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[Critique] Walking Dead Prestige T1 – Kirkman, Moore, Adlard, Rathburn

Caractéristiques

  • Auteur : Robert Kirkman, Tony Moore, Charlie Adlard
  • Editeur : Delcourt
  • Collection : Contrebande
  • Date de sortie en librairies : 23 novembre 2016
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 304
  • Prix : 24,95€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 9/10

Si vous aviez loupé le comics le plus important de ce début de millénaire, vous n’avez plus d’excuse

Est-il encore besoin de présenter la licence Walking Dead ? Bon, pour les deux ou trois personnes qui habitent au fin fond d’une grotte du Gévaudan, sachez que vous tenez ici une chance que beaucoup envient : celle de découvrir LE comics le plus marquant de ce début de millénaire. Oui, carrément, et ce pour des raisons qui sautent aussi bien au yeux qu’à l’esprit dès que l’on ouvre un volume. Si la série télévisée, et les jeux vidéo à un degré moindre, ont évidemment fait beaucoup pour la popularisation de la licence, le débat passionné, et passionnant, de la comparaison qualitative penche, pour notre part, très largement en la faveur du comics. On profite de la sortie de cette édition Prestige, qui rassemblera deux tomes classiques en un seul (agrémenté de petites choses, comme on le verra plus tard), pour vous faire part de notre adoration pour le travail signé par Robert Kirkman (scénario), Charlie Adlard (dessin), Tony Moore (dessin) et Cliff Rathburn (niveau de gris).

Comme signifié plus haut, ce Walking Dead Prestige T1 rassemble les tomes 1 et 2 de la série comics classique. Dans le premier, titré « Passé Décomposé« , on fait connaissance avec celui qui deviendra le personnage principal de cet univers zombiesque : le policier Rick Grimes, qui officie à Cynthiana, en plein Kentucky. Alors qu’il participe à une intervention, il se prend une balle en pleine fusillade. Plongé dans le coma, Rick en émerge finalement et s’aperçoit, avec effarement, que l’hôpital est déserté. Le sentiment oppressant qui l’étreint se transforme en terreur quand il ouvre les portes qui donnent sur la cafétéria : des morts-vivants ont pris possession des lieux. Paniqué, et on le serait à bien moins, Rick pense de suite à rejoindre sa femme Lori et son fils Carl. Horreur : sa maison est abandonnée, et il reçoit un gros coup de pelle en plein crâne pour seul comité d’accueil. Après avoir récupéré, il fait connaissance avec les premiers survivants qu’il croisera dans ce récit, et bientôt il décide de partir vers Atlanta, où il est sûr de retrouver sa famille. Seulement, Rick va vite se rendre compte que The Walking Dead, et surtout la plume de Robert Kirkman, est du genre à surprendre tout le monde, et en quasiment toutes circonstances.

Dès ce premier tome présent dans Walking Dead Prestige T1, on est plongé dans un univers qui, certes, donne dans le post-apocalypse zombiesque, mais qui se joue des codes du genre afin d’accoucher d’un récit bien plus intimiste que ce que l’on pouvait s’imaginer. Robert Kirkman joue avec le lecteur, invoque des figures de style très connues par les fans du genre, comme le réveil d’un long coma (coucou 28 jours plus tard), pour mieux retourner les idées préconçues que l’on peut émettre. Bien entendu, The Walking Dead est bel et bien cette série de comics parfois hyper violente par ses représentations à la fois gores et divinement évocatrices (ce travail sur le noir et blanc confine au génie absolu), mais pas que. Jouons même cartes sur table : plus on lit le comics, moins on est en attente des sursauts de violence. Plus précisément : on les redoute. Pourquoi ? Car l’auteur a ce don, aujourd’hui terriblement rare, de rendre ses poussées de fureurs sciemment insupportables. Ici, la survie n’a absolument rien de fun. Sa recette est finalement plutôt simple, mais est innovante au sein d’un monde de l’écriture américaine qui, historiquement, met en avant la situation plutôt que les personnages. Ici, c’est le contraire, et chacun des protagonistes croisés devient vite une âme à part entière. A partir de là, Robert Kirkman n’a plus qu’à jouer avec le lecteur, faire naître le danger grâce à des problématiques qui, intelligemment, vont trifouiller le fin fond de notre être. Et paf ! On a là un récit qui ne demande qu’à exploser dans des situations dramatiques infernales.

