Caractéristiques

- Titre : Les visages du feu - Tome 1 L'institut du nouveau lendemain
- Auteur : Chloé Vollmer-Lo
- Illustrateur(s) : Nicolas Caminade
- Editeur : Nathan
- Collection : Grand Format
- Date de sortie en librairies : 28 août 2025
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 512
- Prix : 17,95 €
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- Note : 8/10 par 1 critique
Photographe de formation et traductrice de bandes dessinées anglophones, Chloé Vollmer-Lo s’est d’abord fait remarquer en 2016 avec L’Apocalypse selon Magda, roman graphique scénarisé par ses soins et illustré par Carole Maurel, couronné du prix Artémisia Avenir. Avec Les Visages du feu, Tome 1 : L’Institut du Nouveau Lendemain, publié en cette fin d’été aux éditions Nathan, elle signe son premier roman destiné aux jeunes adultes et se lance dans un projet ambitieux : une trilogie dystopique engagée.
Un huis clos aux règles implacables
À l’Institut du Nouveau Lendemain, établissement coupé du monde où ni le soleil ni le vent ne filtrent à travers les fenêtres closes, la notion même d’ailleurs n’existe pas. Les pensionnaires n’ont ni passé à se rappeler ni avenir à espérer, seulement un présent régi par des règles strictes et une hiérarchie rigide. Luce – ou plutôt matricule L2106 – appartient à l’élite du rang 1 et se montre fière de ce statut, jusqu’au jour où un souvenir interdit, enfoui depuis longtemps, resurgit. Une étincelle se rallume, porteuse d’une question dangereuse : et si la vie existait au-delà de ces murs ?
Premier volet d’une trilogie annoncée, le roman de Chloé Vollmer-Lo déploie dès ses premières pages un univers codifié dans les moindres détails. L’autrice y installe un huis clos oppressant où tout obéit à une mécanique implacable. La structure sociale est aussi claire que brutale : les encadrants, toujours mieux nourris et logés, règnent sur des élèves divisées en trois rangs. Au sommet, le rang 1 concentre les privilèges, au milieu, le rang 2 sert de marchepied ; tout en bas, le rang 3 survit dans des conditions précaires, corvéable à merci. L’ambition et la jalousie cimentent ce système post-apocalyptique où les gestes les plus banals – partager un repas, prononcer un prénom – deviennent suspects.
De l’obéissance à la résistance
Luce s’impose rapidement comme une héroïne au caractère affirmé. Si elle apparaît d’abord disciplinée, parfaitement intégrée à l’ordre établi, ses certitudes se fissurent peu à peu. Au fil des pages, la jeune fille délaisse sa soumission initiale pour se muer en véritable meneuse, prête à affronter une institution aux motivations troubles. Cette transformation, subtilement amenée, se nourrit de rencontres décisives : compagnes choisies avec soin, alliances inattendues… Hantée par des éclats de souvenirs du monde d’avant, Luce voit ces fragments de lumière resurgir à travers des passages en italique, comme des bouffées d’air interdit. Chloé Vollmer-Lo maîtrise parfaitement l’art de l’imparfait, explorant avec précision émotions, sensations et images diffuses, jusqu’à ce que ces réminiscences deviennent moteur de l’action.
Sous ses dehors de fiction captivante, ce premier tome interroge les ressorts du contrôle social. L’Institut se définit avant tout par ce qu’il interdit : toute liberté d’action, de pensée ou de choix. Face à cet enfermement total, la rébellion de Luce se teinte de colère, de détermination, mais aussi de violence. Certaines scènes, frontalement dures, rappellent que dans ce monde cloisonné, la résistance ne se fait pas sans heurts ni sacrifices. La plume de l’autrice conjugue tension et lyrisme, alternant descriptions ciselées et dialogues nerveux, pour porter un récit où l’émotion n’étouffe jamais le rythme. Résolument féministe, cette histoire ne se contente pas de décrire la révolte : elle l’incarne.
Une dystopie féministe haletante
L’Institut du Nouveau Lendemain s’inscrit pleinement dans une tradition de récits engagés où la dystopie devient un miroir grossissant des inégalités réelles. Porté presque exclusivement par des personnages féminins, le roman déploie des figures fortes et résolues. Combatives, solidaires ou stratèges, elles incarnent chacune une facette de la lutte contre un ordre patriarcal et hiérarchisé. Les discours féministes se révèlent percutants, intégrés au cœur de l’intrigue sans jamais virer à la démonstration didactique. L’autrice parvient ainsi à immerger le lecteur dans un univers dense, peuplé de personnages attachants, tout en explorant avec finesse des enjeux brûlants : fracture entre classes sociales, domination institutionnelle et condition des femmes dans un monde post-apocalyptique.
Si le roman séduit par ses idées et ses personnages, il convainc tout autant par son efficacité narrative. Malgré le cadre en apparence restreint du huis clos, le rythme ne faiblit jamais. Chapitres courts, dialogues dynamiques, enchaînement de péripéties : tout concourt à maintenir une tension constante. L’autrice joue avec les attentes du lecteur, bifurque là où on l’imagine suivre une ligne droite, et distille bon nombre de retournements surprenants. Le résultat est un récit à la fois fluide et riche, capable de mêler suspense et profondeur thématique.
Avec ce premier tome, Chloé Vollmer-Lo pose les bases d’un univers foisonnant, riche en tensions et en promesses. L’efficacité de la narration, la justesse des personnages et la pertinence des thématiques en font une entrée en matière réussie pour cette trilogie. L’Institut du Nouveau Lendemain séduit autant par son intrigue haletante que par son regard critique sur les rapports de pouvoir et la place des femmes dans un monde post-apocalyptique. Un roman qui se dévore d’une traite, mais qui laisse aussi son empreinte, et dont on attend la suite avec grande impatience.