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[Critique] Dead Body Road – Justin Jordan et Matteo Scalera

image dead body roadUn récit de vengeance brutal et captivant

Il faudrait vivre au fond d’une grotte, et sans 4G, pour ne pas s’être aperçu que le comics est devenu, depuis pas mal d’années, un moyen efficace de faire vivre des histoires très cinématographiques. A tel point qu’on ne compte plus les licences qui ont fait le grand saut dans les salles obscures, ou celles qui vont le faire prochainement. Aujourd’hui, nous abordons Dead Body Road, qui est certainement l’un des exemples récents les plus frappants de ce langage, cette grammaire qui fait plus que de l’œil au septième art.

Dans Dead Body Road, tout commence par un casse qui se termine mal. Très mal. En effet, alors que l’un d’eux était en train de récupérer des données importantes, un massacre a eu lieu. Parmi les morts, une policière, criblée de balles. Démuni en constatant ce carnage, un bandit s’enfuit avec le butin, ce qui provoque évidemment la colère du groupe, qui part immédiatement à sa recherche. Pendant ce temps, un certain Orson Gage regarde des photos, les yeux plongés dans le vide. Sur les clichés, sa femme. Policière. Étendue sur le sol de la banque. Cet ancien flic va alors partir en chasse, afin de retrouver ceux qui ont ruiné sa vie. Se met alors en place une véritable course poursuite sur les routes du désert.

Dead Body Road est l’exemple typique d’un récit qui s’arrange pour offrir au lecteur une matière faite de rebondissements, d’une violence crue et d’un rythme captivant. On est là en plein dans une histoire de vengeance classique, Justin Jordan est clairement un adepte de ce genre cinématographique puisqu’il en a visiblement retenu les leçons, mais aussi les codes. Ainsi, le début va vite, l’auteur ne perd pas de temps dans la description fondamentale des personnages, car il sait qu’elle est de toutes manières reliée à la situation. Celle-ci est instaurée avec une grande aisance par l’auteur de The Strange Talent of Luther Strode, en deux images : celle du casse qui a mal tourné, avec ce personnage féminin massacré, à l’expression faciale terrifiante. Et celle d’Orson Gage, qui regarde la photo présentant le même visage féminin, tout aussi mort. On comprend tout en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, et Dead Body Road peut alors devenir le récit de vengeance que l’on attendait.

image delcourt dead body roadMatteo Scalera en pleine forme

Mais attention, car Dead Body Road n’est pas pour autant vide de tout personnage, ni de tout conflit secondaire, bien au contraire. Très vite, on fait connaissance avec toute une bande de dégénérés, une galerie de protagonistes riches de par leurs caractères bien travaillés. Il y a évidemment tout le groupe responsable du casse sanglant, mais abordons plus précisément Rachel, la femme du bandit qui s’est enfuit avec le butin, Jimmy. Ce dernier, trucidé par ses ex-coéquipiers, la laisse presque seule face à ses poursuivants, car elle représente le seul indice vers la fameuse cagnotte. Orson Gage la retrouve assez vite et la défend par intérêt, mais on apprécie que Rachel soit aussi une femme forte, et même aussi tarée que les autres sur bien des situations, même si un élément (pas de spoiler) la pousse à être un peu plus prudente que les autres. On pourra aussi citer, sans trop en dévoiler, celui qui semble être le grand chef des braqueurs : Lake, dont le sourire, malsain et à pleines dents, peut faire penser à une sorte de Joker réaliste. Voilà l’une des forces de ce Dead Body Road : on accompagne tout du long des personnages hauts en couleurs, qui provoquent une action de plus en plus folle, et ce jusqu’à un final pas dénué de sens.

Autre belle réussite de Dead Body Road, ses illustrations tout en fureur qui accompagnent idéalement le crescendo du récit, et sa propension à l’action. Matteo Scalera (qui a pas mal œuvré pour Deadpool) est le choix parfait pour transcender l’histoire de Justin Jordan, notamment par sa science du cadre justement très cinématographique. On aime aussi ce qu’il a pu faire des personnages, en leur donnant à tous un style unique qui ne peut que donner au lecteur une impression assez réaliste. Pourtant, le but n’est évidemment pas de coller de trop près à la réalité. Certaines séquences de pure violence, notamment l’effet de la rencontre entre un être humain gaillard et un pare-choc lancé à toute allure (coucou Robocop !), sont clairement traitées comme un bon gros défouloir, et l’effet est très communicatif.

Au final, Dead Body Road est l’une des plus belles preuves que le neuvième art n’a rien à envier, grammaticalement et visuellement, au cinéma. Voilà un récit autour du thème de la vengeance comme on n’en a plus vu depuis longtemps sur grand écran, et que l’on conseille fortement à celles et ceux à qui le genre manque terriblement…

Dead Body Road, un comics écrit par Justin Jordan, illustré par Matteo Scalera, mis en couleurs par Moreno Dinisio. Aux éditions Delcourt, collection Contrebande, 144 pages, 15.95€. Sortie le 2 novembre.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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