit de par une tonalité jamais très claire. Capitaine Cathode et l’As clandestin, elle, n’arrive jamais à faire s’envoler son récit sans relief. Mais la pire est sans aucun doute Au tréfonds, qui passe totalement à côté de son sujet en ne sachant pas quoi faire de ses antagonistes mafieux. Heureusement, le reste va du passable au bon, voire au très bon avec l’histoire pris en charge par George R. R. Martin lui-même : Partir à point. Le maître réussit à prendre toute la mesure de cet univers pas si léger fondamentalement. Autre excellent moment, Rites de dégradations est une histoire d’amour sensationnelle, qui laisse pantois. Coup de cœur aussi pour La fille fantôme à Manhattan, qui apporte une touche de féminité loin d’être désagréable.
Wild Cards T1 dessine un véritable potentiel, est sans doute un peu victime de son propre concept mais tout de même on en sort avec un sentiment plutôt positif. En effet, ce tome d’introduction, qui est clairement pensé pour présenter des personnages qui seront plus tard développés, pose des bases certes légères dans le ton, volontairement un peu « fofolles », mais plutôt séduisantes en terme d’uchronie. Il faudra que le deuxième tome propose peut-être un meilleur équilibre, plus d’histoires mémorables, et gratte plus cet univers potentiellement plein de surprises.
Wild Cards T1, écrit par un collectif d’auteurs. Aux éditions J’ai Lu, 763 pages, 9.90 euros. Sortie le 14 septembre 2016.