Caractéristiques
- Titre : Le monde avant #MeToo
- Auteur : Agnès Grossmann
- Editeur : Hors Collection
- Date de sortie en librairies : 25 octobre 2018
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 176
- Prix : 21,90€
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- Note : 1.5/10 par 1 critique
Y-a-t-il un avant et après #MeToo ?
Auteure d’ouvrages consacrés aux femmes, leur parcours et leur image dans l’imaginaire collectif (Les Salopes de l’histoire, Les Blondes dans l’histoire), Agnès Grossmann était tout indiquée pour mettre en perspective l’image de la femme véhiculée à travers la pop culture lors des décennies précédent le mouvement #metoo, qu’il s’agisse d’affiches et spots publicitaires, de films ou séries.
De prime abord, le titre de ce petit livre qui se veut ludique et impertinent, Le monde avant #MeToo à travers 100 images pop culture décryptées, pourrait sembler quelque peu clivant si l’on considère que la lutte pour l’égalité hommes-femmes a commencé avant octobre 2017, date à laquelle l’article de Ronan Farrow pour le New Yorker au sujet des faits d’agressions et harcèlement sexuel du producteur Harvey Weinstein à l’encontre de plusieurs dizaines de femmes a été publié, encourageant Alyssa Milano à ressusciter le hashtag #MeToo et des milliers de femmes à témoigner de leur vécu sur les réseaux sociaux.
Et malheureusement, en choisissant de surfer sur le mouvement et les accusations contre Weinstein dès l’introduction de son livre, Agnès Grossmann, malgré toutes ses intentions on ne peut plus louables, tend directement à simplifier le décryptage des images de la culture populaire en l’envisageant uniquement sous le prisme des violences faites aux femmes de nos jours ou violences patriarcales. De fait, même lorsqu’elle abordera des œuvres (cinématographiques, notamment) d’autres époques, elle ne replacera jamais (ou si peu) les images au sein de leur contexte (de production, narratif, symbolique…), pour se contenter d’une lecture de gender studies somme toute très superficielle. Notamment en ce qui concerne les contes (Le Petit Chaperon Rouge ou encore Blanche-Neige), elle ne retient que la dimension d’avertissement des contes (mais en la lisant dans un contexte contemporain), tout en écartant leur complexité symbolique et toute lecture freudienne ou jungienne – ce dernier permettant une lecture plus libre et même féministe de ces récits – qui sont pourtant monnaie courante dans les études littéraires universitaires.
Un décryptage des images de la pop culture malheureusement biaisé et superficiel
De plus, en commentant longuement le mouvement #metoo et les accusations contre Weinstein, Agnès Grossmann joue sur la corde de l’émotion et se sert malencontreusement (et sans doute involontairement) de cela pour tenter de nous convaincre de la nuisance de certaines représentations passées sans avoir à élaborer un discours véritablement développé et argumenté puisque le texte de chaque chapitre est à chaque fois très court. Le monde avant #metoo est avant tout un livre d’images qui se télescopent. Et, si celles-ci sont souvent bien choisies, l’analyse fait défaut et tombe trop souvent dans la caricature (les Angélique, où Michèle Mercier incarne une femme certes ouvertement sexualisée et souvent dénudée et menacée, mais forte ; les films avec John Wayne ; les James Bond Girls, dont Frédéric Albert Lévy et Aliocha Wald Lasowski ont bien mieux parlé dans leurs essais respectifs sur 007, pour ne citer que ces deux exemples).
Cela est véritablement dommage car, d’une part, ces images valaient mieux que la non-analyse qui en est faite et qui incarne, à certains moments, les dérives d’un certain féminisme anglo-saxon qui tente d’analyser des œuvres de fiction comme s’il s’agissait d’études de terrain sociales (ce qui tient de l’absurdité, la fiction auscultant et explorant l’inconscient d’une époque) et d’autre part car, à travers son essai historique Les blondes de l’histoire, Agnès Grossmann nous avait pourtant prouvé qu’elle était capable de traiter de figures féminines de manière ô combien riche et pertinente.
Enfin, il est dommage que le mouvement #metoo, salvateur et important pour la reconnaissance de la parole des femmes malgré l’avalanche de voyeurisme et d’opportunisme médiatique se contrefichant des victimes qui s’en est suivie, soit employé de cette manière là, pour défendre une vision de l’art plus que discutable, où la complexité des œuvres est réduite à peau de chagrin.
Reste certains commentaires qui auraient mérité d’être creusés pour faire mouche, notamment des exemples pertinents de pubs machistes (notamment années 50-60), sur lesquelles on aurait aimé en apprendre plus. Une opportunité manquée… ou quand le buzz dicte la direction éditoriale d’un livre qui aurait pu être autrement plus intéressant.