article coup de coeur

[Critique] La Lame – Frédéric Mars

Caractéristiques

  • Auteur : Frédéric Mars
  • Editeur : Métropolis
  • Collection : Thriller
  • Date de sortie en librairies : 29 mai 2019
  • Format numérique disponible : Non
  • Nombre de pages : 506
  • Prix : 21€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

Un thriller politique d’une puissance prodigieuse

Nouveau venu dans le monde de l’édition littéraire, Métropolis a toute les cartes en mains pour devenir un acteur majeur du secteur. Avec ses différentes et récentes signatures d’auteurs (dont Cédric Sire), mais aussi sa ligne éditoriale qui, on ne vous le cache pas, nous vend pas mal de rêve, on ne peut que noter le nom de ce nouveau venu. Beaucoup d’entrain dans cette introduction, mais comprenez-nous : on sort de La Lame, et on est conquis.

Autant vous prévenir de suite : on va essayer de ne faire qu’effleurer le récit de La Lame. La grande majorité des polars est finalement assez difficile à aborder, tant l’importance d’une situation de surprise, chez le lecteur, est indispensable. Ici, elle se fait peut-être encore plus importante. On peut tout de même vous éclaircir sur la situation. L’action se déroule dans un futur très proche, et vise à faire converger trois problématiques vers un point d’impact d’une puissance prodigieuse. D’un côté, on a le destin hors normes de Bako Jackson, Président de la République élu en 2027, après un mandat catastrophique du Rassemblement National. Ses origines, mais aussi son parcours qui prend racine chez la France Insoumise avant de s’en éloigner, sonne vrai à la virgule près. Retenez bien ce constat, car il reviendra souvent : Frédéric Mars peut se targuer de réussir un tour de force certes chargé en moments terrifiants, mais aussi très réaliste.

Le second segment nous propulse à Marseille, dans les fameux quartiers Nord de la ville. Et sachez-le, le temps ne change rien à l’affaire : c’est toujours une zone sensible. La situation a tout de même empirée de beaucoup, mais La Lame garde ici sa volonté de placer le lecteur dans une position délicieusement inconfortable, en lui proposant un futur malheureusement très crédible. Cette cité de la Solidarité, où les flics ne peuvent plus rentrer, sauf sous certaines conditions imposées par les caïds, ce n’est pas quelque chose d’irréaliste. On a déjà ce genre d’excès, à l’heure où vous lisez ces lignes. On s’intéresse à Simon Mardikian, officier de la Police Judiciaire, lequel va devoir mener une enquête pour le moins sordide. Car le cadavre d’une prostituée, connue sous le nom de Queen, a été retrouvé dans un état qui dépasse l’entendement. On ne va pas vous le décrire ici, ce serait un bête spoiler, et l’on pourrait encore être l’objet de cauchemars agités. Bref, il s’agit clairement de la partie pensée pour embarquer le lecteur, facile d’accès, avec une évolution vive, dramatique au possible.

Dans l’enfer d’un futur probable

Le dernier cheminement de La Lame nous fait voyager dans une galaxie socialement lointaine, très lointaine. En Afrique. Ce point de vue embarque à la fois Kaza, certes dealer mais surtout véritable vautour, danger mortel qui rôde, à la recherche d’enfants aptes à incorporer son maudit business. On est à Lagos, capitale du Nigéria, dans un bidonville qui ferait passer La Courneuve pour Anaheim. Avant qu’une catastrophe naturelle ne vienne submerger les lieux, et affoler les populations qui n’auront d’autre choix que de se lancer dans une ruée migratoire malheureusement incontrôlée par les différentes autorités, le sale type va poser son regard de vautour sur l’un des élèves de Sékou, professeur émérite. Dans ce segment, Frédéric Mars démontre un talent étonnant pour la description : on évite les lourdeurs, mais les images s’impriment de suite sur nos rétines. Ce Kaza, on ne le connaît pas mais, croyez-nous, on ne l’imagine que trop bien.

Trois cheminements donc, mais n’allez pas penser que La Lame serait un roman à rapprocher d’un film choral de bas étage. Tout s’imbrique avec une précision qui intime le respect, dans un point culminant dont la puissance laissera n’importe quel lecteur pantois. Oui, on en prend le pari. Véritable thriller politique, le roman se révèle aussi une anticipation du contexte migratoire qui vient. Précis au possible, Frédéric Mars ne donne pas dans le sensationnalisme de ce côté de l’intrigue. Il reste finalement très terre-à-terre, et c’est finalement ce qui pourrait bien nous effrayer au plus haut point. Pas de parti pris, pas de jugement : un constat certes alarmant mais très probable. Nous faisons face à une véritable bombe à retardement (et c’est Le Monde qui l’affirme), et le roman joue finement avec les projections, tout en restant avant tout un pur divertissement. Car oui, il est possible de prendre du bon temps de manière intelligente, on a tendance à l’oublier avec tous ces films de super héros qui déferlent non-stop sur les écrans. On notera tout de même un rythme parfois un peu plus haché, mais sur des passages trop courts pour en tenir la moindre rigueur.

La Lame, thriller politique, mais aussi grand roman de divertissement. On ne va pas vous le cacher, nous ne connaissions pas l’œuvre de Frédéric Mars. La surprise n’en est que plus savoureuse. C’est un univers très cinématographique que l’on découvre, on sent bien que l’auteur est du genre à avoir vu des films. Beaucoup de films. Sa manière de faire surgir des situations carrément tétanisantes, au cœur de l’ordinaire (tout réalisto-futuriste qu’il soit) nous a notamment fait penser aux meilleurs films de Takashi Miike. Non, vraiment, on ne vous décrira rien de plus, mais ce chien, vous ne l’oublierez pas. Son intervention mémorable, on la rapproche d’un autre clébard, chez le réalisateur japonais, dans le très bizarroïde Dead Or Alive. Non par ses actes, mais par la poussée de folie qui surgit sans crier gare, et nous fait penser, quelques minutes après avoir assisté à l’action : « mais bon sang, il s’est passé quoi là ? ». Des moments aussi troublants, vous allez en vivre, bien soutenus par un style à la fois riche et fluide. C’est bien simple, on a dévoré le bouquin. Et quand vous saurez pourquoi on reste sous le choc de l’animal précédemment cité, vous comprendre pourquoi ces mots ont un sens. Excellent ouvrage, donc.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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