Un festival toujours aussi incontournable
Et voilà, L’Étrange Festival 2017 vient de fermer ses portes, après douze jours tellement fous qu’on se demande encore comment on a pu garder (à peu près) le rythme. Avant de rentrer dans le vif du sujet, appuyons sur un fait : plus les années passent, et plus ce rendez-vous cinéphile de la rentrée s’impose comme un incontournable. On a beau être partagé cette année, notamment concernant la pertinence de certains choix de programmation, et un enthousiasme un peu surréaliste pour certaines œuvres et auteurs (on y reviendra), on ne peut que regarder dans le rétroviseur et, comme toujours, s’apercevoir qu’on vient de vivre une aventure fascinante, au sein d’un Forum des Images traversé d’une passion communicative.
Chapeau, les bénévoles !
D’ailleurs, on se doit de suite de souligner la très bonne tenue de l’ensemble des bénévoles. C’est une habitude, l’organisation a été méritante, courtoise (à l’exception d’un cas bien connu, mais ne tirons pas sur l’ambulance) et responsable. Si c’est un bonheur que de quasiment vivre dans le Forum des Image pendant près de deux semaines, c’est aussi parce que tout est fait pour que le spectateur s’y sente bien. Seul véritable regret, on a trouvé que cela manquait de signalétiques, de signes qui rappellent que L’Étrange Festival 2017 se déroulait bel et bien. Par exemple, point de petite animation non loin des caisses, comme c’était de coutume depuis quelques temps. Dommage, et peut-être dû à des moyens de plus en plus limités.
Des petites pépites dont on reparlera certainement
L’Étrange Festival 2017 est entre de bonnes mains, et qu’en était-il de la programmation ? Nous avons pu assister à une petite quarantaine de séances, et nous pouvons affirmer que la qualité globale est un chouïa en baisse. Ne vous méprenez pas, on a bien entendu eu notre dose de petites pépites, parfois sorties de nulle part, mais moins que les précédentes années. De plus, beaucoup de nos coups de cœur ont été présenté ailleurs, ce qui en diminue l’impact. On pense à Mise à mort du cerf sacré, Mutakukaz, Avant que nous disparaissions, Thelma, Pris au piège, Lowlife. Mais ne soyons pas injustes, car d’autres ont créé la surprise, et de fort belle manière : le très troublant Mon Mon Mon Monsters, le vivifiant A Day et le déjanté Death Row Family. Même le Yoshihiro Nishimura, Kudoku : Meatball Machine, que l’on n’attendait pas spécialement, figure parmi les belles réjouissances, malgré le côté lourdingue de la réalisation. El Ataud de cristal a eu le mérite de nous éblouir de par sa mise en scène et la performance de son actrice. Et, comme à chaque édition, on aura eu nos petits coups de cœur, pour des films loin d’être parfaits mais bourrés d’audace : Housewife, The Marker, Bitch et I Am Not A Witch. Pas mal de bonne matière donc, assez pour justifier une présence assidue des spectateurs jusqu’au-boutistes.
Et des films qu’on oubliera bien vite
L’Étrange Festival, c’est le lieu de la curiosité cinéphile. Il faut gratter, persévérer, insister contre vents et marées, ne pas avoir peur de se prendre de sacrés râteaux. Et ce millésime 2017 a su mettre à l’épreuve notre patience. Quelques films ont provoqué un ennui poli : Attack Of The Adult Babies, Euthanizer, le pourtant méritant Doubleplusungood et Ugly Nasty People. D’autres ont carrément réussi à nous faire somnoler : l’interminable Ugly, l’incroyablement gonflant The Last Family, l’indigeste Firstborn, l’harassant Purgatoryo, le pénible 9 Doigts. On a aussi eu droit à du carrément gerbant, et pour deux raisons différentes. Kuso a tenu son rang de « film le plus écœurant jamais réalisé (selon The Verge). C’était le but recherché par son réalisateur Flying Lotus, et de ce point de vue c’est très réussit. Ce n’est pas notre rédacteur, livide après la séance, qui vous assurera du contraire. Et Death Row Family qui, à cause d’un propos carrément crétin (le jeu vidéo créé des psychopathes), a faillit nous pousser hors de la salle de projection. D’autres efforts n’ont, malheureusement, pas atteints le niveau de qualité espéré. Comment ne pas en vouloir à The Villainess, qu’on attendait comme le coup de poing de cette édition 2017, et qui ne fut qu’une coquille vide, une esbroufe sans âme ? Le film d’Ouverture, Mayhem, mérite aussi d’être qualifié de déception, lui qui n’arrive jamais à atteindre le niveau jubilatoire de sa promesse initiale. Replace déçoit par son impact loin d’être assez viscéral pour satisfaire, et un dernier acte narrativement raté. Cold Hell, même s’il réserve assez de bonnes choses pour tout de même tirer son épingle du jeu, manque un peu de personnalité pour réellement s’avérer mémorable.
