Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 4
- Développeur : Sucker Punch Productions
- Editeur : Sony Interactive Entertainment
- Date de sortie : 17 juillet 2020
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- Note : 8/10 par 1 critique
Ghost Of Tsushima vous réserve des grands morceaux de bravoure
Quelle drôle de dernière année de véritable vie pour la PlayStation 4, avant que la PlayStation 5 ne prenne le relais ! On sait que les extrémités d’une génération sont, à quelques exceptions (souvenons-nous de Final Fantasy 12, en 2006 sur PS2), peu l’occasion de voir arriver de grands jeux. Sony Interactive Entertainment a clairement décidé de faire mentir ce quasi-adage en balançant du très lourd, jusqu’ici avec Dreams, The Last Of Us Part. II, et dorénavant avec Ghost Of Tsushima. On ne vous cachera pas que, chez Culturellement Vôtre, c’est bien ce dernier qui nous alléchait le plus. Entre le retour tant attendu de Sucker Punch Productions (les licences Sly et inFamous) aux affaires, et un univers japonais qui nous parle beaucoup, le tout saupoudré de différentes présentations aguichantes, on avait le radar en ébullition.
Soyons bienveillants, et prévenons ici que vous n’avez pas à craindre le moindre spoiler dans notre article. Le scénario de Ghost Of Tsushima fait partie de ses grandes forces, il serait dommage de vous le dévoiler plus que de raison. Sachez, tout d’abord, que l’histoire du jeu s’appuie sur des événements réels : les invasions mongoles du Japon, des offensives de grandes envergures qui eurent lieu pendant sept longues années, entre 1274 et 1281. Un contexte historique fort, très dramatique, qui sert de terreau à un récit évidemment sombre. Le joueur incarne Jin Sakai, samouraï rescapé de justesse d’une bataille sanglante. Tombé d’un pont très élevé après son combat désespéré contre l’ignoble mais réfléchi Khotun Khan (descendant imaginaire de Gengis Khan), notre avatar va se voir sauvé par Yuna, une voleuse avec qui il va associer ses forces afin de libérer son oncle, le seigneur Shimura. Cela ne sera que le premier acte d’une aventure très mouvementée, qui connaît quelques fulgurances avec des morceaux de bravoure que, décidément, nous refusons d’évoquer ici. Sachez simplement que les thématiques sont plus nombreuses qu’il n’y paraît, et que la lente évolution de Sakai va avoir des conséquences…
Une passion pour la culture japonaise qui se retrouve à l’écran
Sucker Punch Productions avait prévenu : les développeurs du studio sont de grands fans de culture japonaise, et l’on attendait que ce fait irradie l’ensemble du jeu. Si l’on sent bel et bien un respect pour les codes, on aura tout de même une petite retenue sur le fond. Les grands chefs-d’œuvre du cinéma japonais, les films réalisés par Kurosawa, Mizoguchi, Ozu, se sont toujours intéressés aux thématiques sociétales, ce n’est donc ni une surprise, ni un mal de les retrouver dans Ghost Of Tsushima. Par contre, on ne peut s’empêcher de penser que, au-delà de tout ça, le soft est parcouru par une charte idéologique, désormais en application chez Sony Interactive Entertainment depuis un moment. Sans rentrer dans les détails, nous n’avons pas croisé un personnage féminin important attirant, alors que les grands auteurs ne cessent de rappeler que, justement, la femme forte reste parfois très séduisante (voir par exemple la princesse Yuki, dans La Forteresse Cachée). Quelques missions secondaires font preuve d’équilibre, démontrent que tous les sexes peuvent être en proie au doute face à une invasion, mais dans l’histoire principale (ou même dans les secondaires, avec Tomoe) nous n’aurons pas trace de cet équilibre. Cela fait un peu forcé, et contraste avec le plus grand naturalisme des maitres évoqués plus haut. Par contre, on félicite les auteurs de ne pas avoir sous-pesé l’importance des femmes-combattantes (ou onna-bugeisha), cela apporte de la justesse représentative, et c’est une bonne chose.
