[Critique Essai] Ecran noir : Les histoires vraies derrière les films d’horreur – Eric Libiot

Caractéristiques

  • Titre : Ecran noir - Les histoires vraies derrière les films d'horreur
  • Auteur : Eric Libiot
  • Editeur : Dark Side
  • Date de sortie en librairies : 15 octobre 2025
  • Format numérique disponible : non
  • Nombre de pages : 320
  • Prix : 22 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 6/10

Journaliste longtemps à la tête des pages culture de L’Express et aujourd’hui directeur du magazine Écran total, Éric Libiot poursuit son exploration du cinéma avec Écran noir : Les histoires vraies derrière les films d’horreur, publié cet automne chez Dark Side Éditions. L’ouvrage est précédé d’une préface signée François Theurel, plus connu sous le nom du Fossoyeur de Films, dont les analyses sont suivies par près de 800 000 abonnés sur YouTube. Une belle promesse pour cet ouvrage, qui entend dévoiler le réel derrière les monstres de cinéma.

Aux origines de la peur

L’essai part d’un constat simple : si le cinéma d’horreur fascine autant, c’est peut-être parce qu’il s’appuie, bien plus souvent qu’on ne l’imagine, sur un terreau profondément réel. Derrière les silhouettes monstrueuses ou les récits cauchemardesques de La Colline a des yeux, Jennifer’s Body ou encore M le Maudit, se profilent des affaires criminelles avérées. Éric Libiot en propose une exploration en vingt-et-un films emblématiques, chacun analysé sous un double prisme : d’abord, celui de la mise en scène et de ce qu’elle révèle de nos angoisses collectives, puis celui du fait divers, authentique ou supposé, qui a nourri l’imaginaire du long-métrage.

La préface signée François Theurel rappelle que le genre horrifique est protéiforme. Il englobe aussi bien les slashers que les films psychologiques ou les récits fantastiques, avec pour fil conducteur une idée commune, celle d’une « réalité qui bascule ». Cette diversité sert de point d’appui à Eric Libiot pour revisiter une tradition familière aux amateurs du genre, à savoir les œuvres annoncées comme « tirées d’une histoire vraie ». L’auteur rappelle que cette mention, fréquente sur les écrans, est souvent un simple argument marketing. Les cinéastes s’emparent de faits réels, les réinventent ou les amplifient, brouillant la frontière entre vérité et création.

Le livre s’attache donc à éclairer ce jeu de réappropriation, en révélant ce qui relève du fait établi, du récit déformé ou du pur fantasme. Le lecteur est ainsi invité à démêler le vrai du faux, à comprendre comment un tueur en série, une rumeur locale ou un événement mal documenté peuvent devenir la matrice d’un film culte. En ce sens, l’essai propose un travail déjà décanté, offrant les clés nécessaires pour comprendre les écarts entre la réalité des archives et la version qu’en donne le cinéma.

Une sélection éclectique dans un bel écrin

Ecran noir se distingue d’abord par la qualité de sa fabrication. Massif, imprimé sur un papier épais, il joue sur un contraste très marqué de noir, de rouge et de blanc qui crée une identité visuelle immédiatement reconnaissable. Chaque film bénéficie d’une organisation rigoureusement identique : d’abord la partie consacrée au cinéma, reconnaissable à ses feuillets sombres et à son illustration en pleine page, avec les informations essentielles de l’œuvre — réalisateur, année, équipe technique ou pays d’origine. L’analyse filmique occupe ensuite plusieurs pages, consacrées au contexte de création, aux intentions du réalisateur, aux choix de mise en scène ou encore à l’accueil critique. Les pages blanches déroulent, elles, l’affaire réelle : présentation des faits, portrait des victimes, pistes explorées, résolution éventuelle. L’ensemble, très structuré, offre un aller-retour constant entre cinéma et réalité, soutenu par une iconographie soignée.

La sélection retenue par Éric Libiot couvre un spectre volontairement large, mêlant films fondateurs, œuvres cultes et propositions plus inattendues. Aux côtés de titres emblématiques tels que Massacre à la tronçonneuse ou Amityville, figurent des choix plus singuliers comme la poupée Robert qui aurait inspiré Chucky dans Jeu d’enfant, ou encore l’emprise exercée par Paul Schäfer, à l’origine du film Colonia. L’ouvrage revient également sur des associations plus discutées, comme le rapprochement parfois évoqué entre Scream et les crimes du tueur en série Danny Rolling. Cette diversité a le mérite de replacer le cinéma d’horreur dans toute son étendue, du mythe gothique de Dracula aux violences contemporaines de The Strangers. Il nous semble utile de préciser que les analyses partent du principe que le film est connu ; elles n’hésiteront donc pas à dévoiler des éléments clés de l’intrigue.

Libertés narratives et critiques assumées

Dans les pages consacrées aux faits divers, l’auteur mise sur une narration au présent pour plonger le lecteur dans l’atmosphère de l’affaire. Ce choix crée une immersion réelle, proche du thriller, renforcée par un ton parfois familier et ponctué de touches d’humour. Éric Libiot se distingue également par la liberté de son regard critique. Loin de célébrer systématiquement les œuvres qu’il aborde, il n’hésite pas à pointer leurs faiblesses. Il dit ainsi de Dahmer le cannibale, de David Jacobson, que ce n’est « pas un très bon film », preuve d’une franchise appréciable dans un ouvrage consacré à des films souvent érigés au rang de références du genre. Cette transparence donne à l’ensemble un relief particulier, mêlant analyse, récit criminel et opinion argumentée.

L’approche adoptée montre toutefois ses limites. Certains rapprochements entre films et faits divers restent hypothétiques, à l’image du clown tueur de Ça, prétendument inspiré de John Wayne Gacy. Les rumeurs tenaces souvent avancée par les amateurs de true crime à son sujet ont en effet toujours été démenties par Stephen King lui-même. À ces incertitudes s’ajoutent des choix d’écriture qui rompent parfois avec la rigueur journalistique. Dans plusieurs chapitres, la narration se pare de détails imaginés ou de reconstitutions très romancées, au détriment de la sobriété attendue lorsqu’il s’agit de faits authentiques. Quelques envolées stylistiques, comme ces descriptions trop poétiques de nuits sanglantes ou de scènes recontextualisées avec emphase, peuvent paraître artificielles et amoindrir la force du propos documentaire. Un ton plus neutre aurait sans doute renforcé la clarté et la crédibilité de certaines pages.

Avec Écran noir – Les histoires vraies derrière les films d’horreur, Éric Libiot signe donc un ouvrage à la fois documenté et accessible, soutenu par une conception graphique soignée et une sélection de films suffisamment variée pour capter l’attention des amateurs de cinéma d’horreur. Si certaines libertés narratives nuisent parfois à la rigueur de l’ensemble, l’essai n’en demeure pas moins une lecture stimulante, offrant un éclairage original sur les inspirations — réelles ou fantasmées — de plusieurs œuvres emblématiques du genre.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles. Depuis, elle est également devenue une (excellente) critique de cinéma et parle régulièrement de cinéma de genre (avec une prédilection pour les films d’horreur) et de cinéma d’auteur.

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