Un palmarès discutable, et un enthousiasme surjoué
Au rayons des déceptions de cet Étrange Festival 2017, figurent aussi quelques œuvres pourtant (plus ou moins) acclamées. Allons droit au sujet qui fâche : les deux vainqueurs des Prix. La lune de Jupiter (Grand Prix Nouveau Genre 2017) ne valait que pour ses scènes de vols oniriques, entre les deux ne se trouvaient que longueurs et paraboles peu fines. Et Les bonnes manières (Prix du Public) est une énigme, tant on n’est jamais rentré dans le film : ambiance paranoïaque ratée, scènes de chant embarrassantes, transformations dignes de Twilight. Un troisième effort a agacé, non pas pour ses défauts mais pour l’incroyable traitement qui lui fut accordé : Les garçons sauvages. Quand on fait se lever le public pour une standing ovation, avant qu’il ait vu le résultat, c’est déjà suspect. Quand on qualifie Bertrand Mandico de maître, ça devient agaçant. On conçoit que ce festival soit l’occasion de mettre en avant des artistes qui, sans l’Étrange, n’auraient droit à aucun temps de présence dans les médias. Sauf que là, on aborde un film poseur jusqu’à la répulsion, et forcé dans son traitement. Lisez notre critique, pour aussi comprendre à quel point la vision de la femme, signée par ce monsieur, est contradictoire et fondamentalement artificielle.
Des choix un peu étranges
On aura aussi vu des documentaires : le formellement académique mais captivant The Family, et l’exaltant Herederos de la Bestia. Enfin, signalons une nouvelle catégorie, qui fut remarquée par les festivaliers, qui en parlaient beaucoup : les films-qui-n’avaient-rien-à-faire-là-mais-qu’on-est-quand-même-content-de-les-avoir-découverts. Ils étaient deux : le très sombre Sweet Virginia, et l’incisif Une prière avant l’aube. Enfin, une œuvre japonaise a créé un véritable schisme au sein de la rédaction, c’est Tokyo Vampire Hotel, le Sono Sion de cet Étrange Festival 2017. Si vous avez lu notre article, vous savez que le positif peut se mettre en avant. Seulement, un autre son cloche se faire entendre, et il fera l’objet d’un futur édito, consacré au réalisateur qui, il est vrai, n’arrive plus à se renouveler et semble fonctionner sur sa seule fanbase, encore très présente cette année.
Ce n’est qu’un au revoir
Au final, et même si un sentiment de « moins bien » peut se faire ressentir, on quitte L’Étrange Festival 2017 avec la même nostalgie qu’à chaque année. Oui, il va falloir attendre un an avant de retrouver ce petit piquant, ce vent de curiosité qui nous envahit quand, fébrile, on compulse le programme pour noircir les pages de nos agendas surchargés. Il va falloir patienter avant de savourer ces retrouvailles avec les habitués, fidèles au rendez-vous, et qui redeviennent nos compagnons de route pour un peu moins de deux semaines. Les comparaisons (« combien t’en as vu ? », « combien tu lui as mis ? »), les discussions passionnées dans les files d’attente, les grands noms qui se baladent tranquillement dans le Forum des Images, tout ça nous manque déjà. Ce lieu retrouver un peu de quiétude, et nous vous conseillons de jeter un coup d’œil à la programmation des prochaines semaines (si vous aimez les films d’action, du lourd est prévu). Mais, même avec cette ambiance retrouvée, les murs résonneront, pendant encore un an, du bouillonnement jouissif que l’on vient de vivre. À l’année prochaine, donc.