Ghost Of Tsushima était aussi très attendu pour son gameplay, car on se demandait comment des non-japonais allaient s’en sortir avec un environnement possiblement très inspiré, dans ses mécaniques, de jeux occidentaux. La réponse est simple : c’est effectivement assez classique, on fait face à un open world truffé de points d’intérêt à compléter, mais aussi d’une solidité à (presque) toute épreuve. Ne faisons pas durer le suspens : le monde ouvert est régi par des règles qui se rapprochent plus d’un jeu de Rocksteady que de FromSoftware. On a donc une certaine dose de liberté, on a largement l’opportunité de souffler entre deux missions principales, ce qui n’est jamais un mal. On peut chercher des lieux paisibles pour composer un Haïku, trouver des sanctuaires d’Inari, et d’autres choses que l’on vous laisse découvrir. Le tout se fait assez récompensant pour qu’on ait réellement envie de s’investir, que ce soit en éléments cosmétiques (bandeaux, skin d’épée etc) ou en gains d’effets (charmes, énergie, détermination). L’île de Tsushima se divise en trois grands territoires (eux-même découpés en petites régions), elle n’est peut-être pas aussi vaste que dans d’autres softs du genre mais compense intelligemment par une exploration très généreuse. Exemplaire, à ce niveau.
Un ATH allégé, mais pas encore jusqu’au-boutiste dans son naturalisme
On espérait aussi que le monde ouvert de Ghost Of Tsushima allait plus se diriger vers la grande intelligence de celui d’un The Legend Of Zelda : Breath Of The Wild, plutôt que vers ce qu’on a connu dans inFamous. Dans les faits, c’est plutôt équilibré, même si l’on sent bien que Sucker Punch Productions n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la démarche. On a bel et bien une absence de radar à l’écran, et ça c’est topissime. Terminé l’impression désagréable d’être sur un rail alors que, par nature, l’univers nous offre bien des possibilités d’approche. Mais les développeurs n’ont pas été jusqu’à pousser le joueur à se trouver des points de vue éclairant. Non, on a tout de même une carte dans le menu de pause, et on est aidé par ce qui est finement appelé le vent directeur. C’est une très belle idée : on balaye le pavé tactile avec le doigt, et une bourrasque vient nous indiquer la direction de l’objectif. Cela joue évidemment un rôle dans notre rapport à l’ATH (affichage tête haute), bien plus organique que dans un Assassin’s Creed, par exemple. En exploration, nous n’avons aucune information, à l’écran, autre que ce que voit Jin dans son « réel vidéoludique ». Et ce même si le studio a dû avoir recours à des idées pour nous aider peut-être un peu plus que de raison : les oiseaux et autres renards sont là pour nous mener, finalement exactement comme un GPS. Aussi, on a tout de même quelques indications concernant les endroits ou les personnages qui amorcent les missions. Et Jin profite d’une écoute tactique, une sorte de pouvoir « à la Batman » qui nous indique la position des ennemis. Tout ça, à la longue, se ressent comme un subterfuge.
Le Japon féodal, c’est le combat de sabre. Sucker Punch Productions en est conscient, et savait que Ghost Of Tsushima serait durement jugé pour son système de combat. C’est, en fait, le seul élément du jeu que l’on trouve mitigé. Rappelons que la définition de ce mot induit vers des qualités et des défauts, là encore on n’est pas dans du négatif, calmons les ardeurs. Outre le fait qu’il porte le nom d’un très bon défenseur de l’Olympique de Marseille, Jin Sakai est avant tout un bretteur des plus doués. Vous arpentez donc les chemins armé de votre katana et du tanto, une lame courte qui permet d’assassiner en toute discrétion. Ce duo induit tout le système : vous pouvez tout autant prendre vos adversaires par surprise en exploitant l’environnement (passer sous les maisons, par les toits, dans les hautes herbes) qu’y aller de manière plus frontale. Votre réputation, sur l’île, est celle d’un fantôme, on vous conseille donc d’en profiter un maximum, surtout en observant les objectifs de certaines missions. Par exemple, vous devrez libérer des fermes, donc sauver les otages. Seulement, si vous êtes trop bourrin, il se peut que l’un des gardes mongoles exécute un innocent. On a de suite l’information, par le biais d’un avertissement au-dessus de l’ennemi en question (une tête de mort rouge), donc on pourra stopper si l’on est rapide. Mais tout de même, rien n’est plus gratifiant que de ne pas arriver à cette extrémité, en éliminant un à un les envahisseurs notamment depuis une hauteur.
