Caractéristiques
- Titre : Et ensuite, le silence
- Auteur : Rose Mallai
- Editeur : Du Gros Caillou Editions
- Date de sortie en librairies : 6 juin 2024
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 288 pages
- Prix : 19 € pour la version papier, 13.99 € pour la version numérique
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- Note : 9/10 par 1 critique
Bienvenue au 10 rue Georges Marie. Charlotte et Martin y vivent avec leurs deux enfants de 7 et 3 ans, Maxine et Eliott. Nous sommes le 1er janvier 2023 et un drame se produit au domicile familial. Qu’a-t-il bien pu se passer dans ce foyer en apparence ordinaire ? C’est tout le sujet de Et ensuite, le silence, premier roman de Rose Mallai, publié en juin 2024 aux Éditions du Gros Caillou.
Un roman habilement construit
La force première de cet excellent premier roman est sa construction. Après un prologue glaçant où le destin de plusieurs personnages bascule suite à un coup de téléphone, l’autrice opère un bond dans le temps et revient progressivement sur les causes de cet événement tragique. Au gré de flashbacks et de retours dans le présent, Rose Mallai distille savamment ses indices, tout en retardant le dénouement avec une grande habileté. L’histoire est en perpétuelle construction, et l’on découvre peu à peu ses véritables enjeux, à mesure que les révélations se succèdent.
A ce récit non linéaire s’ajoute une multiplication de points de vues qui concourt à densifier le roman et ses personnages. La narration est, par instants, à la première personne, lorsque Charlotte écrit dans son journal intime, sur les conseils de sa psychologue. Dans ces passages réflexifs, la plume de l’autrice se fait plus intime et utilise un style graphique différent : l’italique et parfois les ratures, qui nous permettent d’accéder aux pensées les plus secrètes de la protagoniste. Dans les autres chapitres, le point de vue de Martin, à la troisième personne, alterne avec celui de Charlotte, ou – plus rarement – d’autres personnages. Ce jeu sur la focalisation interne et externe permet au propos de gagner en nuance, et au doute de s’installer quant à la responsabilité de chacun dans le drame.
Suspense et tension nerveuse
Avec tout juste 280 pages, le roman de Rose Mallai se lit d’une traite, et sa plume est extrêmement addictive. Le lecteur est immédiatement plongé dans une ambiance étouffante et anxiogène, qui ne cesse de s’accentuer au fil des pages. L’on brûle d’impatience de découvrir la clef du mystère et ce qui s’est passé lors du prologue, mais l’autrice s’amuse à brouiller les pistes et à différer sans cesse la résolution. Son style est direct et incisif, et les dialogues percutants succèdent adroitement aux descriptions psychologiques plus approfondies. Quelques révélations inattendues sont disséminées ça et là au sein de l’intrigue, donnant l’impression d’un véritable uppercut, et venant remettre en perspective tout ce que l’on pensait avoir compris.
L’autrice place le lecteur dans la position d’un voyeur, qui assiste, impuissant, à la chute progressive des différents personnages. On a envie de réagir, de se révolter face à l’injustice ou à l’inaction, et l’on ressort exsangue de cette lecture éprouvante. Et pourtant, les chapitres, très courts, s’enchaînent à un rythme soutenu, et l’on ne peut s’empêcher de continuer cette absorbante descente aux enfers.
Un drame psychologique intense
A la frontière entre drame intimiste et thriller psychologique, Et ensuite, le silence propose une galerie de personnages forts et nuancés : une mère de famille dépassée qui ne parvient pas à faire le deuil de sa vie d’avant, un père possessif et exigeant, des amis conciliants mais inconscients du malaise croissant au sein de la famille… Rose Mallai dresse des portraits touchants mais sans concession, et rappelle que chacun peut ressentir des émotions contradictoires face à la parentalité, au couple, et au bouleversement constant qu’ils apportent à nos vies.
Le roman est dur et bouleversant, à ne pas conseiller, peut-être, aux personnes trop sensibles ou aux jeunes parents, car l’autrice choisit de traiter frontalement des thématiques sombres et parfois tabous : charge mentale, affres du post partum, violence conjugale… Autant de sujets souvent occultés pour ne pas heurter la bien-pensance ou la pudeur, mais pourtant si nécessaires et criants de vérité. Comme le personnage de Charlotte, le lecteur débute l’histoire plein d’espoir, avant de sombrer dans le pessimisme le plus total, à mesure que l’intrigue avance. On pourra reprocher, d’ailleurs, une légère exagération dans le traitement de l’un des personnages, qui manque un peu de réalisme, au regard de la finesse d’écriture globale de Rose Mallai.
Et ensuite, le silence est donc un roman sombre, complexe et passionnant, qui se lit d’une traite grâce à une construction habile et une plume directe et tranchante. Un premier roman qui, par sa noirceur et l’étude psychologique captivante de sa protagoniste, ne laissera personne indifférent.