Caractéristiques
- Traducteur : Sophie Watine-Vievard
- Auteur : Dan Slott (dir. scénario) & Giuseppe Camuncoli (dir. dessin)
- Editeur : Panini Comics
- Collection : Marvel Now!
- Date de sortie en librairies : 23 août 2017
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 144
- Prix : 15€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 7/10 par 1 critique
L’avenir des comics (est un long passé)
Depuis quelques mois sur le marché des comics, plusieurs maisons d’édition nous proposent de nombreux reboots consacrés à la genèse de leurs (super) héros, comme par exemple la très bonne série des Rebirth chez DC Comics. Marvel Comics a quant à elle fait le choix depuis 2015 de narrer les aventures de ses protagonistes en résumant simplement le background de leurs personnages sur une unique page nommée « Intro » à chaque album. Déjà vu, mais efficace. Cette série des All-New met donc en avant des récits originaux consacrés à Deadpool, aux Avengers, X Men, etc… All-New Amazing Spider-Man, édité chez nous par Panini Comics, figure ainsi parmi les titres proposés en France pour cette rentrée 2017. Pour information, les 144 pages de cette édition cartonnée furent proposées dans un premier temps chez nous dans les numéros 1 à 3 de la revue All-New Spider-Man.
Une politique commerciale cohérente
Ce choix de prolonger les aventures de Spider-Man, plutôt que d’en ressasser son origine, est un parti pris qui nécessite une succincte observation de l’empire Marvel. All-New Amazing Spider-Man est effectivement un produit concret, qui surligne ce qu’est Marvel depuis 2009, année au cours de laquelle The Walt Disney Company acheta avec un petit chèque de 4 milliards de dollars la firme aux 5000 personnages. L’empire Marvel est, depuis cet achat, constitué de trois branches d’activités. Pour le cinéma et la télévision : Marvel Studios, Marvel Animation et Marvel Télévision. Pour les licences et produits dérivés : Marvel Toys. Le secteur de l’édition est, quant à lui, constitué de Marvel Comics et Marvel Unlimited. Ces trois secteurs, bien que distincts, travaillent ensemble afin de proposer des produits qui soient à la fois respectueux de l’histoire des personnages, cohérents concernant l’offre globale proposée par l’ensemble des secteurs, et, bien évidemment, lucratifs car, bien que souhaitant favoriser l’épanouissement de tous ses publics, Disney ne peut se transformer financièrement en un canard boiteux… A ce sujet, le documentaire Marvel Renaissance est assez éclairant sur l’histoire chaotique de Marvel.
Ainsi, afin d’optimiser le succès de chaque secteur, les responsables de chez Marvel ont établi une politique de renouvellement et de complémentarité, le recrutement de nouveaux scénaristes et dessinateurs sur chaque nouvelle saga surlignant ce souhait. Ainsi en 2014, le projet All-New Amazing Spider-Man fut validé par les exécutifs de chez Marvel Comics, pendant que le deuxième reboot Spider-Man vit sa production approuvée par les costards-cravates de chez Marvel Studios, sous les applaudissements de Marvel Toys. Lorsque les premiers nous proposent un Peter Parker adulte, les seconds s’orientent vers un Peter Parker lycéen. Certains d’entre vous penseront peut-être que cette stratégie mercantile est limite « gerbante ». D’autres, peut-être, trouveront cela judicieux puisque le constat est que ce ne sont généralement pas les mêmes publics qui consomment ces deux arts.
Le début de la fin
La première question que tout lecteur de comics se pose lorsqu’une nouvelle saga sort dans notre chère librairie de quartier est : faut-il avoir lu la série précédente (ici le crossover Secret Wars) pour comprendre la nouvelle ? La question est aussi posée par le public, d’ailleurs, qui vient de découvrir sur la toile et d’apprécier, au grand dam des fidèles de Sam Raimi, le film de Jon Watts, quelques années à peine après un second reboot. Car, chers amis, ne nous mentons pas : il est aisé de finir chèvre lorsqu’on se retrouve au cœur de la proposition abondante des titres édités par Marvel Comics.