Un système de combat fluide, mais imparfait
Jin reste tout de même un véritable samouraï, dès lors son sens de l’honneur pousse aussi Ghost Of Tsushima à s’y plier. On pourra donc choisir une approche plus frontale, notamment en lançant une confrontation. Quand on accoste un groupe d’ennemis pas encore au courant de votre présence, on se voit proposé d’appuyer sur la croix directionnelle afin de lancer un duel (qui peut embarquer jusqu’à trois ennemis, selon l’évolution de la capacité). Là, l’opposant se met en garde, et nous devons maintenir Triangle, avant de relâcher la touche quand l’adversaire attaque. Bien entendu, les mongoles, ou les chapeaux de paille (des ronins qui ont rejoint l’envahisseur), peuvent faire preuve de vice, et lancer des feintes de corps. Si l’on tombe dans le panneau, c’est la quasi intégralité de la barre de vie qui disparait, alors faites attention à bien observer les mouvements, et à agir au tout dernier moment. Cette mécanique est aussi utile pour remplir nos indicateurs de détermination, des jauges qui permettent de se soigner, ou de lancer des attaques mythiques (par exemple la voie du feu, qui enflamme le katana pour brûler et terrifier les adversaires). Chacun agira donc comme il le sent : en accord avec le bushido, ou presque comme un ninja, même si l’on reste loin de ce qu’on a pu voir dans un Tenchu.
Jusqu’ici, tout va très bien, mais si l’on évoquait un système de combat mitigé, ce n’est pas immérité. Une fois que la bataille est lancée, le gameplay se fait plus proche de ce qu’on a pu connaitre dans les jeux de Rocksteady (qui n’est pas notre tasse de thé, vous l’aurez compris), mais tout de même saupoudré de quelques bonnes idées. Tout d’abord, les joutes de Ghost Of Tsushima font directement appel au principe du Pierre-papier-ciseaux. Comprendre par là qu’il faut observer l’ennemi et agir en fonction de son type. Pour mettre ça en place, Sucker Punch Productions a finement pensé aux postures, indissociables de l’utilisation d’un katana. Elles sont efficaces pour infliger des dégâts d’ébranlement qui, une fois maximisés, assomme (ou stun, pour les puristes) l’opposant, le laissant à la merci de la lame de Jin. On en a quatre : la pierre est efficace contre les antagonistes munis d’une simple épée, l’eau contre les boucliers, le vent contre les lances, et la lune contre les grosses brutasses. On passe de l’une à l’autre avec une grande fluidité, en associant R2 avec l’un des quatre boutons de la Dual Shock 4, ce qui lance un ralentissement de l’action aussi salvateur que tactique. Tout cela fonctionne très bien, seulement on n’a pas cessé de regretter l’absence d’un véritable verrouillage de l’ennemi. Il existe bien une option, dans l’accessibilité, pour une visée assistée. Mais même elle ne nous a pas convaincu. Du coup, Jin est parfois imprécis, ce qui vient en contradiction avec sa maitrise de la lame. Voilà qui, pour nous, apporte un regret au tableau jusqu’ici nickel chrome.
