article coup de coeur

[Critique] Radix – A. A. Attanasio

Caractéristiques

  • Auteur : Alfred Angelo Attanasio
  • Editeur : Mnémos
  • Collection : Intégrales
  • Date de sortie en librairies : 2 mars 2017
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 475
  • Prix : 25€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 9/10

Une œuvre maîtresse de la SF enfin dans une édition à sa hauteur

Alors là, on s’attaque à un très gros morceau. Radix, d’A. A. Attanasio, cité par beaucoup de spécialistes  (il figure notamment dans La bibliothèque idéale de SF, sorti chez Albin Michel) comme un classique de la science-fiction, a enfin droit à une édition digne de ce nom en France. Et c’est grâce aux éditions Mnémos (Sénéchal, Le matin en avait décidé autrement) qui, décidément, figurent parmi les meilleurs amis des amateurs de littérature “de genre”. L’occasion rêvée de découvrir ce petit pavé de 475 pages, aussi imposant qu’alléchant.

Radix, c’est l’histoire de Summer Kagan, adolescent obèse vivant dans un futur assez lointain pour que la Terre soit devenue un endroit totalement dégénéré. En effet, en 1981 eut lieu un événement terrible : l’impact de rayons cosmiques sur la planète Terre, provoquant des mutations génétiques, mais aussi une redéfinition de l’environnement. Une catastrophe qui, cent ans plus tard, est doublée d’une autre : la Terre inverse sa rotation, ce qui sonne le début de la fin pour l’espèce humaine telle qu’on la connaît. C’est encore quelques années plus tard que le trou noir Kerr se déchaîne, créant la rencontre des Voors, extraterrestres composés d’une énergie pure, avec notre planète et les corps qui l’habitent encore. Il se partageront l’endroit avec les Distors, êtres humains génétiquement modifiés. Mais de vives tensions apparaissent, créant une nette et regrettable séparation. Summer Kagan est né bien plus tard, dans cet univers à la dérive. Et ce déliquescent a une occupation pour le moins violente : il est un tueur en série, signant ses méfaits du mot “Sucrerat”. Tout va basculer quand la police ne peut qu’avoir de forts soupçons, suite à une manipulation particulièrement cruelle…

Écrire une critique de Radix est certainement l’un des exercices les plus difficiles qui soit, tant la substantifique moelle s’attache à nous toucher au-delà du plus profond de notre âme. On fait face à un ouvrage de science fiction à très forte dose mystique, qui s’appuie sur une ambiance post-apocalyptique délétère et glauque… du moins au début. A. A. Attanasio prend bien soin d’installer son personnage principal, Summer Kagan, afin que ses traits, autant physiques que de caractères, servent de base au lecteur. En effet, on fait connaissance avec un véritable psychopathe, taciturne et cultivant sa propre laideur. Le paradoxe est que cet être repoussant est, aussi, une exception : il est génétiquement pur. C’est là ce qui nous fait penser que l’auteur profite de cet univers patiemment construit afin d’avancer une véritable critique de l’Homme. Pour ce faire, il doit donc démontrer son état profond, et si l’on peut penser sa description un peu exagérée, force est de constater que l’effet créé un véritable écho.

Un personnage principal mémorable, qui habite un récit d’envergure mais difficile d’accès

Un effet dont Radix s’accapare afin d’embrayer sur un récit mystique au possible. Summer Kagan est certes une incroyable pourriture, il n’en reste pas moins qu’A. A. Attanasio a un plan le concernant : démontrer qu’un changement profond est envisageable pour tous. Débute alors un parcours du combattant, récit initiatique autant pour le personnage que pour le lecteur. L’auteur, lui, multiplie les saillies philosophiques, parfois très new age, avec en ligne de mire tout le mystère qui se cache derrière la lumière. Certains passages sont, d’ailleurs, un peu trop poussés, un peu trop longs, même si le but suprême justifie ces quelques lourdeurs. Summer Kagan va effectivement changer, se métamorphoser physiquement, afin d’atteindre un autre stade, plus en accord avec son potentiel.

Radix n’est clairement pas un roman comme les autres. On y aborde aussi le concept d’intelligence artificielle, devenue folle car seule aux commandes. La quatrième de couverture invoque Dune, et il est vrai qu’on a le même sentiment de voir un univers prendre vie sous nos yeux, dans une complexité qui fait toute la différence avec d’autres œuvres qui ont tendance à sous-peser la mystique des choses qui nous entoure. Voilà un roman pour le moins dense, qui multiplie les données, et nous laisse un peu sur les rotules. On conseille de ne pas se lancer dans une lecture trop rapide, car la somme des thèmes, et leurs développements, pourront effrayer s’ils ne sont pas abordés à un rythme modéré.

Enfin, il est tout simplement impossible de ne pas souligner l’excellente qualité de l’édition, signée Mnémos. C’est bien simple, vous ne pourrez pas mieux découvrir Radix que sous cette forme. Avec sa couverture cartonnée très à-propos, son signet, les appendices (d’une très, très grande utilité), l’objet en lui-même atteint un stade classieux, assez grandiose pour bien faire de cette sortie un véritable événement. Aussi, la traduction, signée Jean-Pierre Carasso, rend enfin honneur au texte original. Celles et ceux qui ont découvert cette œuvre d’envergure dans de précédentes éditions pourront, donc, revenir vers le texte dans de bien meilleurs conditions. Un incontournable, certes difficile d’accès mais essentiel.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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