Caractéristiques
- Traducteur : Jean-Pierre Carasso, Julien Bétan
- Auteur : Karl Alexander
- Editeur : Mnémos
- Collection : Dédales
- Date de sortie en librairies : 24 février 2011
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 250
- Prix : 19€
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- Note : 7/10 par 1 critique
Un roman plein de subtilités
Si vous êtes du genre cinéphile averti, le titre C’était demain vous évoquera bien de bons souvenirs. Film sorti au cours de l’année 1979, cette œuvre de science fiction a connu un certain succès. Et mérité de plus, car le résultat était très bon, réalisé idéalement et interprété notamment par un Malcolm McDowell pas encore devenu spécialiste de la bisserie plus ou moins honteuse. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que le très bon scénario s’appuyait sur un livre, du même titre et signé Karl Alexander. Et, comme les éditions Mnémos (Radix) en ont sorti une jolie édition, il est grand temps de l’aborder.
Le grand tour de passe-passe de C’était demain, et plus précisément de Karl Alexander, c’est sans doute d’avoir opté pour des personnages qui épousent des traits bien connus. En effet, le roman nous plonge au plus près de H. G. Wells, le fameux auteur de L’homme invisible, qui va devoir faire face à l’une des plus grandes menaces qu’ait connu le Royaume Uni : Jack l’éventreur. Le concept, en lui-même, fait déjà saliver, mais le récit va beaucoup plus loin. Il utilise la machine à voyager dans le temps, que l’auteur aurait pris soin d’inventer. Et il donne au psychopathe l’occasion de faire des siennes en 1979, poursuivi par Wells.
C’est sur cette base que se construit C’était demain, et Karl Alexander va vite distiller une dose de fond à la fois savoureux et fichtrement intelligent. Car ce voyage vers le futur ne sera pas une partie de plaisir, et se révèle surprenant sur bien des points. Tout d’abord, on comprend vite que cette confrontation est aussi le moyen de construire une critique acerbe de notre époque. H. G. Wells était un progressiste, et un optimiste de surcroît. L’auteur prend un malin plaisir à le confronter à ce que l’évolution a pu instaurer de mauvais, que ce soit en terme de rapports humains ou matériels. Ou, plus précisément, il va s’apercevoir que les bienfaits qu’il imaginait, à juste raison, n’ont pas suffit pour construire un futur paisible. Bien entendu, le récit réserve des instants beaucoup plus positifs, comme une relation amoureuse entre le personnage principal et une banquière, qui d’ailleurs a tendance à un peu ralentir l’histoire sur quelques passages.
Une véritable course contre la montre
C’était demain est une habile utilisation du voyage dans le temps, et c’est aussi grâce à son antagoniste, l’horrible Leslie John Stephenson. Oui, dans ce livre on connaît de suite l’identité de Jack l’éventreur, car nous ne sommes pas dans un whodunit classique. Le tout n’est pas de savoir qui est l’assassin, mais comment va-t’il être stoppé ? Du coup, le livre gagne en rythme ce qu’il perd en mystère, ce qui se ressent surtout sur la fin, qui manque un peu d’impact. Par contre, tout le cheminement est passionnant, avec des meurtres et de la tension terrible. Le concept de confrontation d’un passé idéaliste avec un futur désenchanté profite au psychopathe car, bien évidemment, il est celui qui se fond le mieux dans cette société de 1979. Ainsi, l’auteur démontre intelligemment nos tares, nos faiblesses, et la déception que nous incarnerions si les grands esprits positivistes contemplaient l’époque moderne.
Au final, C’était demain est un roman fantastique très plaisant à parcourir, et dont le style plutôt fluide fait totalement oublier qu’il fut écrit en 1979. Si l’on excepte une toute fin un peu en-dessous, et une poignée de ralentissements de l’intrigue, on n’aura pas vu les pages défiler pendant cette lecture assez intense. Certes, on ne se trouve pas face à un roman de pure science fiction, mais on gagne en douce réflexion, et l’on en sort avec l’impression d’avoir assisté à une démonstration pertinente. Un roman à découvrir, puis un film à ne pas rater…