article coup de coeur

[Critique] Sinestra – Armelle Carbonel

Caractéristiques

  • Auteur : Armelle Carbonel
  • Editeur : Ring
  • Date de sortie en librairies : 8 novembre 2018
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 390
  • Prix : 19,95€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

Un roman qui ne laissera personne indifférent

Quelques mois après la découverte de son étrangement boudé Majestic Murder, c’est avec autant de plaisir que de crainte que l’on accueille Sinestra, le nouveau roman signé Armelle Carbonel. Du plaisir, puisque l’auteure fait partie de nos espoirs littéraire depuis le bien sympathique Criminal Loft, tant le mélange de style raffiné et d’intrigue bien noire nous a de suite marqué. De la crainte, car il est désormais temps, pour celle qui est surnommée La Nécromancière par ses fans, de confirmer une bonne fois pour toutes les très bons signes que l’on décèle dans ses écrits. Bonne nouvelle, et on vous le dévoile sans plus tarder : cette retenue se conjugue au passé.

Même si nous n’avons pas lu La Maison de l’ombre et Les marais funèbres, les deux premiers romans signés Armelle Carbonel, on peut dégager de ses livres une constante : le besoin de circonscrire ses trames, non pas pour étriquer sa vision du monde mais dans le but, au contraire, de la sublimer. On parle de huis-clos, certes, mais cet exercice de style provoque une suffocation chez le lecteur, qui lui permet de se créer une sorte de hors-champ salvateur. C’est un effet intéressant à souligner, car Sinestra va, justement, s’amuser à pousser le vice beaucoup plus loin que dans les précédents romans de l’auteure.

Replaçons le contexte de Sinestra. Terminé l’outre Atlantique, Armelle Carbonel débarque sur le Vieux Continent. En Suisse, plus exactement. Et en 1942, pour être tout à fait précis. Une époque de suite évocatrice, qui instaure une ambiance lancinante, et ce dès les premières lignes. Après une introduction qui installe une certaine urgence autour d’Ana, jeune personnage principal, et de sa mère, on pénètre dans des lieux paradoxaux. Le Val Sinestra, établissement au passé mystérieux, situé en plein milieu de la vallée des Grisons, impose une stature rassurante, du moins dans les désirs projetés par les personnages. Refuge tant désiré pour celles et ceux qui fuient les atrocités de la guerre, la bâtisse dégage une aura lugubre. Des mères de famille, des orphelins, des hommes en fin de vie, tous vont vite se rendre compte que le Mal ne connaît aucune limite. Ni aucune frontière.

Le dernier quart vous laissera pantois

Si l’on voulait caractériser Sinestra, on le qualifierait de thriller sombre. On abandonne, donc, la lisière avec le fantastique, même si l’atmosphère peut parfois s’en rapprocher. L’auteure se concentre sur ce qui est, à notre humble avis, son plus grand atout : l’étrange association d’un style hyper léché, et de situations pour le moins très inquiétantes. Dès l’accueil du Signur Guillon, on ressent comme un doute inconcevable. Et si cet édifice proposait autre chose qu’un asile salvateur ? Cette pensée tournera à l’idée entêtante, au fil des chapitres. Ceux-ci, dans leur entièreté, épousent un point de vue, signalé par un titre se rapportant au personnage abordé. Ce qui pourrait s’avérer un simple artifice se révèlera un outil parfaitement maitrisé : il permet à la fois de satisfaire notre curiosité pour les personnages, mais aussi de corréler des éléments de plus en plus troublants.

Que les craintifs du spoiler se rassurent : nous n’irons pas beaucoup plus loin dans l’intrigue. S’il ne joue pas continuellement sur l’effet des retournements de situation, on ne peut qu’être étonné de l’évolution du récit. Celui-ci aborde plusieurs thématiques, du post-traumatisme aux sentiments les plus refoulés et, c’est sans doute ce qui fait la grande différence avec les précédents romans de l’auteure, ne se perd plus dans quelques digressions malheureuses. Avec Sinestra, Armelle Carbonel épure sa recette, utilise son style très élégant dans le seul but de chérir son histoire. Cette dernière s’avère sombre, effrayante, et jusqu’au-boutiste. Est-ce la signature de La Nécromancière chez Ring (qui, récemment, nous a gratifié d’un Manufacturier en tous points grandiose), maison d’édition à la liberté de ton providentielle ? Toujours est-il que la plume ne nous épargne aucun sentiment éprouvant, (presque) tous provoqués par des non-écrits lourds de signification.

Mais attention, n’allez pas penser que Sinestra s’inscrit dans une recherche forcenée, et injustifiée, du malsain. Celui-ci est au rendez-vous, et pas qu’un peu, mais il est motivé par un objectif précis. On ne peut décemment pas aborder ce dernier, tant il explose dans un dernier quart qui vous laissera médusés, sur les rotules, et en proie à l’insomnie. On insiste : il s’agit de l’une des conclusions les plus tétanisantes qu’on ait lu depuis un bon moment. Sachez, simplement, que les quelques épreuves, autant pour les personnages que pour les lecteurs, visent et atteignent un résultat au-delà de nos espérances. Et pas dénué de sens. Voilà qui termine d’installer ce roman au rang de confirmation, propulsant définitivement Armelle Carbonel parmi les auteures Françaises les plus importantes du moment.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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