La décadence humaine comme on ne l’avait que rarement lue dans un comics

Et c’est déjà le cas dans Walking Dead Prestige T1, qui démarre par lé réveil de Rick et sa découverte brutale de l’univers qui va tant le malmener, pour se finir par la découverte de la prison qui, les lecteurs « vierges » ne le savent pas encore, va voir bien des événements cauchemardesques se dérouler. Entre ces deux points, et sans trop vous spoiler, la quête des retrouvailles avec la famille va prendre fin, et Rick va rencontrer nombre de personnages dont l’importance et le destin vont se dévoiler plus ou moins vite. Glenn, par exemple (dont la série télévisée vient de spoiler le sort d’une manière plutôt fidèle), se découvrira alors que Rick constate qu’Atlanta est devenu une sorte de zombie land hyper peuplé. C’est dans un endroit plus reculé que le récit va continuer, et que les premiers vrais coups de semonce être tirés. On assiste à une attaque zombie terrible, pas spécialement de par sa violence (même si elle est au rendez-vous), mais plutôt de par ses conséquences. C’est aussi dans ce premier tome qu’aura lieu un acte fondateur, qui reviendra souvent dans les souvenirs de Rick et son fils. Ce passage, à la tension déjà d’un bon niveau, démontre pour la première fois, et par le biais du personnage Shane, l’une des règles de l’univers The Walking Dead : l’homme dérégulé est bien plus dangereux que le zombie.

C’est ensuite au tour du tome « Cette vie derrière nous« , qui termine ce Walking Dead Prestige T1. Les personnages qui ont survécu, autant à l’apocalypse zombie qu’au précédent tome, décident de quitter ce campement qui, désormais, renferme trop de mauvais souvenirs et s’avère finalement pas si sûr. Rick est plus que jamais au centre du récit, même si les autres personnages ne cessent de prendre de l’ampleur. On pense évidemment à Lori, dont la problématique de la liaison extra-conjugale va monter d’un cran quand elle va comprendre qu’elle est tombée enceinte. Robert Kirkman sait exactement où il va, et ce qu’il doit invoquer afin que le spectateur s’éprenne de ces protagonistes. Le doute de la paternité, il faut le cacher à Rick, car il est désormais le leader incontesté du groupe, et la survie dépend évidemment de sa bonne forme. On insiste sur ce point : The Walking Dead est un modèle dans l’art de maîtriser et multiplier les problématiques. L’apocalypse zombie a mis à nu les dysfonctionnements humains, et ceux-ci sont si nombreux que l’on sent bien que l’auteur a, en tête, une infinité de nœuds dramatiques. Il les prépare, lentement mais sûrement, comme on chérit une boule de bowling destinée au strike, et ce dernier vient à tous les coups. Le passage dans Wilshire Estates est une nouvelle étape dans l’épouvante, et y figure un schéma qui aura tendance à se renouveler, on le verra plus tard, dans des proportions encore plus glaçantes : la déception cruelle née d’un espoir fou. « Cette vie derrière nous » porte idéalement son titre, car à partir de ce tome il va falloir constamment pratiquer la remise en question…

Walking Dead Prestige T1 est l’occasion rêvée de foncer sur le comics qui aura su relancer la figure horrifique par excellence : le zombie. Lequel était malmené par des années de sur-exploitation décérébrée. Et afin d’accompagner cet événement, les éditions Delcourt ont invoqué quelques pages de bonus, une vingtaine pour être plus précis. Une postface signée Robert Kirkman, datant de 2006, annonce la couleur : The Walking Dead, qu’il considère comme son travail le plus abouti (et il a bien raison) sera une série-fleuve. Quelques croquis préparatoire commentés et une galerie d’illustrations par Tony Moore sont aussi au rendez-vous. C’est bien simple, si vous ne possédez par les albums dans votre collection, vous n’avez plus aucune excuse avec Walking Dead Prestige T1 !

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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