La temporalité étant propre à chaque arc narratif, il est impossible d’être cohérent, même sur le court terme, sur l’entièreté de la vie d’un protagoniste. Qui plus est, la création de Marvel datant de 1939, les comics ont bien évidemment (et heureusement) évolué parallèlement à la société américaine. En termes de publication, le fait que chaque saga puisse être divisée au sein de revues personnalisées, de mensuels crossovers, de différents recueils etc., fait qu’il y a fréquemment cumul du même récit sous différents formats sur nos étagères.
The Artist(s)
Giuseppe Camuncoli et Dan Slott constituent le duo de créatifs chargés de coordonner ce All-New Amazing Spider-Man. Camuncoli, 41 ans, est un artiste italien qui maîtrise la totalité de la palette composant l’art du dessin. Ses travaux ont autant été publiés chez DC Comics (Batman, Red Hood, Suicide Squad …) que chez Marvel Comics (Star Wars, Captain America, Spider-Man…). Il travaille ici avec deux collaborateurs. Slott, quinquagénaire jovial, a également surfé sur les deux grosses vagues que sont DC et Marvel. Auteur désormais de près de 20% de la totalité des histoires concernant les comics Spider-Man, il travaille sur All-New avec un pool composé de deux autres auteurs. Nous pouvons supposer que Marvel a souhaité engager Slott tant pour sa maitrise de la mythologie Spider-Man que pour interpréter le rôle de gardien du temple…
Peter Parker ne perd jamais
L’album All-New Amazing Spider-Man pourrait s’apparenter à un flashforward (un bond en avant dans le temps, donc) comparé à la bulle narrative qui encercle majoritairement l’incident qui a fait de Peter Parker le super-héros Spider-Man. Les querelles juvéniles, la conquête de Mary Jane, le stress émanant de la dualité Parker/Spider sont bien loin désormais ! Suite à la réussite de ses études scientifiques, Peter a créé sa société d’innovations technologiques : Parker Industries. Le talent de l’équipe créative fait que la caractérisation de Peter Parker sur cette saga nous est présentée dès la première planche.
Tel Tony Stark, le patron de Parker Industries est la star, au sourire bright, de sa propre publicité afin de vendre son dernier produit, le webware. Cet outil facilite l’accès à Internet et la collecte des informations personnelles pour les citoyens du monde. Spider-Man en serait même l’un des utilisateurs ?! Effectivement, les deux dernières cases de ladite première planche montrent, côte à côte, Spider-Man et Peter Parker avec le webware attaché au poignet. Notre héros ne se cache plus de la plèbe désormais. Une petite explosion, interrompant la fin de la publicité, nous convie à entrer dans le récit.
Un plan simple
Lorsque les lecteurs ont un manuscrit de plus de cent pages entre les mains, il est peu probable qu’un unique objectif dramatique alimente la totalité du récit. All-New Amazing Spider-Man comporte donc différents objectifs thématiques tout aussi intéressants les uns que les autres à découvrir. L’histoire de ce premier volume raconte les difficultés qu’éprouve Peter Parker/Spider-Man à combattre l’organisation criminelle le Zodiaque, qui a lui a volé son propre webware. L’outil informatique regroupant des applications uniques et bien évidemment des données secrètes, notre héros devrait être en difficulté… Un sentiment de « déjà vu » ? C’est un fait que le vol d’un objet appartenant à un protagoniste a déjà été maintes et maintes fois exploité. Pour autant, les scènes racontant le vol, ainsi que ce qui le précède, sont captivantes de par leur richesse.
