Caractéristiques
- Titre : Impardonnable
- Auteur : Mathieu Menegaux
- Editeur : Grasset
- Collection : Litterature Francaise
- Date de sortie en librairies : 8 janvier 2025
- Format numérique disponible : oui
- Nombre de pages : 234
- Prix : 20€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Quatre ans après la sortie de Femmes en colère, Mathieu Menegaux, auteur de Je me suis tue (2015), Un fils parfait (2017), prix Claude Chabrol du roman noir, ou encore Est-ce ainsi que les hommes jugent ? (2018), prix Yourcenar, revient avec un nouveau roman, Impardonnable, publié aux éditions Grasset.
La justice peut-elle apaiser ?
Dans Impardonnable, deux récits s’entremêlent : celui d’Anna, tout d’abord, qui a perdu sa fille Lucie, renversée par un chauffard qui a pris la fuite, et celui de Paul, qui a lui-même tué un jeune homme sur la route en revenant d’une soirée. Tandis que la première se morfond dans la colère et le désir de vengeance face à une justice trop clémente, l’autre porte le poids de la culpabilité derrière les murs d’une prison.
A travers ces deux personnages torturés, Mathieu Menegaux propose une réflexion intelligente et subtile sur la justice, le remords, le pardon et le ressentiment. Est-il possible de compenser la perte d’un être cher par une peine de prison, aussi longue soit-elle ? L’enfermement est-il une solution ? Apporte-t-il aux coupables une transformation, une réhabilitation ? En étudiant avec une certaine neutralité deux points de vue opposés sur une même histoire, l’auteur ne se place pas en juge manichéen, mais donne au lecteur la possibilité d’appréhender l’expérience, les émotions et les sensations de chacun des protagonistes.
Une réflexion subtile et habilement construite
Le récit se fait tantôt intime, se concentrant sur les existences bouleversées d’Anna et de Paul, tantôt universel, dressant le portrait d’une justice inefficace et d’un système carcéral dépassé, n’offrant aux familles des victimes que des délais interminables et des peines dérisoires. En suivant Paul, on découvre les conditions de vie déplorables dans les prisons, l’inéquité des sanctions et l’inutilité de ce système uniquement punitif. A travers Anna, on ressent le sentiment d’impunité et d’injustice, l’attente insupportable et l’impossibilité du soulagement et du deuil.
La construction du roman est habile, alternant les chapitres du point de vue d’Anna et de Paul avec une police d’écriture différente, immédiatement repérable. Les deux personnages sont développés avec la même profondeur, livrant leurs peurs, émotions et regrets avec la même intensité. Le lecteur n’a d’autre choix que de les écouter, témoin attentif de leurs pensées, et ne peut pas porter de jugement hâtif, tant Mathieu Menegaux s’applique à nuancer ses protagonistes pour n’en diaboliser aucun et rendre possible l’identification et la compassion.
Une plume dense, nuancée et sensible
La plume de l’auteur est dense et travaillée, avec de nombreuses énumérations, comme pour mieux retranscrire les longs monologues intérieurs d’Anna et de Paul. Il nous livre leurs questionnements, leurs doutes et leurs indignations sans fard, à travers de longs paragraphes peu aérés, sans pour autant que le texte ne devienne indigeste ou ardu. L’écriture fouille, décortique les pensées et devient parfois explicative, lorsqu’elle s’attarde notamment sur les procédures du système pénal ou l’envers du décor d’un procès et de ses enjeux.
Le roman est poignant et sensible, osant formuler des questionnements intimes parfois tabous ou difficiles, et Mathieu Menegaux parvient à la fois à écrire un réquisitoire intelligent contre un système défaillant et un récit nuancé, capable de faire la différence entre un monstre et un acte monstrueux. Les personnages évoluent au fil des pages et ne restent pas figés dans leurs positions et leur souffrance, ce qui achève de faire d’Impardonnable un récit vibrant, fin et lucide sur notre société et ses possibles améliorations.
Avec Impardonnable, Mathieu Menegaux livre donc un récit subtil et émouvant, raconté à deux voix par l’accusé et la victime d’un crime similaire. Grâce à une plume dense et vibrante et une construction habile, l’auteur évite tout jugement expéditif et mêle questionnements intimes et réquisitoire nuancé contre les failles de notre système judiciaire et carcéral.
