Caractéristiques
- Auteur : Bertrand Santini (scénario), Lionel Richerand (dessin) & Hubert (couleur)
- Editeur : Éditions Soleil
- Collection : Métamorphose
- Date de sortie en librairies : 18 octobre 2017
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 72
- Prix : 16,95€
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- Note : 8/10 par 1 critique
Rêve, réalité, délire et rêveries fantastiques se côtoient dans ce premier acte de L’esprit de Lewis scénarisé par Bertrand Santini, où le trait de Lionel Richerand donne vie de manière délicieusement macabre à la psyché mélancolique et torturée de cet aspirant écrivain esseulé dans l’Angleterre du XIXe siècle. Il n’est guère question ici de Lewis Carroll, ni même de C.S. Lewis, malgré ce que le titre ou même la couverture auraient pu suggérer – et ce même si, dans l’esprit, ce bel album de la collection Métamorphose (Satanie, Les fées de Cottingley…) est loin d’être dépourvu de l’inquiétante étrangeté qui était le propre de l’auteur jeunesse et mathématicien.
Un vibrant hommage à la littérature gothique
L’esprit de Lewis est un hommage assumé à l’époque victorienne et à la littérature gothique, où les maisons familiales emplies de souvenirs deviennent des mondes à part entière, où les jeunes auteurs en herbe s’isolent, convoquant le souvenir d’Emily Brontë. Un peu de l’esprit de la romancière plane en effet au-dessus de cet univers, notamment dans la dimension quasi-incestueuse du lien affectif unissant le héros à sa mère décédée. Mais, plutôt que de proposer une déclinaison des Hauts de Hurlevent, Santini et Richerand tissent ici une fable macabre à la Edgar Allan Poe, avec un zeste d’Oscar Wilde : la douleur de la perte de l’être aimé se mêle aux obsessions et rêves de grandeur. Un peu de Dorian Gray fait surface chez Lewis au fur et à mesure, et le lien que le jeune homme tisse avec le fantôme d’une illustre inconnue en prenant ses quartiers dans la demeure d’été familiale, sur une île isolée, a quelque chose de drôle et poignant à la fois.
L’esprit de Lewis prend en tout cas de l’ampleur au fur et à mesure, dans l’intrigue comme sur la page. Une fois Lewis installé dans cette étrange et immense bâtisse remplie d’animaux empaillés, son esprit et/ou la magie opère, se déverse et l’emporte dans un tourbillon que Lionel Richerand traduit admirablement à l’image, au sein d’une mise en page empruntant une forme plus libre. De cases relativement serrées au début, on passe graduellement à des cases de plus en plus grandes, voire à des dessins en pleine page, tandis que les couleurs se font aussi par endroits plus chaudes.
Le dessin aux accents dramatiques de Richerand sait se faire plus fantaisiste (au bon sens du terme) tout en restant fourni en détails et lisible. Quant à Hubert (Les Ogres-Dieux), ses couleurs achèvent de donner vie à cet univers et de lui conférer un vrai charme surréaliste, avec ses tons bleu-vert de toute beauté. Alors que le premier acte se termine sur un cliffhanger bien amené, nous ne pouvons qu’attendre avec impatience le deuxième et dernier acte de ce diptyque, qui verra le succès et/ou la chute de Lewis et son esprit torturé.