Docteur Peter et Mister Man
Si les métiers de scénaristes et dessinateurs sont distincts depuis de nombreuses décennies aux Etats-Unis, c’est afin de tirer le meilleur de chaque secteur professionnel plutôt que de les unir. Les œuvres en ressortent grandies. En ce sens, le premier acte d’All-New Amazing Spider-Man traite avec brio des différentes thématiques liées à Peter Parker/Spider-Man à l’âge adulte. Si Peter Parker se vante d’être un businessman rigoureux, Spider-Man assume son enfantillage. Lorsque Peter Parker fonde sa société avec réflexion, Spider-Man se joue des vilains avec spontanéité ; les exemples sont nombreux tout au long de l’album. Parker et Spidey se retrouvent parfois via le partage des outils créés par Parker Industries, ou dans des scènes à l’humour surprenant, pour ne pas dire lourdaud.
A titre d’exemple, à la fin d’une conférence de presse, la secrétaire de Peter Parker lui fait remarquer qu’il a communiqué avec la braguette ouverte, donnant à accès à son caleçon Spider-Man … Ce premier acte contient également des idées assez brillantes, surlignant les subterfuges de Parker afin de pouvoir mener sa double vie. Ajouté à cela un souhait de dynamiser le récit via des échanges percutants durant les scènes d’actions, ainsi qu’une sous-intrigue mettant en avant une espionne : c’est littéralement un début de lecture plaisant que nous fait vivre Dan Slott. Giuseppe Camuncoli n’est aucunement en reste avec ses découpages précis et la caractérisation des personnages secondaires — bad guys compris. L’esthétique de la scène du mariage à San Francisco est à ce titre à mettre en avant.
Pour Tous Publics
Notre plaisir de lecteur sera alimenté sur la totalité du récit, Dan Slott réussissant à maintenir un rythme soutenu en nous proposant différentes intrigues parallèlement au développement du conflit principal. L’ensemble est riche, peut-être un peu trop, si l’on considère l’ajout de personnages qui, au final, se contentent de servir la soupe. Néanmoins, la soupe est bonne. Quid de la qualité narrative ? Celle-ci surprend en se bonifiant via des sous-intrigues percutantes : la tentative de récupération du webware dans une base aquatique de Zodiaque, le sauvetage de Tante May à Madagascar… Elles surlignent efficacement le fait que le Zodiaque et Parker Industries partagent des passerelles. Le jeu de dupes est prêt. Nous lecteurs, au fil des pages, sommes amenés à développer des intuitions sur la suite, tant au niveau des personnages que des situations.
La multiplicité des genres présents dans l’album est aussi un apport pour le lecteur : science-fiction, action, comédie, espionnage… Des références culturelles feront inévitablement surface. Autre point positif : nous voyageons au cœur de la mythologie Spider-Man. Que vous découvriez l’univers de l’homme araignée ou que vous soyez un Marveliste aguerri, vous serez sans doute épatés par l’aisance dégagée par notre duo de créatifs à marier dans le récit tant le monde de Peter Parker/Spider-Man (les personnages clefs, la technologie Spider-Man, la bulle humoristique des pages 44/45…) que la planète Marvel (Nick Fury, le background de la Torche …). Les dessins de l’équipe de Giuseppe Camuncoli sur les scènes d’action accentuent la qualité de l’album.
Concernant les quelques points négatifs de l’album, on pourra citer le prétexte narratif peu original que constitue le vol du webware. Quand bien même, cela valorise malgré tout le visuel de l’équipe de Camuncoli… Nous pouvons aussi dire que le côté too much voire prétentieux de Dan Slott « parfume » le second acte. L’auteur nous gave ainsi d’une multitude de personnages rarement utiles au développement du récit. Davantage de moments « posés » auraient permis de mieux faire connaissance avec les personnages secondaires et leur environnement.
Bref…
Le dernier acte d’All-New Amazing Spider-Man, tome 1 possède, comme il se doit, son lot de révélations surprenantes. Le British Museum accueillera d’ailleurs un ultime combat qui synthétisera les thématiques développées dans l’album. Certains conflits seront résolus. D’autres, comme fréquemment chez Marvel, favorisent l’acceptation d’une fin ouverte chez le lecteur. Ce premier volume des nouvelles aventures de Spider-Man est donc un album de bonne qualité, incitant son lecteur à en connaître plus sur le passé, le présent et le futur du super-héros.