La direction artistique est l’une des grandes stars du jeu
On a lu, pendant notre test, des articles stupides concernant le poids de Ghost Of Tsushima. Le fait qu’il ne pèse pas une centaine de gigas en ferait un jeu « léger ». On s’inscrit en faux face à ce raccourci des plus creux : la durée de vie n’a aucun rapport avec l’optimisation d’un soft. Rappelons, par exemple, qu’un Skyrim pesait moins de quinze gigas, et personne ne pourra évoquer le jeu de Bethesda comme étant trop juste en terme de contenu. Cette pichenette effectuée, on peut ici affirmer que l’expérience est longue, et que vous en sortirez rassasiés. Comptez une grosse vingtaine de récits pour compléter l’histoire principale, ce qui vous occupera déjà un moment. À cela s’ajoute une soixantaine de missions secondaires, et sept histoires mythiques. Tout cela véritablement scénarisé : on n’est absolument pas dans de la quête Fedex. Tout ce qu’on accompli vient préciser l’univers du titre, en développer le background et l’ambiance. Oui, on est exactement sur l’exemple de The Witcher 3 : on n’a pas d’impression de remplissage. Celle-ci vient plus dans la complétion, la recherche du 100% avec toutes les collections à terminer. Mais même là, les développeurs ont tout de même cherché à tout justifier : par exemple, détruire tous les bambous d’entrainement vous vaudra de drastiquement renforcer la détermination. Plus rébarbatif, la quête de la libération de l’île demande à répéter les mêmes schémas beaucoup trop souvent. Ajoutons aussi tout un système d’amélioration d’armes, d’armures et d’objets grâce à la récupération de ressources sur le terrain (bois, métaux, tissus et marchandises). Si vous voulez tout voir, alors vous êtes partis pour un très long trip.
Terminons par un dernier élément très surveillé : la technique. Les premières images de gameplay dévoilées, en 2018, avaient mis la barre très haute. Dans les grandes lignes, cette note d’intention se retrouve bel et bien dans Ghost Of Tsushima même si, évidemment, regarder ce trailer rappelle que le projet a un peu changé en deux ans. Comment cela se traduit-il à l’écran ? C’est simple : c’est incroyablement beau. Certes, un The Last Of Us Part. II reste très au-dessus en terme d’animations, notamment faciales, mais le jeu de Sucker Punch Productions reste d’un très haut niveau. C’est d’une fluidité parfaite, les textures se révèlent précises, les effets de lumière… orgasmiques. On atteint là l’un des meilleurs atouts du titre : sa direction artistique flamboyante. Bon sang, mais que c’est charmant. On ne va pas aller trop loin pour vous en laisser la surprise, mais sachez que tous les moments de la journée se reconnaissent, avec un gros, très gros travail sur le crépuscule. Le niveau des détails est aussi fascinant, avec un focus aussi effectué sur la culture mongole, peu connue en Occident. Enfin, vous allez rester baba devant certains panoramas, qu’ils soient du genre à mettre en valeur l’excellente distance d’affichage, ou les spécificités du sol de Tsushima. Ah, ces hautes herbes, et ces pétales certes en représentation exagérée mais tellement poétiques. Les cinéphiles pourront aussi vivre l’intégralité de l’aventure en mode Kurosawa, un filtre noir et blanc qui recréé l’effet pellicule des films japonais de 1950. Cela va jusqu’au mixage sonore, dont la personnalité change totalement, on vous en laisse la surprise. La bande originale, elle, va du sympathique au carrément mémorable. Aux commandes, on retrouve Shigeru Umebayashi, compositeur génial jusqu’ici cantonné au cinéma (In The Mood For Love, Le Maître d’Armes). S’il manque un thème véritablement iconique, véritable marque de fabrique des OST depuis de longues années, on adore notamment les sonorités mongoles des combats, ou encore la magnifique chanson finale. Enfin, nous ne pouvons que vous conseiller d’opter pour le doublage japonais, le français et l’anglais étant bien en-deça.
Note : 17/20
Avec Ghost Of Tsushima, Sucker Punch Productions et Sony Interactive Entertainment livrent le dernier grand jeu first party de la PlayStation 4. Une grande fête donc, laquelle contraste avec le scénario dramatique d’une trame principale qui réserve quelques gros morceaux de bravoure. On pourrait couvrir de louanges ce soft pendant des heures : il le mérite, notamment pour sa direction artistique flamboyante, même si tout n’est pas parfait. On regrette surtout que les développeurs ne soient pas allés au bout d’une intention naturaliste de l’ATH, une certaine répétitivité autour des éléments à collecter, et un verrouillage des ennemis qui nous laisse un goût amer. Vous aurez compris, en découvrant notre note, que tout cela est dans des proportions telles qu’on n’en fait pas non plus des freins à l’achat. Au contraire, Ghost Of Tsushima est chaudement recommandé, non seulement aux amateurs d’open world, mais aussi de culture japonaise. Ceux-là découvriront un hit qui, potentiellement, les amusera de bien nombreuses heures.